(Série) Tapie, créée par Tristan Séguéla et Olivier Demangel (Netflix)

Il craignais un copier-coller des images télé, mille fois vues, de Tapie au zénith puis à terre, interprété par des acteurs au jeu appauvri et normalisé par Netflix ! À tort ! En fait… pour Patrice Gree, c’est très bien ! Les acteurs sont tous très bons. Laurent Lafitte est largement crédible, Fabrice Luchini excelle en salaud amoureux et tous les autres naviguent à l’aise dans le scénario habilement ficelé de Tristan Séguéla et Olivier Demangel ! La dernière longue scène qui fait revivre la confrontation entre l’homme d’affaires foireux et l’incorruptible procureur de Montgolfier est sans doute la plus forte des sept épisodes la série !

Le « sévèrement burné » lui joue, sur ses origines de prolo, un air de violon… pour éviter d’y aller !

Mais le procureur Eric de Montgolfier qui n’est visiblement pas un amateur de musique de chambre, lui sort sa grosse caisse :
« Glassmann » le joueur de Valenciennes qui refusa le pognon pour lever le pied dans le match qui opposait son équipe à l’OM, et dénonça courageusement l’arnaque ! Fils de prolos, lui aussi, mais honnête… lui ! Cette confrontation serrée, qui se clôt sur ce mot du procureur au moment où l’ancien ministre franchit la porte.

« Ce n’est pas vous qui irez en prison…c’est Bernard Tapie ! »

Formule géniale qui aurait pu libérer l’homme du personnage qu’il s’était dangereusement construit ! Le prix d’une hypothétique libération sera… la prison. Tapie était un personnage incroyable… d’un culot hallucinant, le mensonge, la manipulation, la menace et…la séduction étaient des armes acceptables au service de ses ambitions. Sans scrupules le bulldozer, tout- terrain, avançait !
La morale pesait des cacahouètes sans sel face à la réussite…

Son besoin absolu, fou, de lumière le mettra finalement à l’ombre pour plusieurs mois !

Après son emprisonnement, il reviendra par la fenêtre du cinéma et du théâtre. Comme une plante verte dans son pot, il va chercher la lumière… toujours la lumière ! Mais si l’avaleur goulu d’entreprises malades, qu’il rachetait que dalle pour les revendre très cher, laissant sur le carreau au passage des milliers de salariés bernés n’avait rien pour séduire, l’homme n’était pas dépourvu du charme vénéneux des anars de droite ! « Je fais ce que je veux »… quand des millions de gens ne font que ce qu’ils peuvent, et qu’ils ne peuvent pas grand-chose ça peut en faire rêver certains.

Beaucoup plus que sa réussite contestable, sa capacité à rebondir fascinait…

Moi si j’ai 200 euros de découvert à la banque, je perds 6 kilos dans la journée, le sommeil pendant un mois, et je me mets à boire en cachette …alors le Nanar avec ses milliards de dettes, ses dizaines de procès qui continue à avancer comme si de rien n’était…ça scotche !

Comment faisait-il pour encaisser, sans que son énergie vitale ne soit entamée ?

Son face à face gagnant et jouissif contre le Pen a effacé à gauche, un temps, l’ardoise salée de l’homme d’affaires sans scrupules. Si la minisérie, en mettant clairement à jour ses malversations, ne fais pas de Tapie un héros moderne – loin s’en faut – elle réussit néanmoins en passant par sa relation tumultueuse et amoureuse avec sa femme, à nous attendrir et nous faire avaler en douceur, la pilule amère du gros truand qu’il était !
Mais comme tout homme…pas que ça !

La maladie mit nanar au tapis. Comme tout le monde, terrorisé, face au néant programmé rapidement par les médecins.

Tapie totalement blanchie, non par la justice mais par le cancer… apparut alors dans un dernier round, dans son dernier rond de lumière…fragile, humain, terriblement humain.

#Patrice Gree