Culture

L’Œil du monde, de Pascal Dethurens (L'Atelier contemporain)

Auteur : Olivier Olgan
Article publié en 2019 revu en 2025

Le mérite de l’essai polyphonique L’œil du Monde » (éditions l’Atelier contemporain), Pascal Dethurens est de croiser l’univers des mots et des images, de décloisonner les genres pour mieux souligner les liens et les correspondances, et les éclairer mutuellement. Ainsi près d’une centaine d’oeuvres sont appelés : Leiris, Yourcenar, Shakespeare, Rilke côtoient Vermeer, Friedrich, Matisse, Hopper… Autant de formes de cet « art des fenetres » qui prend corps dans un récit qui ne cherche pas l’exhaustivité mais le sens. Grâce à une érudition virevoltante et une langue très imagée, de brefs chapitres emportent le lecteur et Olivier Olgan en rêveries et méditations « dans ce lieu magique on l’on peut goûter au bonheur au seuil de l’infini. »

La métaphore de la peinture, que le sens de la vie est ailleurs.

Le mérite de l’essai polyphonique est de croiser l’univers des mots et des images, de décloisonner les genres pour mieux souligner les liens et les correspondances, et les éclairer mutuellement. Ainsi près d’une centaine sont appelés : Leiris, Yourcenar, Shakespeare, Rilke côtoient Vermeer, Friedrich, Matisse, Hopper…

Le récit qui ne cherche pas l’exhaustivité mais le sens, se débarrasse de la chronologie historique. Il lui préfère des approches thématiques incisives : ‘Bonheurs de l’ouvert, ‘Le spectateur en abyme’ ou ‘Métaphysique polémiques’, …

Grâce à une érudition virevoltante et une langue très imagée, de brefs chapitres emportent le lecteur en rêveries et méditations « dans ce lieu magique on l’on peut goûter au bonheur au seuil de l’infini. »

Infini, le mot est lancé

La dynamique ne retombe jamais au fil de ses 150 pages judicieusement illustrées.
« Face à la fenêtre l’oeil et la pensée ne se limitent pas à la contrainte arbitraire d’un cadre, ils prennent la forme même de l’interrogation humaine. Fenêtres de la vue. Fenêtre de la vie. » La lucarne est dotée de pouvoirs mi magiques, mi mystiques qui prennent de multiples assertions : « métaphore du regard de Dieu sur sa création, partie liée avec l’irreprésentable », un « espace absolu du dévoilement », qui « place l’homme à mi-chemin de ses devoirs terrestres et religieux . »

Le bonheur de l’ouvert

« La fenêtre est intéressante car elle permet de montrer certaines choses et d’en suggérer d’autres. »

Hammershoi, Intérieur, rayon de soleil sur le sol, 1906 (Tate – Expo Jacquemart André 2019) photo OOlgan

Pascal Dethurens lance une invitation à lire et à regarder un des symboles occidentaux « qui ne montre ni ne dévoile rien, mais ‘signifie’. » Organisé en neuf chapitres, il met au jour certains aspects du motif en s’affranchissant des contraintes chronologiques et en rapprochant des œuvres séparées dans le temps, offrant ainsi au lecteur des configurations nouvelles et inattendues.

Le motif de la fenêtre, qu’il soit analysé comme espace de dévoilement, ouverture synesthésique, ou mise en question de la figuration (quand la fenêtre n’est plus outil du voir, mais « lieu du songe et du mystère »), est appréhendé de manière extrêmement suggestive dans ses dimensions à la fois phénoménologiques et métapoétiques. (…)

En opérant de manière non chronologique, Pascal Dethurens met au jour certains invariants du motif et la constance des questionnements qui lui sont attachés en dépit de la variété des contextes. Ainsi de la question du désir qui fait de la fenêtre le lieu de l’échange amoureux (chez Shakespeare, Boccace, ou encore Maeterlinck), mais aussi le lieu d’une cristallisation de l’attente (ainsi dans certaines scènes du Désert des tartares ou de La Princesse de la Clèves), voire de l’attente inaboutie et du vide (Hopper). (…)

Pascal Dethurens l’affirme d’ailleurs avec force : la prédilection, en art et en littérature, pour le paysage observé ou dessiné depuis la fenêtre, s’explique du fait que le réel ne suffit pas : il faut à l’œil, aux sens et au sens, la médiation de l’art, dont la fenêtre est l’une des figurations. Autrement dit, « le monde est fait pour aboutir à l’œuvre, au regard créateur. »
Judith Sarfati Lanter, Revue Europe

Cette lecture dense mais éclairant tient ses promesses d' »espace absolu du dévoilement« .

« La vastitude du réel est incompréhensible ; pour la comprendre il faut l’enfermer dans un rectangle, la géométrie s’oppose au chaos. C’est pour cela que les hommes ont inventé les fenêtres. »
Antonio Tabucchi et à son héros Tristano , cité par Pascal Dethurens

Olivier Olgan

La métaphore de la peinture, que le sens de la vie est ailleurs.

Le mérite de l’essai polyphonique est de croiser l’univers des mots et des images, de décloisonner les genres pour mieux souligner les liens et les correspondances, et les éclairer mutuellement. Ainsi près d’une centaine sont appelés : Leiris, Yourcenar, Shakespeare, Rilke côtoient Vermeer, Friedrich, Matisse, Hopper…

Le récit qui ne cherche pas l’exhaustivité mais le sens, se débarrasse de la chronologie historique. Il lui préfère des approches thématiques incisives : ‘Bonheurs de l’ouvert, ‘Le spectateur en abyme’ ou ‘Métaphysique polémiques’, …

Grâce à une érudition virevoltante et une langue très imagée, de brefs chapitres emportent le lecteur en rêveries et méditations « dans ce lieu magique on l’on peut goûter au bonheur au seuil de l’infini. »

Infini, le mot est lancé

La dynamique ne retombe jamais au fil de ses 150 pages judicieusement illustrées.
« Face à la fenêtre l’oeil et la pensée ne se limitent pas à la contrainte arbitraire d’un cadre, ils prennent la forme même de l’interrogation humaine. Fenêtres de la vue. Fenêtre de la vie. » La lucarne est dotée de pouvoirs mi magiques, mi mystiques qui prennent de multiples assertions : « métaphore du regard de Dieu sur sa création, partie liée avec l’irreprésentable », un « espace absolu du dévoilement », qui « place l’homme à mi-chemin de ses devoirs terrestres et religieux . »

Le bonheur de l’ouvert

« La fenêtre est intéressante car elle permet de montrer certaines choses et d’en suggérer d’autres. »

Hammershoi, Intérieur, rayon de soleil sur le sol, 1906 (Tate – Expo Jacquemart André 2019) photo OOlgan

Pascal Dethurens lance une invitation à lire et à regarder un des symboles occidentaux « qui ne montre ni ne dévoile rien, mais ‘signifie’. » Organisé en neuf chapitres, il met au jour certains aspects du motif en s’affranchissant des contraintes chronologiques et en rapprochant des œuvres séparées dans le temps, offrant ainsi au lecteur des configurations nouvelles et inattendues.

Le motif de la fenêtre, qu’il soit analysé comme espace de dévoilement, ouverture synesthésique, ou mise en question de la figuration (quand la fenêtre n’est plus outil du voir, mais « lieu du songe et du mystère »), est appréhendé de manière extrêmement suggestive dans ses dimensions à la fois phénoménologiques et métapoétiques. (…)

En opérant de manière non chronologique, Pascal Dethurens met au jour certains invariants du motif et la constance des questionnements qui lui sont attachés en dépit de la variété des contextes. Ainsi de la question du désir qui fait de la fenêtre le lieu de l’échange amoureux (chez Shakespeare, Boccace, ou encore Maeterlinck), mais aussi le lieu d’une cristallisation de l’attente (ainsi dans certaines scènes du Désert des tartares ou de La Princesse de la Clèves), voire de l’attente inaboutie et du vide (Hopper). (…)

Pascal Dethurens l’affirme d’ailleurs avec force : la prédilection, en art et en littérature, pour le paysage observé ou dessiné depuis la fenêtre, s’explique du fait que le réel ne suffit pas : il faut à l’œil, aux sens et au sens, la médiation de l’art, dont la fenêtre est l’une des figurations. Autrement dit, « le monde est fait pour aboutir à l’œuvre, au regard créateur. »
Judith Sarfati Lanter, Revue Europe

Cette lecture dense mais éclairant tient ses promesses d' »espace absolu du dévoilement« .

« La vastitude du réel est incompréhensible ; pour la comprendre il faut l’enfermer dans un rectangle, la géométrie s’oppose au chaos. C’est pour cela que les hommes ont inventé les fenêtres. »
Antonio Tabucchi et à son héros Tristano , cité par Pascal Dethurens

Olivier Olgan

Références

Pascal Dethurens, L’Œil du monde, images de la fenêtre dans la littérature et la peinture occidentales, éditions l’Atelier contemporain, 2018

Pour illustrer et nourrir la réflexion de « l’Art des fenêtres »

  • Fenêtres, de la Renaissance à nos jours, SKIRA Fondation de l’Ermitage Lausanne, 2012
  • Fresh Window, The window in art since Matisse and Duchamp, Hatje Cantz, 2012
  • Andrea del Lungo, La Fenêtre : sémiologie et histoire de la représentation littéraire, Seuil, « Poétique », 2014

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