Sorcières, Une lecture musicale, d’après Mona Chollet (Théâtre de l’Atelier)

Jusqu’au 9 novembre 22, les mardis et mercredis à 19h, 1 place Charles Dullin, 75018 Paris
Réservations :+33 1 46064924

Avec Les Monologues du Vagin, la lecture musicale de Sorcières, d’après l’essai féministe de Mona Chollet (paru en 2018) adapté par le collectif « A définir dans un futur proche » s’impose comme un spectacle à la fois cathartique et fédérateur. Plus d’une vingtaine d’artistes féminines*, quatre comédiennes et deux musiciennes à chaque séance, engagent les femmes à assumer leur indépendance de sorcière afin de s’émanciper des normes masculines dominantes, au Théâtre de l’Atelier jusqu’au 9 novembre.

Du livre à la lecture musicale, la réhabilitation de la sorcière

Depuis sa création au Théâtre du Rond-Point en février 2019, l’adaptation en « lecture musicale » de Sorcières,  par le collectif A définir dans un futur proche n’a pratiquement pas quitté la scène. Le sous-titre de l’essai enquête de Mona Chollet journaliste au Monde diplomatique, « La puissance invaincue des femmes » est lui-même revendiqué comme un combat.  Il trouve un nouveau et puissant relais avec les 13 représentations portées par plus d’une vingtaine d’actrices* – quatre sur scène à chaque séance accompagnée de deux musiciennes, une batteuse et une chanteuse. Le spectacle est ramassé, une grosse heure jubilatoire, exalté par des comédiennes, visiblement investies dans la volonté de bousculer les imaginaires d’aujourd’hui.

Tordre le cou aux préjugés et aux injonctions de toutes sortes
avec le plaisir et la joie d’être ensemble !
 

Clotilde Hesme, comédienne

Un engagement communicatif des comédiennes pour Sorcières, Une lecture musicale (Théâtre de l’Atelier) Photo Julien Mignot

Une émotion incarnée

Autant le dire tout de suite, la dimension musicale presque marginale n’est ni l’enjeu, ni un supplément d’âme. D’ailleurs, c’est la faiblesse principale du spectacle, elle n’a aucun rapport avec les quatre extraits lectures. Les intermèdes musicales – plutôt réussies par Anne Macéo à la batterie et la chanteuse Méllissa Laveaux le 28 septembre – apportent une pause, mais ne constituent pas de mise en abime – le répertoire n’en manque pas – avec les séquences lues.
Un regret qui n’entame pas la force des textes lues par des comédiennes investies, conscientes de l’enjeu. Au point que certaines en savonnent parfois à la fois d’émotion et d’ambition pour projeter au mieux la puissance positive des extraits du livre manifeste de l’auteure de « Beauté fatale » et de « Chez soi ».

« Les sorcières ont réprimé certains comportements, certaines manières d’être.
Nous avons hérité de ces représentations forgées et perpétuées au fil des siècles.
Ces images négatives continuent à produire, au mieux, de la censure, ou de l’autocensure, des empêchements;
au pire, de l’hostilité, voire de la violence
« 

Mona Chollet. Sorcières, 2018

Garance Marillier, Clotilde Hesme, Anna Mouglalis et Aure Atika incarnaient le 28 sept les Sorcières (Théâtre de l’Atelier) Photo Julien Mignot

L’émotion de la voix incarnée

Le collectif « A définir dans un futur proche » revendique avant tout de faire entendre les points forts du texte qui fascine autant qu’il fait enrager certains. La réussite vient des incarnations (Le 28 , Garance Marillier, Clotilde Hesme, Anna Mouglalis et Aure Atika) aux féminités, générations, identités et voix si distinctes aux extraits jetant les ponts entre la chasse aux « sorcières » du Moyen âge et les murs de verre qui bloquent les libertés de la femme contemporaine : la femme qui refuse d’être mère, la femme indépendante refusant le couple, la femme aux cheveux blancs « L’ivresse des cimes » qui garde ses désirs,  toutes vues comme les « sorcières d’aujourd’hui »

Attention les sorcières sont partout. Elles prennent la parole au Théâtre de l’Atelier !
A la clameur qui accompagne la fin du spectacle, l’appel à l’indépendance subversive, à la liberté disruptive des « sorcières » pour « changer les consciences » reste manifestement d’actualité. Et balaye toutes les objections de détail.

#Olivier Olgan