Culture
Photographie : Marie Bovo et Martine Franck à la Fondation Cartier Bresson
Auteur : Olivier Olgan Le Guay
Article publié le 22 mai 2020
En associant dans ses magnifiques espaces, la « politesse du regard » de Martine Franck et Marie Bovo, la Fondation Cartier Bresson confronte deux approches, deux époques, deux usages. A la fois sensibles à des quotidiens sans tapage et véritable apprentissage de l’émerveillement au quotidien. Réouverture le 26 mai jusqu’au 26 juillet 2020.
La bienveillance des portraits « Face à Face » de Martine Franck
Des célébrités comme Balthus, Albert Cohen, Agnès Varda mais aussi ces femmes captées dans leur hospice, ce qui saisit dans les portraits de Martine Franck ((1938-2012) c’est à la fois le regard direct et l’empathie sincère pour le sujet qui l’interpelle.
Loin de tout artifice de la pose, celle qui fut la femme d’Henri Cartier Bresson (qu’elle épouse 1970) résume parfaitement la philosophie qui porte son travail : « Le portrait, c’est toujours une nouvelle rencontre. Avant la prise de vue, j’ai le trac, puis peu à peu les langues se délient. Ce que je cherche à capter c’est la lumière dans l’œil, les gestes, un moment d’écoute ou de concentration – lorsque précisément le modèle ne parle pas.»
Son « regard amical », ainsi qualifié par Robert Doisneau, a su pénétrer tous ceux qui ont consentie à cette rencontre qui loin d’être figée, respire désormais dans ses photographies. « Photographe engagée, rappelle la commissaire Anne Sire, elle souhaite voir la réalité en face, celle de l’âge, celle des exclus, celle des artistes, et mettre en lumière un moment d’échange subtil : les portraits de Martine Franck lui ressemblent. Ces quelques « face à face » s’inscrivent sobrement dans le temps et distillent la plastique discrète d’un regard attentif et pénétrant. »
Au-delà de cette personnalité attachante, trop souvent dans l’ombre de celui avec lequel elle a fondée l’agence Viva et la Fondation qui porte son nom, l’humanisme de Martine Franck mérite d’être partagée. Difficile de trouver d’autres mots aussi justes pour restituer le sentiment d’intimité qui se crée au regard de toutes ses figures parfois touchantes ou espiègles, mais toujours vivantes.
Marie Bovo, l’humanité des Nocturnes
« La frontière de l’intime sans invasion, les habitants, la nuit, sont choses communes chez Marie Bovo qui entend par là résister à l’agression de l’objectif chasseur et se couler en rythme dans le flux de la vie, en toute discrétion. » écrit joliment Agnès Sire commissaire et directrice artistique sur ce travail par la photographie et le film. L’artiste le confirme : « Photographier la nuit implique l’usage de la pause longue, et l’une des particularités de la pause longue c’est d’ajouter du temps à la mesure de la lumière. »
Pénétrer dans son univers, c’est aussi rentrer dans l’intimité des gens sans invasion. Les prises les plus touchantes renouent avec le thème esthétique si prolixe de la fenêtre comme rappelant la poétique de cet « œil du monde » titre de l’essai de Pascal Duthurens qui rappelle : « Mieux qu’un objet, la fenêtre devient alors une forme, un mode d’être, une façon de voir : un langage.»
Avec Marie Bravo, les images capturent des cours intérieures avec leur carré de ciel coupé par les fils où pendent des effets quotidiens, ou encore plus littérales ces fenêtres ouvertes sur un extérieur (localisé et daté) envahi par la nuit, mais strié de lumières. Comme ces nombreux prédécesseurs (peintres ou photographes) fascinés par la fenêtre/ouverture connectée au monde, l’artiste semble tenter elle aussi de de retenir le temps de ces espaces « intermédiaires » dépeuplés mais habités.
Cette approche du temps long qui favorise l’appropriation d’un dehors imaginaire par le dedans stimule l’observation tranquille et concernée, renforcée par l’usage systématique d’exposition en série et la maîtrise d’une démarche esthétique spécifique ; « à cause de la pause très longue que la technique photographique choisie lui impose – grand format, argentique, lumière naturelle – mais aussi pour voir lentement se dérouler ce passage des heures » confirme Agnès Sire commissaire. Ce regard lent aiguise aussi l’esprit quasi humaniste qui les sous-tend.
Réouverture de la Fondation Cartier Bresson le 26 mai 2020
Martine Franck – Face à Face
Marie Bovo – Nocturnes
Réouverture 23 mai – Expositions jusqu’au 26 juillet 2020
Fondation Cartier Bresson
79 rue des Archives – 75003 Paris 01 40 61 50 50
Mardi au dimanche de 11h à 19h (il est conseiller de venir en dehors des horaires d’affluence 15h-17h)
port du masque obligatoire.
Martine Franck – Face à Face
Marie Bovo – Nocturnes
Réouverture 23 mai – Expositions jusqu’au 26 juillet 2020
Fondation Cartier Bresson
79 rue des Archives – 75003 Paris 01 40 61 50 50
Mardi au dimanche de 11h à 19h (il est conseiller de venir en dehors des horaires d’affluence 15h-17h)
port du masque obligatoire.
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