Photographie : Henri Cartier Bresson, L'expérience du paysage (Fondation HCB)
Du mardi au samedi et le dimanche de 11 h à 19 h
Inédite à Paris, l’exposition Henri Cartier-Bresson, l’expérience du paysage, à la Fondation Cartier-Bresson jusqu’au 25 septembre rassemble des photographies et des dessins choisis par Henri Cartier-Bresson et Agnès Sire pour une exposition au Japon, peu avant sa disparition en 2004. Ses grands formats sont à la fois la quintessence de « l’œil du siècle » et l’occasion de réévaluer la pertinence de l’« instant décisif » trop réducteur au profit du « tir photographique » plus méditatif, plus sensible aussi.
Plus de 60 ans de pérégrination et de construction du cadre
Prises entre les années 1930 et les années 1990, les 70 images (sur les 140 de l’exposition japonaise et du livre éponyme (Editions Delpine 2001) sélectionnées par Agnès Sire entrainent le visiteur sur tous les continents, ouvrant à chaque prise le « champs » dans tous les sens du terme du paysage.
Les grands formats – plutôt rares dans sa production – permettent de se plonger dans la quête – émouvante – du photographe, qui a la fin de sa vie avait délaissé la photographie pour se consacrer au dessin au début des années 1970.
« Il est salutaire de contempler les paysages de Giovanni Bellini, Hokusai, Poussin, Corot, Cézanne, Bonnard et tant d’autres, et d’aller soi-même dans la nature, crayon en main », écrivait Henri Cartier-Bresson. Par la composition des images, la juxtaposition des plans, le respect des proportions et la recherche d’une relation harmonieuse entre les formes, chaque photographie témoigne et partage une « expérience du paysage », proche, comme le dessin, de la méditation.
Un motif d’apparence intemporelle en dialogue avec la figure humaine.
Initialement formé à la peinture et au dessin, Henri Cartier-Bresson applique aussi en photographie le crédo de l’Académie de Platon, entendu dans l’atelier d’André Lhote au début de sa longue carrière : « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre ». « La composition de ses images, la juxtaposition des plans, le respect des proportions et la recherche d’une relation harmonieuse entre les formes caractérisent son œuvre qui a inspiré de nombreux artistes après lui. » constate Agnès Sire, directrice artistique, Fondation HCB. Contrairement à la nature à « l’état brut », la notion de paysage est relative à l’activité d’un sujet – celui qui regarde, d’un certain point de vue. De cet ordre entre les éléments du réel, Henri Cartier-Bresson perçoit une poésie et une joie où les paysages ne sont pas seulement le cadre dans lequel saisir un sujet, mais un motif d’apparence intemporelle en dialogue avec la figure humaine. »
L’ambigüité de l’instant décisif
Les thématiques abordés : les arbres, la neige, la brume, le sable, les toits, les rizières, le train, les escaliers, l’ombre, les pentes, les cours d’eau, sont toujours inscrits dans des « pays » dont le photographe cadre une partie « signifiante ». Pas de recherche idéalisée, ni déconnecté de toute réalité. Le subtil travail de composition libère de nombreux niveaux de profondeur et des niveaux de regard différents. « On traverse tous les voyages de HCB. Cette « méditation » créative souligne l’ambigüité de ‘l’instant décisif’ » rappelle François Hébel, Directeur. HCB. Terme devenu incontournable pour décrire la cohérence de son œuvre, “l’instant décisif” est proposé par le photographe lui-même en 1952 correspondait pour lui selon Max J Olivier à la « reconnaissance simultanée, dans une fraction de seconde, d’une part de la signification d’un fait, et de l’autre d’une organisation rigoureuse des formes perçues visuellement qui expriment ce fait. » Véritable Kairos photographique, l’instant décisif est un équilibre formel et conceptuel qui révélé l’intensité d’une situation.
Rien de moins instantané
Pour ressentir cette « expérience du paysage » à la fois contemplative et humaniste. Nous préférerons la notion de « tir photographique » que le photographe employait dans les dernières années de sa vie en déployant l’analogie entre la photographie et le tir à l’arc. « Il faut être couleur de muraille, et c’est le Zen et le tir à l’arc, pour devenir une plaque sensible, in ne doit pas faire exister son moi » déclarait-il en 1985. « Il y a une joie de photographier qui existera toujours, c’est la joie du regard. » L’expérience du paysage montre qu’à coté du grand reporteur, il y a bien plusieurs HCB, capable d’un cadrage unique du réel.
« Car, là où la théorie du kairos prenant principalement en compte le sujet et réduisait l’acte à une simple question de dextérité, souligne Clément Chéroux, dans le catalogue de l’exposition de Beaubourg en 2014, l’idée du tir permet de beaucoup mieux appréhender l’opérateur, autant dans son rapport avec le monde qu’avec son médium.»
Sa passion pour le dessin est à comprendre à l’aulne de cette ambition méditative.
#Olivier Olgan