Cinéma en salles : Showing Up, de Kelly Reichardt (2022)
avec Michelle Williams, Hong Chau, André Benjamin, Judd Hirsch, James Le Gros et Amanda Plummer.
Le dernier film de Kelly Reichardt (de La Dernière Piste, 2011 à First Cow, 2021 ) désacralise, pour Calisto Dobson la geste artistique. La réalisatrice naturaliste américaine nous projette avec Showing Up au cœur de l’ordinaire quotidien et familial d’une artiste au bord de la notoriété. La figure charismatique du cinéma US indépendant nous fait suivre pas à pas l’évolution d’une inspiration créatrice puisée dans les recoins d’un quotidien malmené. loin des stéréotypes ou idéaux romantiques.
Une œuvre très éclairée
La réalisatrice indépendante américaine Kelly Reichardt, après trois premiers films, a pris la lumière en 2011 avec La Dernière Piste, un western existentiel. Cette réussite perpétuait l’héritage du regretté Monte Hellman.
Depuis nous avons pu assister à l’émancipation créative de la native de Miami. En 2014, Night Moves, son film suivant, obtenait le Grand prix du Festival du cinéma américain de Deauville.
En 2017, Kelly Reichardt affirmait un tempérament féministe en réalisant Certaines Femmes, portrait choral de quatre femmes en quête d’épanouissement.
First Cow en 2021 à nouveau récompensé à Deauville par le prix du Jury, revenait sur les terres du western naturaliste en proposant une illustration des racines de la domination capitaliste.
Showing Up parle du fait de travailler tous les jours et de prendre le temps de s’entrainer.
Il fallait montrer en quoi le fait de s’entrainer tous les jours devient quelque chose d’automatique, comme le fait de manger.
Kelly Reichardt
Sa nouvelle réalisation dont la sortie est prévue le 3 mai prochain, affirme son style dépouillé. En traquant les recoins du quotidien d’une artiste en passe de sortir de son anonymat, Kelly Reichardt désacralise les tenants et les aboutissements de la création artistique.
Lizzie son héroïne, interprétée tout en retenue par son actrice fétiche Michelle Williams, prépare sa nouvelle exposition. Empêtrée dans un quotidien bordé de multiples contrariétés, elle s’affaire à parachever de petites sculptures de personnages en glaise, qu’elle peint de différentes couleurs. Peu à peu se dessine au travers de ces créations la personnification des agacements et autres désagréments qu’elle traverse. Jusqu’à ce que l’une de ses sculptures noircies par une cuisson trop intense ne devienne l’une de ses œuvres maîtresses. Symbolisant à elle seule la part inattendue qui est générée par ses mécontentements. Sans jamais remettre en cause son propre comportement, Lizzie se retrouve comme piégée par sa propre inspiration.
Nous travaillons parce que cela nous nourrit, nous construisons notre vie autour de ça.
Kelly Reichardt
La réalisatrice nous offre une réflexion qui interroge le sens de l’art et son parangon la création. À quoi servent-ils ? À nous occuper les mains et l’esprit ?
À simplement traduire nos propres afflictions qui offrent aux autres un miroir déformant ? Le personnage de Lizzie donne à ses créations le pouvoir d’incarner ses sentiments en leur procurant la capacité de nous approvisionner en émotions.
Un propos mélancolique qui nous laisse songeur et nous pousse à jeter un regard intérieur sur nos turpitudes.