Cinéma en salles Youssef Salem a du succès, de Baya Kasmi (2023)
Cette nouvelle comédie intelligente et drôle de la réalisatrice et scénariste toulousaine Baya Kasmi (auteure de l’hilarant Le nom des gens, avec Michel Leclerc 2010) confirme de façon pétillante et truculence l’affirmation de Philip Roth : « Quand un écrivain naît dans une famille, c’en est fini de cette famille ». Pour Patrice Gree, ces dégâts collatéraux de Youssef Salem a du succès sont aussi l’occasion de rappeler que dès qu’il est question d’amours et sexualités tout le monde ment à tout le monde, pour mieux se protéger et protéger le groupe.
J’avais envie de faire une comédie avec des personnages romanesques justement,
sur le thème de l’autobiographie, avec cette revendication
en plus qu’on ne peut pas être défini que par son origine.
Baya Kasmi
Une comédie fine, intelligente, tendre et généreuse
Une louche de sociétal, un zeste de politique, une bonne dose de névrose familiale et le tout enrobé d’un humour essentiellement axé sur l’autodérision et vous avez une comédie fine, intelligente, tendre et généreuse. Youssef Salem, interprété avec beaucoup de justesse par Ramzy Bédia – de Ramzi et Éric, mais sans Éric -, la petite quarantaine gentiment paumée, balloté entre deux milieux, deux lieux, celui modeste de Port-de-Bouc où habite en HLM sa famille et Saint-Germain-des-Près royaume glorieux et autocentré de l’édition parisienne, décide d’écrire un roman largement inspiré par sa famille et son enfance en Algérie, où la sexualité joua un rôle d’autant plus important, qu’elle était refoulée.
Sa famille aimante et solidaire, mène une vie cachée et souterraine !
Sur ses amours et sa sexualité tout le monde ment à tout le monde, pour se protéger et protéger le groupe. Youssef aussi ! Catastrophe : le roman, soutenu par son éditrice délicieusement foldingue – joué par Noémie Lvovsky -, qui dévoile le mensonge familial est sur la liste du Goncourt !
Cataclysme…il le décroche ! Youssef est alors pris dans un tourbillon médiatique redouté, où il devra affronter indigénistes et extrême droite, unis dans un identique et dingue combat identitaire – comment ne pas être qu’Arabe, quand on est Arabe – et empêcher parallèlement, coûte que coûte, que son père ne découvre le roman couronné, qui révèle la fiction familiale ! En vain, la honte familiale terrassera la fierté du succès !
Tout au long du film, dans sa course folle, on aime Youssef !
L’identité, ce n’est pas seulement l’origine de laquelle on est issu. C’était une façon d’apporter des couches de lecture et de créer une famille très diverse. C’est le cas de ma famille.
Ce film choisit avec succès, l’angle difficile de la comédie pour dénoncer les dérives actuelles de notre société, mais pose aussi d’autres questions, intemporelles celles-ci, sur la fiction qui en se nourrissant du réel peut aussi le détruire.
Très jolie comédie.