Photographie : Regards sur le Brésil, rituels de résistance (Galerie Basia Embiricos)
Galerie Basia Embiricos, 14 rue des Jardins Saint-Paul, 75004, Paris @contact
Les quatre photographes lauréats de l’Open Call Photo Documentaire initié par IANDE & Photo Doc lors des Rencontres d’Arles 2021 sont présentés par la Galerie Basia Embirico jusqu’au 20 novembre 21. Au-delà d’incarner des regards innovants de la photographie brésilienne, Ana Mendes, Rodrigo Zeferino, Edgar Kanayko et Ilana Bar développent des Rituels de Résistance pour restaurer de l’intérieur l’identité des groupes sociaux fragilisés par la captation de leur territoire soit économique soit symbolique.
« Comme une vitrine active, IANDE marque une histoire collective et inclusive de la photographie brésilienne avec un rôle d’ambassadeur auprès des institutions culturelles françaises et européennes, explique Glau Naugueria, cofondatrice de l’association. Nous croyons en la force du collectif. Nous croyons aux images et à leur pouvoir de donner une visibilité aux grandes causes brésiliennes. Nous voulons multiplier les regards, les interprétations, les réactions aux différentes visions photographiques et découvrir ce à quoi elles aboutissent. »
Un laboratoire de regards brésiliens et de récits inédits
L’Open Call IANDE x Photo Doc, initié lors des Rencontres d’Arles 2021 a permis grâce à la participation de quinze des plus importants commissaires d’exposition du Brésil, représentatifs des cinq grandes régions du pays de faire émerger les œuvres d’une trentaine de photographes sur la scène française, en lien avec les principaux festivals brésiliens associés à l’événement. Les commissaires lauréats sont Marcela Bonfim pour Ana Mendes, lauréate de l’Open call, Eugênio Sávio pour Rodrigo Zeferino, Milton Guran pour Edgar Kanayko et Sinara Sandri pour Ilana Bar.
« Ils mettent en lumière le pouvoir d’action et de transformation d’une photographie documentaire engagée, avec un fort lien social d’appartenance. explique Glau Naugueria, pour justifier le thème des Rituels de Résistance de ce laboratoire de regards et de récits inédits, ils contribuent chacun-e à leur manière, à la restauration d’identités de groupes sociaux fragilisés qui se battent pour défendre leur territoire contre des pouvoirs économiques, ou contre des préjugés. La puissance singulière de cette photographie brésilienne nous a inspiré à l’effondrement. »
« Il ne s’agit pas ici d’appropriation, ni d’un regard extérieur, poursuit Charlotte Flossaut est la co-fondatrice de Photo Doc, engagée pour la promotion de la photographie documentaire. Les photographes lauréats font partie de la communauté qu’ils documentent. Ana Mendes, Rodrigo Zeferino, Edgar Kanaykõ et Ilana Bar déconstruisent, à travers leur écriture singulière, la domination normative du regard. L’approche participative et inclusive de leur démarche documentaire apporte une réponse profondément authentique à la représentation des sujets qu’ils soulèvent et des groupes humains qu’ils ou elles côtoient. »
Pseudo-indígenas [Pseudo-autochtones], Ana MENDES, présenté par Marcela Bonfim
Ana Mendes, artiste, documentariste et titulaire d’une maîtrise en sciences sociales, élève la question des luttes contre le génocide des peuples autochtones au centre du débat. Ce travail documente le processus qui vulnérabilise les corps-images. Ceux-ci sont, par ailleurs, traversés par la défense de leurs héritages, mémoires et territoires, ainsi que par une potentialisation de l’identité autochtone qui se trouve constamment menacée par les intérêts des corporations infiltrés dans leurs territoires. En travaillant le charbon et l’encre, Mendes réorganise en images des nombreuses voix qui résonnent comme un cri des forêts face aux impacts abusifs du développement et ses violents engrenages.
Je suis Xakriabá, Edgar KANAYKÕ, présenté par Milton Guran
« Edgar Kanaykõ appartient au peuple indigène Xakriabál ; le titulaire d’une maîtrise en anthropologie de l’UFMG propose, à travers ses photographies, de donner de la visibilité à une partie des manières qui composent Xakriabá, en fonction du territoire dans lequel nous transitions et vivons.
A travers des gestes, des affections – un échange de regard/voir, basé sur cette relation entre Xakriabá photographié et Xakriabá photographié. Au-delà d’un moyen d’enregistrer un aspect de la culture et de la vie de son peuple, la photographie d’Edgar Kanayko vise à être un « outil de lutte », permettant à « l’autre » de voir à travers le regard d’un peuple autochtone. »
Une Maison en Transparence, Ilana BAR, présentée par Sinara Sandri
« Depuis l’enfance, Ilana Bar puise son inspiration dans les rituels de son quotidien familial. Un univers inclusif et généreux au sein duquel nul n’est défini par son état ou prisonnier d’un diagnostic. Ici, chacun apparaît plutôt comme le protagoniste d’une histoire d’amour et d’affection en train de s’écrire. En dialogue avec une tradition documentaire d’immersion au long cours fondée sur la confiance entre le photographe et son sujet, l’artiste partage un point de vue introspectif, à la fois aigü et naturel, laissant éclore un imaginaire poétique arrimé à la puissance émotionnelle des corps dans l’espace. Son dispositif, tout en jeux de miroirs insolites et répliqués, provoque une réflexion sur notre perception de l’altérité. Le travail d’Ilana Bar représente bien plus qu’une démonstration de respect de la différence – il est un défi à l’idée même de normalité. »
Le Grand Voisin, Rodrigo ZEFERINO, présenté par Eugênio Sávio
« La série de Rodrigo Zeferino met en lumière la ville d’Ipatinga, située dans la Vallée de l’Acier, au Brésil. Bâtie et planifiée pour devenir cette immense agglomération industrielle, Ipatinga et sa population vivent au rythme de l’aciérie qu’elle abrite.
L’horizon impose la présence de ce grand voisin industriel, fournisseur, générateur d’emplois comme de maladies pulmonaires. En d’autres termes, à Ipatinga, le point de vue singulier d’une seule personne est le point de vue de tous. La masse fumante et compacte de l’usine envahit l’horizon et s’impose à l’individu, anesthésiant toutes les formes de résistances.
La population de cette vallée n’a donc d’autre choix que de s’accoutumer au paysage, sans aucune échappatoire. Le regard documentaire de Zeferino rend visible ce rapport de forces et transforme en poésie cette coexistence apparemment paisible en milieu dystopique, ce qui en fait un acte de résistance en soi
L’œuvre de Zeferino transforme l’existence paisible et la coexistence des habitants de ce milieu dystopique en poésie et en acte de résistance en soi. »
#OlivierOlgan