Profils perdus, de Virginie Bloch-Lainé (Stock) rend hommage au père
De Libè au livre
Quand le personnage principal d’un récit était ton voisin du dessus, avec qui par deux fois, tu partageas dans une intimité, toujours un petit peu gênante, l’ascenseur – pour deux personnes max – de ton immeuble, bien entendu, le livre t’intrigue. Quand de plus l’auteur du bouquin est une journaliste de Libé dont tu lis toujours avec plaisir les portraits de personnalités en dernière page, alors le livre ne t’intrigue plus …il t’attire !
Cette fois c’est son père dont elle tente le portrait ! Et moi j’adore les portraits de pères…
Les portraits en disent toujours autant – et parfois plus – sur l’auteur que sur le sujet ! Sous le portrait du père, en filigrane se dessine celui de la fille.
Le portrait est un art qui va chercher le diable dans les détails… Et le diable est bien plus intéressant que le bon Dieu. Enfin surtout, avec lui tu te marres. Un bon portraitiste sera attentif aux petits riens qui passent sous les barrières de l’interview : Un regard qui s’attarde ou s’enfuit, des pompes jaunes fluo, un feu de plancher étonnant, un livre inattendu qui traine sur la table du salon, tous ces petits signifiants qui font des trous dans la carapace et permettent des échappées littéraires.
Bref tout ce qui peut déboulonner la statue pendant la pose…
Un détail peut rendre soudain sympathique une personnalité contestable …ou l’inverse.
Un bon portrait doit déstabiliser le lecteur.
Mais ici, nous sommes dans une galerie de portraits. De portraits d’hommes… Père en tête, suivent le grand-père, l’oncle, le mari décédé, le fils, et l’amant en cours. Virginie Bloch Lainé demandera l’autorisation à l’amant en cours de parler lui en mal et en bien aussi. Il choisira lui-même son pseudo…
Mais le personnage principal reste le père…Jean-Michel Bloch Lainé, haut fonctionnaire, inspecteur général des finances, était ce qu’on appelle communément un grand commis de l’État. Grand comique aussi parfois en famille, comme le laisse entrevoir sa fille au fil d’un récit très agréable à lire.
Et pourtant en dehors de la tragédie du suicide de l’époux, évoquée pudiquement, sans insistance, rien d’extraordinaire ne se passe. Pas de secret familial révélé, pas d’intrigues dans les coulisses du pouvoir, pas d’aventures extra conjugales palpitantes, non rien de tout ça…
Mieux que tout ça, une approche fine, sensible d’un homme rigoureux et facétieux, joyeux et mélancolique, protecteur et compliqué, traversant en sportif de haut niveau les bas de la vie. L’autrice décrit dans un style élégamment détaché sa proximité avec son père.
C’est quoi un père ? C’est une question pour tous…
Trop présent parfois, si manquant souvent ! Les pères ont en charge la charpente et les murs, les mères…la déco ! Le solide et le beau…aussi indispensable l’un que l’autre – ma répartition des rôles est un peu réac, non ? – Et quelle trace invisible les pères laissent-t-il dans les amours de leurs filles ? Virginie Bloch Lainé qui précise qu’elle est nulle en homme – ce qui la rend immédiatement très sympathique – interroge à travers des souvenirs, des anecdotes, la nature profonde du lien qui la relie au père aimé et mort ! Écrire, c’est aussi faire revivre…
Tiens, ça m’a donné envie d’écrire sur maman