Culture

Sinners, de Ryan Coogler, un syncrétisme de la culture pop noire

Publié par Calisto Dobson le 24 avril 2025

Plongée horrifique dans les arcanes de la culture afro-américaine, Sinners de Ryan Coogler offre un syncrétisme  original pour en célébrer les racines – du blues au vaudou – et ses nombreuses ramifications pop, du film noir à celui de vampire.
Le cocktail détonant est parvenu à décoller Calisto Dobson de son siège par l’intensité de sa mise en scène et une esthétique parfaitement raccord. Avec en prime, une sélection de 10 films de vampires de l’ère moderne et un bonus.

 

Mythes et légendes du Blues

Communément désignée à ses origines par ses détracteurs comme étant la « musique du Diable », le blues charrie de nombreux mythes et légendes. L’une des plus célèbres raconte celle de Robert Johnson (1911-1938) qui aurait, afin d’obtenir un talent diabolique, pactisé avec le démon une nuit au carrefour d’une route perdue.
En réalité cette légende est issue de Cross Road Blues, une des compositions du mythique bluesman, qui métaphorise l’insécurité et la vulnérabilité des Afro-Américains au cœur du Sud des États-Unis à l’orée du XXème siècle. Ceux-ci étaient à même d’être en permanence en proie au racisme le plus radical et violent qui soit.

Une personne de couleur noire perdue la nuit sur une route déserte risquait sévèrement d’être simplement lynchée pour la seule raison de se trouver au milieu de nulle part après la tombée du jour. D’aucuns pourraient ajouter qu’aujourd’hui encore une certaine tendance à perpétuer cette infamie persiste et signe.

Sinners, de Ryan Coogler avec Michael B. Jordan photo Warner

Heurs et malheurs de la destinée noire américaine

D’autres ramifications, telles que l’esprit du vaudou, font également appel aux références sataniques issues de racines culturelles africaines. Répandues à travers le monde autant en Haïti qu’au Brésil, ces croyances innervent de façon profonde un occultisme ancré dans le ferment de la culture afro-américaine.

Ryan Coogler, réalisateur entre autres de Black Panther, premier film à célébrer un super héros afro-américain, est issu de la dernière génération de cinéaste, après celle de Spike Lee à proposer un cinéma directement consacré à la destinée Noire américaine.

Sinners, de Ryan Coogler avec Michael B. Jordan photo Warner

Une syncrétisme de la pop culture noire

Avec Sinners il nous offre une tentative de syncrétisme entre un genre horrifique, le film de vampires, avec en sous-main celui des gangsters et les croyances démoniaques qui ont influé sur un large courant de l’âme afro-américaine et par là même de ses mythes, du Baron Samedi à Stagger Lee pour résumer.

Les ressorts du film de Gangster des années 30

Nous sommes au début des années trente, deux frères jumeaux afro-américains (interprétés par l’acteur fétiche du réalisateur Michael B. Jordan), après un séjour enrichissant à Chicago (entendez par là en toute illégalité) sont de retour dans leur Mississippi natale. Ambitieux, ils inaugurent leur Juke Joint (un cabaret de blues réservé aux noirs entre débit de boisson et salle de jeux agrémenté d’une piste de danse).

Seulement voilà, pied d’appel à l’œuvre, le blues est le médium par lequel les vivants et les morts seront appelés à coexister. La puissance évocatrice de cette musique va abroger la frontière entre l’au-delà et l’ici-bas.

Une séquence entre débauche et charivari, décriée et moquée par certains comme une illustration baveuse, va au travers d’une trouée dans l’espace-temps évoquer la force suggestive du blues.

Abroger la frontière entre l’au-delà et l’ici-bas

Seront convoqués des revenants, ceux de la pire espèce, telle que le signifie Annie (Wunmi Mosaku), personnage au fait des croyances ancestrales du combat entre le bien et le mal.

S’ensuivra une gigantomachie digne de celle de Une Nuit en Enfer (From Dusk Till Dawn de Robert Rodriguez sur un scénario de Quentin Tarantino), film avec lequel nous ne pouvons nous empêcher de faire un parallèle.

Sans entrer dans le détail narratif du film, Sinners parvient à nous décoller de notre siège par l’intensité de sa mise en scène, une esthétique parfaitement raccord et surtout son absolue conviction, celle de la répercussion majeure de la culture afro-américaine sur notre modernité.

Auteur de l'article

avec Michael B. Jordan, Hailee Steinfeld, Miles Caton, Jack O’Connell, Wunmi Mosaku, Delroy Lindo (137 mn)

10 films de vampires de l’ère moderne et un bonus* :

  • Le Bal des vampires (The Fearless Vampires Killers, or Pardon Me, But Your Teeth Are in My Neck), de Roman Polanski (1967)
  • Nosferatu, fantôme de la nuit (Nosferatu : Phantom der Nacht), de Werner Herzog (1979)
  • Aux frontières de l’aube (Near Dark), de Kathryn Bigelow (1985)
  • Génération perdue (The Lost Boys), de Joel Schumacher (1987)
  • Dracula de Francis Ford Coppola (1992)
  • The Addiction de Abel Ferrara (1995)
  • Une nuit en enfer (From Dusk till Dawn), de Robert Rodriguez (1996)
  • L’Ombre du vampire (Shadow of the Vampire), de E. Elias Merhige (2000)
  • Morse (Låt den rätte komma in), de Tomas Alfredson (2008)
  • Only lovers left alive, de Jim Jarmusch (2013)
  • *Vampire humaniste cherche suicidaire consentant de Ariane Louis-Seize (2023)

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