Théâtre : Mata Hari ou la justice des hommes, de Marc Fayet (Petit Montparnasse)

Du mardi au samedi à 21h et les dimanches à 15h, Petit théâtre Montparnasse. 31 Rue de la Gaîté
75014 Paris – Tél. : + 33 1 43 22 77 74. – réservations
pièce de Marc Fayet, sur une idée de Delphine Piard, mise en scène par Delphine Piard.
Avec Ariane Mourier, Bruno Paviot, Olivier Claverie, Maud Le Guénédal

Mata Hari, son nom symbolise une espionne pendant la Grande guerre. Mais que sait-on vraiment de cette femme qui a fait preuve d’une liberté que peu de femmes prenaient à son époque ? Le spectacle écrit par Marc Fayet, mise en scène par Delphine Piard – qui a eu l’idée de la pièce –  et qui se joue au Petit théâtre Montparnasse, nous éclaire avec brio sur la vie de cette « femme passionnée qui n’avait qu’une ambition, celle de vivre dans la joie, dans l’insouciance et surtout dans l’amour ». Ce portrait a enchanté Patricia de Figueiredo, appuyé par une distribution parfaite avec en tête Ariane Mounier dans le rôle-titre et à ses côtés, Olivier Claverie, Bruno Paviot et Maud Le Guenegual.

Mata Hari ou la justice des hommes, de Marc Fayet (Petit Montparnasse) Photo Fabienne Rappeneau

Entre sensualité et clairs obscurs

La pièce commence par une scène, visuellement très belle, de danse orientale au milieu de voiles, chorégraphiée par Linda Faoro. La scénographie de Bastien Forestier, les lumières de Denis Koransky et les costumes de Bérangère Roland contribuent à créer, tout au long du spectacle, un climat tantôt envoutant, tantôt dramatique, avec des clairs obscurs et des drapés.

Un élément de décor central ; une cage dont Mata Hari serait prisonnière tel un oiseau que l’on empêche de voler, est le point de départ de la mise en scène. (…) Une métaphore évidente et une théâtralité justifiée pour ce personnage à la fois complexe et exceptionnel.
Delphine Piard, metteure en scène

Un flash back sur un mythe

Mata Hari en prison avec son avocat, joué par Bruno Paviot qui joue plusieurs rôles Mata Hari ou la justice des hommes, de Marc Fayet (Petit Montparnasse) Photo Fabienne Rappeneau

Dès le début, nous assistons à son interrogatoire par le lieutenant Bouchardon (Olivier Claverie), très humain et pourtant inflexible, avant son procès. La danseuse est en effet accusée d’intelligence avec l’ennemi. L’occasion de remonter le cours de sa vie; de la danse orientale au peloton d’exécution. le 15 juillet 1917

Plus je découvrais quelle était la vie de cette artiste, cette danseuse, cette demi-mondaine, plus je me suis attaché à restituer de quoi elle était faite vraiment. J’ai alors partagé ses rêves, ses goûts, ses fantaisies, ses désirs, ses défauts, car si elle avait bien des talents, le seul dont elle était totalement dénuée c’était bien celui d’être espionne. J’ai voulu alors lui rendre une certaine forme de justice et retrouver la femme qui avait été étouffée par le mythe.
Marc Fayet, auteur

Que sait-on de Mata Hari ?

A Paris,déjà les orages s’ammoncèlent Mata Hari ou la justice des hommes, de Marc Fayet (Petit Montparnasse) Photo Fabienne Rappeneau

Séduisante, envoutante, Mata Hari, de son vrai nom Marguaretha Von Zelle, est née en Hollande. Femme libre avant les années Folles, séductrice, courtisane, visiblement abusée dans sa jeunesse par les hommes de sa famille, elle comprend vite le pouvoir qu’elle exerce sur la gente masculine. De Paris, Berlin, Amsterdam, elle essayera de brouiller les pistes.

Femme d’argent, l’histoire de Mata Hari ressemble à celle d’un papillon à qui l’on a brulé les ailes pour le punir d’avoir côtoyé de trop près la lumière et les puissants. La machine implacable de la justice (celle des hommes) est en marche.

« J’aurai pu vous croire, j’aurai sans doute dû, mais il est trop tard maintenant » lui dit en substance le lieutenant Bouchardon. Terrible aveu du rouleau compresseur qui écrase Mata Hari, jetée en pâture à la presse, à la population qui veut son « espionne ».

Mata Hari ou la désillusion amoureuse

Mata Hari lors de son interrogatoire Mata Hari ou la justice des hommes, de Marc Fayet (Petit Montparnasse) Photo Fabienne Rappeneau

Incarnation de la femme libérée,  de tous les hommes qui ont traversé sa vie, aucun ne voudra témoigner en sa faveur. Ce qui consolide la fabrication d’une coupable idéale, qui contente tout le monde. Ariane Mourier incarne crânement ce « fantasme » après, excusez du peu, Greta Garbo, Marlene Dietrich ou Jeanne Moreau. Sobre, la mise en scène de Delphine Piard ne cherche ni les outrances ni les facilités du mythe pour mieux dessiner les traits d’une femme, embourbée dans une liberté qu’elle croyait assurée par son intelligence.

Ce spectacle, commencé au Festival Off d’Avignon 2023, aura, à n’en pas douter, de nombreuses représentations devant lui.

Patricia de Figueiredo