Culture

(Seul en scène) Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, par et avec Hervé Briaux (Poche Montparnasse)

Auteur : Patricia de Figueiredo
Article publié le 8 mars 2024

Comment condenser les foisonnantes Mémoires d’outre-tombe en une heure de théâtre ? Après Tertullien et Montaigne, Hervé Briaux s’est fait une spécialité de croquer une trajectoire d’artiste; son Chateaubriand est vertigineux au creux de la petite salle du Poche Montparnasse. Avec seulement des éclairages sobres et judicieux et quelques accessoires, ce seul en scène arrive à l’essentiel, pour Patricia de Figueiredo, auteure « Vous n’aurez pas mes cendres«  (Serge Safran) où Chateaubriand se heurte à Girardin: il est parvenu à extraire la quintessence, si ce n’est de sa vie du moins du caractère de « L’Enchanteur ».

Hervé Briaux incarne Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe (Poche Montparnasse) Photo Victor Tonelli

Que de vie, cependant, je sens au fond de mon âme !
Jamais, je crois, quand le sang le plus ardent coulait dans mes veines,
je n’aurais pu parler le langage des passions avec autant d’énergie
que je pourrais le faire aujourd’hui.
J’ai encore assez de sève pour reproduire la puissance de mes rêves.
Extrait des Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, adaptation Hervé Briaux.

Chateaubriand, c’est tout un siècle.

François-René de Chateaubriand incarne et assume « l’ancien monde » – il est né en 1786 et meurt en 1848 – et le post révolutionnaire. Une longévité assez rare à son époque : 80 ans. Il a vécu la Révolution, l’Empire, le retour des Bourbons. Il a été homme de presse et diplomate, écrivain et homme politique. Il a aimé des femmes, mais cherchant un bonheur qu’il s’était inventé enfant et qu’il n’a jamais vraiment retrouvé. Breton à tout jamais et pourtant ne voulant plus retourner sur les lieux de son enfance.

Revenir sur les années de formation

Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe par et avec Hervé Briaux (Poche Montparnasse) Photo Victor Tonelli

Dans son adaptation concise et personnelle, celui qui a « toujours aimé jouer des écrivains porteurs de leur vie, du poids d’une vie » insiste justement sur les jeunes années de Chateaubriand, à Combourg, là où son père faisait les cents pas dans un silence absolu en fin de soirée et terrorisait son épouse, Lucile et François-René.

Mais l’ambition va plus loin, avec gourmandise, Hervé Briaux sait se mettre comme il le dit joliment « dans la peau de la mémoire de ces vies ».

« La vieillesse m’émerveille, l’intelligence, l’acuité des vieux me bouleversent. (…) Je fais comme si j’étais chacun d’entre eux. Chateaubriand a écrit le roman de sa vie, il en a arrangé bien des passages ; finalement je fais comme lui. En me mettant à sa place, moi aussi je m’invente une vie… »
Hervé Briaux,  adaptateur, comédien et metteur en scène.

Après Abbé de Choisy, Michel-Ange, Tertullien et Montaigne, la méthode de « condensation » au sens chimique du terme est bien rodée; de ces immenses textes, il ne retient que ce qui lui plait, habite sa voix et son récit.
Ensuite, il privilégie et installe un cadre intime; ici Chateaubriand est au soir de sa vie, prêt à partir comme le suggèrent les meubles recouverts, les tableaux par terre e départ, dans une allégorie palpable sur la vie qui s’achève.

Pour Chateaubriand, c’est la nostalgie, l’imagination et cet incessant appétit de vivre. Comme Montaigne, Chateaubriand est pleinement lui-même, et c’est cette intégrité, cette plénitude que j’aime en eux

Le décor renforce l’allégorie d’une vie qui fait le point, Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe (Poche Montparnasse) Photo Victor Tonelli

Enfin Briaux campe pleinement son personnage qu’il incarne de façon sensible et surtout vivante, ou la moindre inflexion du corps et de la voix éclaire son personnage, « cet incorrigible amoureux, cet ambitieux assoiffé de pouvoir, vit le temps lui arracher l’un après l’autre tous les objets de ses désirs.

Chez Chateaubriand, cependant, cette rêverie prend enfin corps, faisant de lui le père de Proust et de Nerval. Ce corps, c’est l’écriture.
Daniel Loayaza, en préface de l’adaptation de Briaux (Avant scène Théâtre).

Mission accomplie

Hervé Briaux nous transmet la profondeur d’un homme et la force de ce texte si particulier avec intelligence et émotion.

#Patricia de Figueiredo

Pour suivre Patricia de Figueiredo

Du mardi au samedi 21h, Poche Montparnasse, Renseignements et réservations : +33 1 45 44 50 21
Création sonore : Nicolas Daussy – Création lumière : Alireza Kishipour
L’adaptation de Hervé Briaux est édité par l’Avant-scène Théâtre, collection des Quatre-vents, est disponible au bar du Théâtre.

Pour suivre Patricia de Figueiredo

Lire tous ses articles en tant que contributrice de Singular’sCurieuse en bonne verseau de ce qu’elle ne connaît pas encore, convaincue comme Jean d’Ormesson que « Tout le bonheur du monde est dans l’inattendu ». Cette autrice de plusieurs romans aime rencontrer des chefs, des vignerons, revenir à ses premières amours du théâtre et bien sûr faire partager ses découvertes littéraires. Dans une autre vie, Patricia fut également rédactrice en chef du magazine Culture Papier et rédactrice pour Le Journal du Parlement.

lire la chronique sur son roman Vous n’aurez pas mes cendres ! (Serge Safran)

Partager

Articles similaires

Magali Lambert, photographe des métamorphoses « venues du jamais mort »

Voir l'article

Cinéma en salles : En fanfare, d’Emmanuel Courcol, avec Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe

Voir l'article

Révélation! Art contemporain du Bénin (Conciergerie de Paris)

Voir l'article

Le carnet de Lecture de Caroline Rainette, auteure et comédienne, Alice Guy, Mademoiselle Cinéma

Voir l'article