Théâtre : Le complexe de Dieu, d'Antony Puiraveaud (Le Funambule)

Jusqu’au 25 février 22, Théâtre Le Funambule, 53 rue des Saules 75018 Paris
les jeudis et vendredis à 19h ou 21h.
Tél. location : 01 42 23 88 83
Mise en scène : Jean-Luc Voyeux. Distribution vue : Olivier Troyon – victime Matthias, Père François, Léonie Duédal – Céline, Béatrice Vincent (mère) Marie-France, Jean-Luc Voyeux – Julien, Père Damien
(en alternance) Théo Dusoulié, Léonie Duédal, Béatrice Vincent, Jean-Luc Voyeux

Un jeune acteur réussi à intégrer la distribution d’une nouvelle production du Tartuffe de Molière. Sa résistance à répondre à la sensualité prédatrice du faux abbé, voulue par le metteur en scène réveille en lui un traumatisme de jeunesse… Constamment en équilibre sur le fil d’une douleur enfouie, Antony Puiraveaud signe avec Le Complexe de Dieu, une pièce forte sur l’abus au sein de l’Église, avec un astucieux effet miroir et temporel, portée par la mise en scène fluide de Jean-Luc Voyeux et des acteurs qui assument plusieurs rôles.

Lucille Bobet et Olivier Troyon dans Le complexe de Dieu Photo Franck Harscouët

Du détachement … au procès

Quand le théâtre fait l’effet de révélateur, la force de la pièce d’ Antony Puiraveaud est de mettre en abime, la mise en scène de théâtre, avec le metteur en scène qui cherche à faire sortir sa vision des acteurs, et les freins parfois intimes qui les empêchent à jouer le jeu. Ici la soutane de Tartuffe réveille les abus d’une autre soutane bien réelle dans la vie d’un jeune enfant.

Eviter toute caricature

Mathias (Théo Dusoulié) refuse comme beaucoup d’abusé de se poser en victime. Photo Franck Harscouët

A la fois moderne et en miroir avec les vers de Molière, e texte se nourrit aussi de références et clins d’œil éclectiques qui désamorcent toute la pesanteur d’un sujet « vraiment dégueulasse ». Le ressort dramatique s’appuie sur le fait que comme souvent, le jeune abusé assume avec détachement sa propre histoire, son refus de se poser en victime, et surtout de se laisser définir par cet épisode de sa vie. Sauf que le déni a ses limites.

« Les drames de l’enfance nous changent, à nous de faire en sorte qu’ils ne nous définissent pas. » insiste le metteur en scène Jean-Luc Voyeux qui joue aussi le révélateur (le metteur en scène) et le bourreau (le prête abuseur). Avec quelques accessoires, les acteurs ont le talent de nous le faire partager les arcanes de cette introspection douloureuse, et salvatrice.

Trouver la bonne distance

La mise en scène du Tartuffe éveille des douleurs enfouies. Théatre Le complexe de Dieu Photo Franck Harscouët

Le point de départ d’une prise de rôle et les réticences qu’elle créé chez Matthias, subtilement incarné par Olivier Troyon (en alternance avec Théo Dusoulié), permet de retrouver les ressorts de l’abus, le père absent, la mère dévote et un prêtre aussi séducteur qu’omniprésent. Avec fluidité, les acteurs passent d’un temps à l’autre, pour donner chair et conscience à la victime. Cette sobriété dramatique libère le déni et place le spectateur à la bonne distance. En lui permettant d’observer l’évolution des personnages – mère, fils, prêtre –  dans le temps, le théâtre l’invite à plonger sans apriori dans la matière du drame. Grâce à la magie du théâtre. Surtout quand il est audacieux, et osons le mot, responsable dans sa volonté de nuances, de finesse.

#OlivierLeGuay