(Seule en scène) Pauline & Carton, de et avec Christine Murillo (La Scala Provence)

Avec truculence, Christine Murillo reprend son hommage à Pauline Carton (1884 – 1974) mythique actrice populaire dans des seconds rôles de bonne, de concierge et de mégère non domestiquée. Pour Patrice Gree, elle ressuscite celle que Sacha Guitry appelait « ma bibliothèque ambulante » qui fut sa complice et réinvente Carton à la Scala Provence du 2 au 21 juillet (pour le reprendre ensuite pour une seconde saison du 22 septembre au 25 novembre à la Scala Paris). Son rire vous habite longtemps après le spectacle, gage de réussite sans autre prétention.

Avec Sacha Guitry, nous avions l’impression de faire ce que nous voulions alors que nous étions dirigés par radar dans le sens exact voulu par l’auteur.
Pauline Carton

Si Carton m’était contée…

Ah Pauline – à ne pas confondre avec Apolline, fille de Zeus et de Léto, dont la beauté suscitait la création – inspira elle aussi Guitry qui la fit tourner dans 22 de ses films. Nous n’irons pas jusqu’à dire que Pauline fut la muse de Sacha, mais enfin l’homme qui était « contre » les femmes, « tout contre » précisait-il prudent et malicieux, su trouver chez la gouailleuse parigote à tête de dragon, une actrice magnifique à la hauteur de son talent d’auteur. Immense talent d’auteur…

Pour qui est né courant 60, du temps, parfois regretté, où la télé n’était pas vulgaire mais carrée, en noir et blanc, avec une seule chaine et deux boutons ronds, un pour le son, l’autre pour la lumière, Pauline Carton toujours dans des seconds rôles de mégère non domestiquée, de redoutable concierge dans l’escalier, laissera un souvenir attendri et persistant !

Moi j’aime le théâtre avec ses incohérences, sa poussière, ses émotions magnifiques et ses potins pour concierges. J’aime les répétitions obscures où le petit texte tapé à la machine devient, par miracle, quelque chose de vivant.
Pauline Carton

Pourquoi se souvient-on de Pauline Carton alors que tant de seconds rôles ont disparu dans les oubliettes sombres et humides de notre mémoire ?

Pauline et Carton, D’après Les théâtres de Carton, de Pauline Carton (La Scala Provence) Photo Thomas O’Brien

Un personnage et un nom…sans doute ! Carton de son vrai nom Pauline Aimée Biarez est née en 1884 à Biarritz dans une famille très bourgeoise, très cultivée, très libérale qui l’encouragea très tôt à suivre sa voie…c’est-à-dire un chemin de traverse tortueux…le théâtre !

Sacha Guitry l’appelait « ma bibliothèque ambulante » tant sa culture générale et sa mémoire éléphantesque des textes l’impressionnaient. Il est vrai que Guitry adorait admirer. Moi aussi…un reste d’enfance, certainement ! La vie de Carton défile. Ses amitiés, ses amours…enfin son unique amour, un poète qui répondait, ça ne s’invente pas, au joli nom de Violette. Carton et Violette – qui était marié – s’aimèrent plus de 50 ans, jusqu’à la mort du poète.

Il fallait une actrice à la hauteur pour incarner au plus près, au plus tendre, au plus drôle…Pauline.

Christine Murillo incarne Pauline et Carton (La Scala Provence) Photo Thomas O’Brien

Cette actrice rendant hommage à une autre actrice, c’est Christine Murillo.

Elle ressuscite et réinvente Carton. Qui se souvient du formidable film, de Coline Serreau « Pourquoi pas ! » avec Murillo et le beau ténébreux Samy Frey ? Film à l’esprit libertaire génial.
Il faut voir le viril Samy Frey « déconstruit » avant l’heure…broder avec un sérieux hilarant !

Christine Murillo incarne Pauline et Carton (La Scala Provence) Photo Thomas O’Brien

« Pauline et Carton » dure une heure, mais on rit trois …

 Car son rire on l’emporte encore, sous le bras, dans le métro jusqu’à la maison, jusqu’au fond du lit ! Christine Murillo est une actrice formidable ! Des pieds à la tête, de tout son corps, de tout son cœur, elle est comédienne.

Et sa joie de jouer, palpable, t’emporte. Assise derrière une modeste table de camping, une simple gourde pour accessoire, elle impose seule sa formidable présence durant toute la durée du spectacle ! Et rire, c’est un peu respirer dans l’étouffoir de l’actualité.

Merci Christine. Pauline et Carton

#Patrice Gree