(seule en scène) Romy et les choses de ma vie, de et par Marilena Netzker (Manufacture des Abbesses)
A partir d’une interview confidence faite en 1976, laissée dans un tiroir par la journaliste allemande Alice Schwarzer, Marilena Netzker brosse dans un seule-en-scène Romy et les choses de ma vie qu’elle a écrit et mis en scène un portrait de Romy Schneider à la fois intuitif et décapant. Jouant des effets de miroirs entre l’intervieweuse et l’icône du cinéma des années 70, l’auteure en profite pour interroger le statut et l’identité de la femme, la carrière de l’actrice et d’ y glisser toutes les ambiguïtés du paradoxe de la comédienne. Entre libération de la parole et un jeu exacerbé, le spectateur est embarqué dans un malstrom volcanique, tenu par une actrice au fil du rasoir qui se plonge corps et âme dans son récit à la Manufacture des Abbessses jusqu’au 23 avril 2023.
Comment rendre justice au spleen germanique sans dévoiler ou trahir la femme qui avait tellement de choses à en dire ?
Marilena Netzker Autrice, metteuse en scène et comédienne
Le calme de Marilena Netzker avant la tempête dans Romy et les choses de ma vie (Manufacture des Abbesses)
Rendre toute la complexité d’une femme derrière l’icone lisse de papier glacé
Il est toujours difficile de s’attaquer à une icone du cinéma, surtout quand comme Romy Schneider (1938-1982) elle incarne à la fois LA femme d’une époque, et son miroir déformé. Marilena Netzker pour brosser un portrait à la fois personnel et sans concession pour son modèle s’appuie sur une interview fleuve confiée en 1976 à la journaliste Alice Schwarzer, curieusement restée dans un tiroir.
Au pic de sa gloire à 37 ans (et de reconnaissance critique après les films de Sautet et de Zulawski), Romy y démontre à la fois sa lucidité sur son statut de star et sa fragilité de femme qui l’emportera six ans plus tard.
Marilena Netzker se donne à corps perdi dans son récit de Romy et les choses de ma vie, (Manufacture des Abbesses)
Une spectacle taillé dans l’étoffe fragile d’une vie
Même si c’est avant les drames qui ont bouleversés sa vie (décès accidentel de son fils en 1981), tenir son statut de mère, d’épouse et de star, est loin d’être une fleuve tranquille De ce matériau, à la fois exacerbé et quasi clinique, Marilena Netzker comme auteur, brosse au scalpel une personnalité par toujours à son avantage, mais d’une intelligence critique, loin de l’image d’actrice décérébrée qui se collait à elle. C’est une libération de la parole d’une femme adulée mais pas pour les bonnes raisons, et les travers d’une époque qui dévore ses icones féminines en refusant d’en accepter les conséquences.
Miroir d’une femme et d’une époque à plusieurs visages
Romy et les choses de ma vie, de Marilena Netzker par Marilena Netzker (Manufacture des Abbesses)
Comme comédienne, Marilena Netzker s’empare du rôle avec tout le charme et la force de sa féminité. L’accent renforce l’effet de miroir sur lequel elle joue sans réserve. Situations, anecdotes, le mpindre mot donne à l’actrice la possibilité de changer de registres, de passer de la lucidité à la quasi folie, elle utilise son corps autant pour occuper l’espace que pour libérer ses pulsions vitale oo destructrices. C’est généreux même si cela part un peu dans tous les sens. Elle réussit par flash à hisser le destin d’une femme à celles de toutes une époque, avant faute de ligne bien tenue d’en perdre le fil.
L’époque a changé. Ses urgences, ses attentes et son esthétique aussi. Mais une chose ne meurt pas : le combat immuable d’une femme à plusieurs visages.
Marilena Netzker Autrice, metteuse en scène et comédienne
Un maelstrom vertigineux d’émotions
Assiégé par tant d’émotions projetées, à jet continu, le spectateur en glanant des repères – Sissi, Delon, Sautet – est tiré sans filtre dans ce portrait fulgurant certes, mais sans concession d’une femme qui a toujours eu du mal à être entendu de sa propre voix.
Le seule en scène de Marilena Netzker, Romy et les choses de ma vie (Manufacture des Abbesses)
Marilena Netzker a voulu en dire autant sur Romy que d’elle-même, c’est touchant, souvent dérangeant. Avec toutes ses ressources, la comédienne s’y jette à corps perdu, mais c’est épuisant tant elle cherche à en dire trop sur la femme qui se cache derrière la star, le machisme qui se révèle derrière les amours des tabloïds. Le stand up and down secoue certes, mais le miroir devient trouble tant il ambitionne d’aborder aussi toutes les facettes de la condition féminine d’une époque.
Comme son modèle qui était incapable de tricher, Marilena Netzker refuse de prendre du recul. C’est à la fois l’intensité du spectacle et la force de l’autrice, metteuse en scène et comédienne que d’assumer de s’approcher de l’incandescence, même si elle s’y brûle les ailes.
#Olivier Olgan
