The Pop Surealist : “Make art with money, not money with art” (Galeries Paul 13 & Holy Street)
Utilisant des billets de banque pour confectionner des collages qu’il glisse un peu partout, The Pop Surealist collectionne depuis sa tendre enfance les devises les plus rares du monde entier. L’artiste urbain les intègre dans d’ironiques « cadavres exquis » surréalistes, collages décalés ou micro-installations délurés.
Sa façon de désacraliser l’argent vise pour Baptiste Le Guay à bousculer le trop plein rapport spéculatif qui anime le marché de l’art d’aujourd’hui: « Make art with money, not money with art” revendique son œuvre iconoclaste qui se découvre à la galerie Holy Street, à Lyon et à la galerie Paul 13 à Paris du 27 mars au 6 avril 2025.
La révélation du potentiel du collage

Olivier Gamblin aka The Pop Surealist devant l’un de ses collages, photo The Pop Surealist
Né à Cherbourg en Normandie, Olivier Gamblin dit « The Pop Surealist » est le fils de deux parents banquiers. Très tôt, il se passionne pour ces billets qu’il voit grâce au travail de ses parents. Lorsqu’il commence ses études aux Beaux-arts en 2001, l’exercice du collage et ses implications esthétiques – voir physiques – le fascine; il en reconnaît à la fois la perte et le gain, la part du feu et la part du jeu.
« Le collage a été une révélation pendant le cours. Ça a résonné avec mon adolescence inspirée du skate, du surf, du punk et du rock anglais »
The Pop Surealist
S’inspirant d’artistes comme les VLP (Vive la peinture) et Speedy graffito, ses premiers collages analogiques sur toile sont déjà surréalistes, mais il absorbe les couleurs et références de son temps: « Je faisais des grands formats avec des couleurs fluos, c’était de l’art criard. Il y avait un côté mauvais goût, je prenais des tapisseries avec des faons et j’incrustais un robot R2D2 en plein milieu ».
La tradition des tips dans les pubs irlandais

The Pop Surealist, South Africa V photo The Pop Surealist
En 2014, il réalise son premier collage avec un billet. Un billet anglais avec la tête de la Reine d’Angleterre sur le corps de Mohamed Ali. En 2005, il reprend un bar irlandais rue Berger avec son meilleur ami Gabriel pour en faire une boîte de nuit, avec pour résidences les Dj du Label Head banger
« L’ancien pub irlandais appelé le Lollipop a une coutume, c’est de payer avec la devise de ton pays lorsque tu ne peux pas donner de pourboire dans la monnaie locale. Ils laissent un billet de la devise de leur pays, ce qui fait qu’il y avait un miroir avec une cinquantaine de billets de partout : Afrique du Sud, Pologne, ect… J’ai récupéré cette liasse de billets étrangers.»
Plus d’un an après, il réutilise ses billets pour faire une série de dix collages.
Recycler des images papiers

The Pop Surealist, China photo The Pop Surealist
Sensible à l’écologie depuis son jeune âge où il nettoyait les plages de leurs détritus avec son club de surf, le recyclage d’images fait partie de sa démarche artistique. Ses collages proviennent tous de papiers recyclés. The Pop Surealist passe son temps à dénicher dans les magasines de nouvelles images : des silhouettes, des fonds qui peuvent « matcher » avec des billets en termes de couleurs.
« Ces images viennent de magasines qui vont partir à la broyeuse. J’ai des amis en profession libérale comme des dentistes et des médecins qui en possèdent dans leur salle d’attente. Mon coiffeur me donne aussi une vingtaine de magasines à chaque fois que je vais le voir. J’ai une amie qui a dû vider un grenier suite à un décès, elle a récupéré 150 magazines de Géo vintage »
Le collage rapide et efficace dans l’espace public

The Pop Surealist en pleine action de collage dans la rue photo The Pop Surealist
Il commence à coller des vrais billets dans la rue avec leur silhouette dans Paris à partir de 2019. Pour adapter sa pratique du collage dans l’espace public, il va scanner ses images de petites tailles (pages de magazine) en très haute définition 1200 dpi, puis il les imprime en taille réel, entre un mètre 70 et deux mètres.
L’impression se fait sur un « papier dos bleu, c’est un papier spécial pour le collage de rue. C’est un papier épais de 120 grammes qui résiste à l’eau, les mêmes utilisés pour les affiches publicitaires ».
Il les colle en général la nuit, profitant que les rues soientt bien plus calmes.
« Je peux aller plus vite, caché dans une ruelle à l’abri des regards. Ça me prend deux minutes. J’ai eu beaucoup de retours dès mes premiers collages ».
Désacraliser l’argent par le billet de banque

The Pop Surealist, Zaïre IV photo The Pop Surealist
« Make art with money, not money with art”, telle est la devise manifeste du Pop Surealist. Une phrase pour dénoncer la spéculation galopante du marché de l’art, secteur brassant des milliards de dollars chaque année (67,8 milliards en 2022 selon Art Basel). Son idée est de désacraliser l’argent en recyclant les devises. Une raison expliquant pourquoi les billets sont arrachés sur 30% de ses œuvres collées dans la rue.
« Lorsque je colle dans la rue, j’ai toujours observé la fascination des gens pour l’argent. Dès que nous voyons un billet dans la rue, nous nous baissons pour le ramasser automatiquement.
Notre œil a un réflexe inné, mais c’est plus de la fascination qu’autre chose. C’est devenu vitale pour nous ».
Des billets « portraits »

The Pop Surealist, Algéria photo The Pop Surealist
La pratique de coller de vrais billets est illégale, et punit par de la prison dans de nombreux pays comme aux Etats-Unis. Une sanction pénale car le fait d’immobiliser de l’argent contribuerait à « dévaluer » la monnaie.
Prudemment, The Pop Surealist n’utilise pas des Euros, pour la simple et bonne raison qu’ils n’ont pas de personnages imprimés sur leurs billets.
« La banque de France a dit qu’elle travaillait sur des nouveaux billets européens avec des personnages. Le nouveau qui va sortir avec la tête de Charles III en juin je l’attends avec impatience ».
L’universalité de la monnaie papier

The Pop Surealist, Reine d’Angleterre UK photo The Pop Surealist
Comme nous le fait remarquer The Pop Surealist, nous avons beau avoir des différences en termes de religions, culturels ou d’humour, l’argent reste un langage universel compris par tous. « Lorsque j’ai vendu mes premières œuvres, elles sont parties à l’étranger comme en Australie, aux Emirats Arabes-Unis, en Angleterre ».
Les œuvres sont nommés selon la provenance du billet de banque
« Lorsque je compose, il y a beaucoup de hasard. Lorsque je cherchais une silhouette pour un billet algérien, la silhouette qui convenait le mieux avec était le corps d’une Miss France.
Il y a un hasard magique qui se créée, qui me réjouis car la contrainte du papier de la silhouette découpé dans un magazine m’échappe un peu ».
Il a également mis la Reine d’Angleterre dans plusieurs situations, notamment en train de fumer une cigarette au réveil.
« J’ai imaginé une journée magique où elle n’était plus reine, mais une personne normale. Quelqu’un viendrait la réveiller et lui apporter son premier verre d’eau. Elle aurait été à poil en train de fumer sa clope du matin en train de lire un journal ».
Des messages ironiques et engagés

The Pop Surealist, L’empire du bacon photo The Pop Surealist
Le Dollar américain lui permet des créations particulièrement ironiques, en le baptisant notamment L’Empire du Bacon.
« J’ai vécu aux côtés des plages du débarquements et des cimetières de la Seconde Guerre mondiale. J’ai eu une culture très anglo-saxonne en Normandie, j’ai fait du Hockey sur glace pendant 10 ans. Je me suis rendu compte de la violence de l’impérialisme américain avec les guerres du Golf et le mensonge d’armes de destruction massive.
Aujourd’hui, Trump est l’antithèse de ma vision du monde ».
Son constat est sans appel sur un monde en bouleversement, notamment avec la consternante politique étrangère menée par le président américain.
Convaincu du rôle positif de l’art
The Pop Surealist a ouvert sa galerie Holy Street, 26 Quai Romain Rolland, 69005 Lyon depuis le 20 février. A partir de fin mars, il aura un solo show dans la galerie Paul 13 du 27 mars au 6 avril 2025, 13 rue la Condamine 75017 Paris.