Sélection Jazz novembre 21 : John Coltrane, Oscar Peterson, MLB Trio

Tiraillé entre l’urgence d’avancer et l’impossibilité d’oublier un magnifique patrimoine, de ce dilemme créatif, le jazz – genre en constante évolution – offre de belles surprises. Notre sélection retient la parution de deux concerts inédits de deux mastodontes du jazz, John Coltrane (A Love Supreme) et Oscar Peterson (A Time for Live), et du neuf avec Birka , l’album du Trio MLB (Thierry Maillard, Sylvain Luc et Stéphane Belmondo) qui se fraie un joli chemin grâce à une formation originale (piano, guitare, trompette).

A Love Supreme, John Coltrane (Impulse!)

L’album le plus connu du saxophoniste John Coltrane (1926-1967), au coude à coude avec Giant Steps (1959), est probablement A Love Supreme (1964). Les deux albums n’ont pourtant rien à voir. Un fossé s’est en effet creusé entre le Coltrane de 1959 et celui de 1964. Pendant ces cinq années, sa musique a pris en maturité tout en prenant une autre voie, plus méditative, plus spirituelle.

Pour bien comprendre ce tournant, il convient de souligner à quel point le sentiment religieux de John Coltrane s’était accentué à cette époque de sa vie. Il voyait la musique comme le prolongement de ses croyances. Comme il l’explique, « Mon objectif est de vivre d’une façon authentiquement religieuse et de l’exprimer par ma musique. (…) J’aimerais montrer aux gens le divin dans un langage musical qui transcende les mots. »

Cet album, divisé en 4 morceaux, revient sur le devant de la scène puisque le label Impulse! vient de sortir un inédit, un live de 1965 enregistré à Seattle. L’occasion de se replonger dans l’univers mystique de cet artiste si engagé et sincère dans sa démarche.

A Time for Live, Oscar Peterson (Two Lions/Mack Avenue Records)

Une fois de plus, un géant revient sur le devant de la scène. Les années qui s’écoulent n’altèrent en rien la popularité d’Oscar Peterson (1925-2007), ce maître qui continue d’attirer près de 1,6 M d’auditeurs par mois. L’écouter procure toujours autant un sentiment de réconfort. Il est une sorte de garanti d’écouter quelque chose à la fois très impressionnant mais aussi très agréable à écouter.

En 1987, il est sur scène, à Helsinki, entouré de son quartet composé d’un guitariste, d’un batteur et d’une contrebasse. Dans ce morceau, Oscar Peterson commence seul. Les grandes envolés ne manquent pas. Avec délicatesse, il donne le ton du morceau pour ensuite laisser la place à la guitare qui lui rendra ensuite la main. Une véritable aller-retour entre les deux musiciens durant lequel Oscar Peterson se montre absolument majestueux dans l’art d’avoir une main gauche pleine de légèreté et une main droite allant à une vitesse incroyable. Ses longues phrases, qui montent dans les aigues et qui redescendent si bas, sont toujours aussi somptueuses. Il vole sur le piano.

Birka, MLB Trio (Ilona Records / L’Autre Distribution)

Le jazz interroge constamment ses propres limites. Il se cherche en se donnant de nouvelles formes. Un musicien qui n’irait uniquement que sur les chemins déjà balisés ne se démarquera probablement jamais. À l’inverse, un musicien qui trop en avance ou trop « à côté » (toute la question est là) risque de perdre son public. C’est (même) arrivé à John Coltrane quand il se faisait siffler à l’Olympia.

Le Trio MLB réunit Thierry Maillard (1966) au piano, Sylvain Luc (1965) à la guitare et Stéphane Belmondo (1967) à la trompette. Il a décidé comme certains glorieux ainés prendre des risques avec leur formation pour le moins inédite. Thierry Maillard à l’origine de cette idée réussit à donner un nouveau souffle au jazz. Il est aussi l’auteur du titre Birka qui ouvre l’album. Les sonorités sont plutôt douces, elles créent une atmosphère où les notes coulent avec fluidité. Quelques petits éclats rythmiques adviennent parfois, notamment lorsque la trompette démarre son solo (2 min), appuyée par des accords plus percutants au piano.

#EzéchielLeGuay