Théâtre : Le Roi des Pâquerettes, de Bérangère Gallot & Sophie Nicollas (L’Œuvre)
Du jeudi au samedi à 19h jusqu’au 3 avril, Tous les dimanches à 17h
Mise en scène de Benoît Lavigne, avec Maxence Gaillard, Emmanuel Gaury, Guillaume D’Harcourt, Lauriane Lacaze et Mathieu Rannou – Texte édité par L’Harmattan
Faire entrer la première traversée de la Manche en aéroplane dans un théâtre, il fallait oser ! Bérangère Gallot et Sophie Nicollas, co-auteures réussissent avec brio à nous plonger dans les préparatifs de Louis Bériot à quelques heures d’une ambition insensée. Rien ne manque, suspense, émotions, humour, pour faire de l’exploit aérien une pièce enlevée par cinq comédiens formidables.
Retour sur un exploit vertigineux
Nous sommes dans la nuit du 24 au 25 juillet 1909, dans une chambre d’hôtel à Calais. Louis Blériot (Maxence Gaillard) et sa femme Alicia (Laurianne Lacaze), anxieux, sont dans les derniers préparatifs d’une ambition insensée. Il y a aussi Ferdinand Collin (Guillaume d’Harcourt), le mécanicien, le journaliste Charles Fontaine (Mathieu Rannou) et le concurrent britannique Hubert Latham (Emmanuel Gaury), tous passionnés par cette traversée de la Manche, pari technique et météorologique vertigineux du « Roi des pâquerettes ».
Rien ne se passe comme prévu
La météo, les derniers préparatifs, la check list, l’absence de boussole… Bien que nous connaissions le dénouement de l’histoire, entrer dans l’intimité des personnages, partager leurs doutes, leurs angoisses, permet d’aborder différemment cet évènement qui a révolutionné l’histoire de l’aéronautique et des deux pays, la France et l’Angleterre.
Concentrer sur l’essentiel et pour mieux nous glisser aux cotés des héros de l’exploit, la mise en scène de Benoît Lavigne tire la carte de la sobriété. Elle cisèle les caractères dans la fièvre des décisions où il n’est plus temps de reculer. Le directeur actuel du Lucernaire et du Théâtre de l’Œuvre s’appuie sur son expérience de directions d’acteurs, sur des costumes vintages et un dispositif scénique très resserré pour déclencher et titiller notre imaginaire.
La place et le rôle de la femme dans l’exploit
Formidablement incarnée par Lauriane Lacaze, Alicia Blériot est croquée comme une femme moderne, à la fois gardienne de la santé et du bien-être de son mari et première à rendre possible l’exploit. Elle n’hésite pas à jouer de son influence pour qu’il parte le premier.
Car un autre candidat, oublié aujourd’hui, Hubert Latham qui avait traversé le premier la manche en ballon les 11 et 12 février 1905 avec son cousin, était sur les starting-blocks pour griller à politesse à quelques heures près et bénéficiait, tout autant que Blériot, de la couverture journalistique. Il mourut en 1912 en Afrique Équatoriale française après avoir battu deux fois le record de hauteur en avion et avoir été également pilote de courses automobiles.
Des aventuriers mesurant et défiant les risques
Louis Blériot eut plusieurs fois des accidents et le pied brûlé. Mais pas seulement pilote, il était aussi ingénieur et visionnaire. Il avait pressenti la place que l’aviation allait prendre : « Mais oui Alicia ! Sur le plus lourd que l’air. Je vais leur prouver en étant le premier. C’est moi. J’incarne l’avenir, vite, vite, faut que je me dépêche…oui je vais leur montrer que… Une nouvelle ère… c’est ça. L’ère de l’aviation. Et ce n’est que le début. Adieu l’aérostation… Tu verras Alicia, tu verras… L’avenir… est entre mes mains ! »
Les deux auteures, Bérangère Gallot et Sophie Nicollas, naviguent entre suspens, émotion et humour, mettant en exergue toute la modernité de l’exploit de l’aviateur. Les dialogues font mouche, portés il est vrai par une distribution de haut vol, une interprétation intense de Maxence Gaillard, Emmanuel Gaury, Guillaume d’Arcourt, Lauriane Lacaze, et Mathieu Rannou.
Une pièce pour tous publics notamment familiaux idéal pour faire toucher du doigt à nos chers têtes blondes qu’avant les astronautes, il fallait des héros pour s’élever au-dessus des pâquerettes !
#Patricia de Figueiredo