Photographie : Mame-Diarra Niang, The Citadel: a trilogy (Galeria Lume, Sao Paulo)
[Photographie d’aujourd’hui (4)] Pour son premier solo show, l’artiste française Mame-Diarra Niang nous emmène dans son voyage un peu intime, un peu sensoriel, comme un miroir tourné vers l’intérieur et reflétant des environnements disposés en ses séries : La Citadelle : une trilogie (Sahel Gris, At The Wall et Metropolis) et Call me when you get there. Autant de recherches sur la plasticité du territoire.
“ Le seul territoire qui existe est celui que vous occupez.”
Avec cette piste, Mame-Diarra Niang nous ouvre son univers. L’artiste voyage dans un monde utopique, sans frontières délimitées, où les nationalités et les drapeaux n’ont pas d’importance et où les gens transitent librement. En s’approchant de ce lieu, l’artiste reconnaît ses espaces et circonscrit ses propres bordes. L’appareil photo est son instrument cartographique, ses sentiments sont sa boussole et à chaque clic, ses frontières sont délimitées.
À travers ses cadrages, Niang projette son individualité et crée ses sites. Cette caractéristique modulaire de l’espace, que l’artiste elle-même conceptualise comme la « plasticité du territoire », peut également être comprise comme une affirmation de son identité dans un processus constant de métamorphose.
La Citadelle : une trilogie. Première partie – Sahel Gris
Dans la trilogie, l’artiste voyage à travers trois régions qui lui sont familières, dans différentes situations de sa vie. En exposant les concepts de chaque série, elle a découvert sa forteresse qui, ayant été définie par elle-même, est l’endroit où elle se sent en sécurité. D’une zone en construction ou en destruction, Sahel Gris est née. En errant dans cette zone non identifiable, l’artiste a tracé sa ligne d’horizon et enregistré son environnement aride.
Même s’il semble abandonné ou inhospitalier, c’est le lieu occupé par Niang. C’est là qu’elle se trouve à ce moment-là et qu’elle se retrouve enfin face à ses limites.
At the wall et ses murs.
At the wall délimite les pas de Niang. Elle fait face à tous les murs, sous différents angles, et, sans se paralyser, elle construit ses confins. Ses images nous donnent la sensation qu’elle a gratté sa barrière en étant constamment en mouvement, générant des cadrages irréguliers. Ce qui était nécessaire, c’était de se protéger dans sa forteresse.
Enfin, la Metropolis.
Avec son espace circonscrit, nous entrons dans Metropolis, le dernier partie de la trilogie qui constitue la citadelle de Mame-Diarra Niang. Nous nous trouvons dans un centre urbain dense aux couleurs saturées et au milieu d’énormes structures apparemment impénétrables, mais où nous percevons des fenêtres ouvertes, des passants, des reflets et des traces de vie. C’est ici que Niang lève le viseur de son appareil photo et vise le point le plus haut de son territoire, comme s’elle pouvait maintenant, enfin, voir plus clairement.
Sur ce chemin guidé par le récit de l’artiste, il est possible de percevoir ses silences, ses sensations, sa respiration emprisonnée, ses rencontres et ses décalages et, surtout, son besoin d’autoreprésentation.
Au printemps prochain, la trilogie aura droit à un livre qui sera publié par la maison d’édition anglaise MACK sous le nom de The Citadel : a trilogy. Attendons avec impatience de voir comment chaque série et ses particularités composeront les trois livres.
Extérioriser ses sentiments à travers les paysages
C’est cette même motivation à extérioriser ses sentiments à travers les paysages qui a conduit l’artiste à créer la série Call me when you get there.
L’année dernière, en raison de la pandémie du Covid-19, la France, pays dans lequel vit l’artiste, a imposé des mesures strictes d’éloignement social, nécessitant de longues périodes de confinement. Face à la privation du déplacement, Niang a trouvé dans Google Maps un moyen de poursuivre sa pratique artistique. Elle a cherché des images de lieux qui lui étaient familiers et qui reflétaient son état d’esprit.
Le résultat de ce voyage intérieur se traduit par des captures d’écran d’endroits où les gens semblent s’effacer. Avec des corps incomplets ou avec seulement des traces et des ombres de leur présence, les habitants de ce lieu spécifique ont vu leurs clichés distinguées des autres parcours explorés par l’artiste.
Et c’est exactement dans ce territoire que Niang a trouvé la traduction de ce qu’elle ressentait.
Lorsqu’elles sont disloquées des objectifs pour lesquels elles ont été générées, les scènes acquièrent de nouvelles significations et sont capables de susciter des identifications de la part du spectateur. Cette investigation de l’artiste s’est transformée en une série proche des autoportraits de ses expériences pendant les confinements. Ses émotions se reflètent également dans les choix de présentation de son travail : des images carrées, imprimées en petits formats, avec des bordures blanches qui délimitent leurs espaces et encadrées dans des boîtes transparentes. L’œuvre reflète ainsi un sentiment commun à ceux qui ont vécu des situations d’enfermement, dans une immersion involontaire dans leur intimité, au sein de surfaces extrêmement limitées.
A partir de la circulation de son propre corps dans les espaces qu’elle investit ou dans les errances de son esprit dans son propre imaginaire du monde, Mame-Diarra Niang produit, en quelque sorte, ses autoportraits-territoriaux.
La mise en place de l’exposition peut être vue à travers le compte Instagram de la Galeria Lume.
#MarcellaMarer
Mame-Diarra Niang est née à Lyon et a grandi entre la Côte d’Ivoire, le Sénégal et la France. Elle a participé à la 33e Biennale de São Paulo (2018), à la 11e Biennale du Mercosur à Porto Alegre, (2018) et aux 11e et 12e éditions de la Biennale de Dakar (2014 et 2016).