Passeport, d’Alexis Michalik offre son empathie aux migrants (Théâtre de la Renaissance)
L’histoire commence à Calais.
Issa, (Jean-Louis Garçon très convaincant) réfugié érythréen, est attaqué un soir dans la « jungle ». Défiguré, il sombre dans le coma. Une fois réveillé, il a tout oublié sauf quelques mots de français, seul son passeport atteste de son identité.Avec deux autres réfugiés, un Syrien (Fayçal Safi) ancien professeur d’anglais, et un Indien tamoul (Kevin Razy) au sens affuté des affaires, ils vont finir par arriver à Paris.
Parallèlement, Lucas (Christopher Bayemi), jeune gendarme d’origine mahoraise, qui a grandi à Calais, enfant adopté petit par un couple dont le père est militaire, est affecté à la surveillance des réfugiés pour les empêcher de passer en Angleterre. Il va rencontrer une jeune journaliste, Jeanne (Manda Touré).
L’empathie porte d’entrée à la tolérance.
Quand je compose des personnages, je fais en sorte que le public puisse entrer en résonance avec eux. Plus qu’un engagement, cette pièce est, à mon sens, un message humaniste tourné vers l’accueil, l’inclusion, l’intégration et l’ouverture d’esprit.
Alexis Michalik
Le saviez vous ?
Le camp de réfugiés de Sangatte à Calais a été ouvert en 1999. Fermé en 2002, des centaines de personnes survivent dans les terrains alentour. Il est considéré comme le plus grand bidonville d’Europe. La Grande Bretagne reste pour beaucoup d’entre eux la destination finale. Ce pays paye la France pour que notre pays déploie des moyens pour les empêcher de passer via le tunnel ou par la mer. Ce qui cause de nombreuses frictions au sein de ces camps de fortune et ajoute des drames au drame des migrants.
La fin de mes pièces est la raison pour laquelle je les écris
Capable de toutes les surprises, Alexis Michalik sait toujours nous surprendre en prenant des sujets sociétaux où on ne l’attend pas. Après la PMA, se saisir de la question brûlante migratoire n’était pas sans risque, mais en l’approchant à hauteur d’homme, il évite bien des écueils. Nous ne révèlerons pas la fin mais la patte de l’auteur est bien rodée pour attraper et surprendre le spectateur jusqu’au dernier mot.
Comme souvent dans mes histoires, je commence par la fin. La fin est la raison pour laquelle j’écris, raconte, ou construis. La fin, c’est l’explication. Justifier les intentions de cette création serait donc en dévoiler la conclusion, et je ne voudrais spoiler personne. Mais il suffira de dire que cette fin m’a amenée à construire ce destin épique et romanesque. Et puisque, comme souvent dans mes histoires, le début et la fin se rejoignent, partons du début.
Alexis Michalik, note d’intention
Les tableaux s’enchaînent, d’une fluidité parfaite. Michalik sait forger et raconter des histoires au cœur de la grande Histoire, il parvient à nous captiver, à nous emporter dans chacun de ses univers.
…l’histoire, depuis toujours, est au cœur de mes écrits. La petite, la grande, entremêlées. De l’Histoire découle justement l’identité́, le patrimoine, l’héritage. Qui sommes-nous ? Pourquoi sommes-nous nés ici ? Où irons-nous ensuite ? Toutes ces questions me taraudent en permanence.
Des acteurs caméléons
Comme d’habitude dans les pièces de Michalik, les comédiens endossent plusieurs personnages. Tous sont parfaits. Les décors de Juliette Azzopardi, suggérés par quelques éléments, meubles et accessoires, nous font passer de la « jungle » de Calais à l’appartement de la journaliste, de la maison des parents de Lucas, aux ponts de Paris ou à la cuisine d’un restaurant. C’est encore du théâtre – presque du cinéma – soutenu par les vidéos de Nathalie Cabrol.
Bousculer les idées reçues
Parfois didactique, la pièce explique et remet quelques vérités en place concernant le nombre de réfugiés ou le parcours du combattant qu’ils doivent effectuer pour obtenir un titre de séjour. En témoigne la scène où l’assistante sociale énonce à Issa tous les acronymes des organismes administratifs auxquels il devra avoir affaire. Les immigrés occupent majoritairement des emplois dans le secteur secondaire- bâtiment, travaux publics, agriculture, restauration- souvent des emplois délaissés par les Français de souche.
Pour autant, si la pièce creuse son délicat sujet, l’humour demeure. Nous sommes dans une comédie dramatique, pas un drame. Ce que certains pourraient regretter.
En observant le public enthousiaste à la fin de la représentation, sans conteste, Alexis Michalik tient un nouveau succès.
du Mardi au samedi 21h, Samedi 16h30, Dimanche 17h (jusqu’en juin), Théâtre de la Renaissance, 20, Bd Saint-Martin, 75010 Paris – réservation
Distribution : Christopher Bayemi, Patrick Blandin, Jean-Louis Garçon, Kevin Razy, Fayçal Safi, Manda Touré, Ysmahane Yaqini.