Théâtre : Dans la solitude des Champs de Coton, de Bernard-Marie Koltès (Théâtre 14)

jusqu’au 26 juin 21, Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier 75014 Paris
Résa :  01 45 45 49 77 – contact@theatre14.fr
Mise en scène de Charles Berling, Avec Mata Gabin et Charles Berling

Collaborateur artistique : Alain Fromager 

Créé à l’origine par Patrice Chéreau à Nanterre, ce texte fort, nu, dru, moderne et classique à la fois de Bernard-Marie Koltès, est repris dans une mise en scène de Charles Berling. Dans la Solitude des champs de coton est un duel entre un client et son dealer. La force de cette mise en scène au Théâtre 14 reside dans le parti pris d’incarner le dealer par une femme, Mata Gabin.

On parle de désir.

Mata Gabin et Charles Berling Dans la solitude des Champs de Coton, de Bernard-Marie Koltès Photo Nicolas Martinez Filage scène nationale châteauvallon

« C’est à une rencontre à laquelle vous allez assister. Celui qui marche sur une ligne bien droite d’une fenêtre éclairée à une autre fenêtre éclairée va traverser le territoire de l’autre, traverser l’autre. Rencontre de l’offre et de la demande, du marchand et du client, du licite et de l’illicite, de la lumière et de l’obscurité, du noir et du blanc. Alors le dialogue va s’engager parce qu’on se parle ou on se tue… On parle de désir. »
Ainsi commence la pièce avant même son début sur scène.
Conscient de la force inaltérée du texte de Bernard-Marie Koltes, Charles Berling reprend sa mise texte créée au Théâtre National de Strasbourg le 1er octobre 2016.

Des personnages sans filtre

Nous assistons à un duel exacerbé par la forme d’un dialogue par monologue, un duel où les deux protagonistes expriment sans filtre, ni « moi »,  ce qui les anime. Combat verbal dans un plateau nu ou seule la lumière varie.

Mata Gabin incarne somptueusement le rôle du marchand Photo Nicolas Martinez Filage scène nationale châteauvallon

Sauf que, le rôle du marchand est incarnée par une femme à la présence ravageuse (Mata Gabin). Pour le metteur en scène, « cela renforce l’aspect indéfini, obscur, mystérieux de ce personnage. » Cela tend aussi à l’universalité des rapports entre deux personnes, quelque soit leur sexe et apporte en effet une aura plus énigmatique. Ce que confirme Mata Gabin : « Je suis contente de jouer un personnage qui justement est un homme parce qu’à l’origine nous sommes tous et toutes des Hommes, avec ce grand ‘H' ».
Habitué aux ambivalences du désir, Charles Berling incarne à merveille le personnage du client, tourmenté par un désir qu’il ne peut formuler, par son incapacité à clore, à faire des choix.

Se réapproprier le texte

Mata Gabin et Dans la solitude des Champs de Coton, de Bernard-Marie Koltès mise en scène de Charles Berling Photo Nicolas Martinez Filage scène nationale châteauvallon

Le dessein de Charles Berling était de faire passer le texte pour que chacun puisse se l’approprier. « Parce que Koltès est un auteur populaire. Je voudrais que l’on voie cette pièce non pas comme une œuvre intellectuelle extraordinaire, qui concerne seulement les connaisseurs de théâtre, fascine les milieux culturels mondiaux par son génie… je veux qu’elle atteigne les cœurs, que même une personne qui n’a jamais mis les pieds au théâtre puisse être touchée par ce que ça lui raconte de puissant, se dire : « comment se fait-il que cette pièce, dont je ne comprends pas tout, se rapporte à ce point à moi ? ». C’est capital pour moi, dans la mise en scène que je vais proposer, de faire en sorte qu’il s’agisse d’un théâtre populaire. »

Pari réussi. Il faut courir au théâtre 14 pour voir ou revoir, entendre ou réentendre le texte d’un auteur radical qui a marqué la fin du XXe siècle et qui reste d’une actualité brulante.

#Patricia de Figueiredo