Culture
ZéroZéroZéro, la série de Canal+ réinvente la fiction sur les narco-trafiquants
Auteur : Baptiste Le Guay
Article publié le 16 avril 2020 à 18 h 49 min – Mis à jour le 16 avril 2020 à 18 h 56 min
Inspirée du livre de Roberto Saviano « Extra pure : voyage dans l’économie de la cocaïne », la minisérie de Canal+ ZéroZéroZéro plonge avec réalisme au cœur du circuit désormais mondial de la cocaïne. Les fils narratifs mêlent habilement mafieux, terroristes et états corrompus. Avec un mode narratif particulièrement percutant.
Une minisérie signée par les créateurs de Gomorra, Roberto Saviano à l’écriture et Stephano Sollima à la réalisation
Le « triple zéro » du titre de cette minisérie Canal+ de huit épisodes fait référence à la qualité et la pureté d’une marchandise désormais devenue commodité mondialisée : la cocaïne. Son originalité réside précisément sur l’accent mis sur la mondialisation des réseaux – criminels ou terroristes – qui organisent son commerce. La série nous embarque du Mexique à l’Italie en passant par la Nouvelle Orléans, en passant par l’Afrique, où règnent des autorités locales la corruption et des djihadistes maîtres du désert. Tous sont régis par des intérêts distincts, l’appât du gain, et le recours à une violence débridée.
Rentrer dans une mécanique économique pervertie
Zéro Zéro Zéro jette un regard cru sur un écosystème efficace où l’argent reste le ressort implacable, et comment chaque acteur – direct ou indirect – s’intègre avec ou sans le consentement des uns ou des autres. Le prix à payer de cette folle course est toujours celui du sang, souvent des proches, celui ou celle qu’on aime.
En effet, la frontière entre le sang de l’hérédité et le sang de la violence peut être facilement déplacée et franchie. Tant, la famille devient la seule référence à laquelle chaque acteur peut réellement se fier. Elle demeure aussi le point faible qui peut être attaqué ou utilisé. À tout moment, chaque maillon risque ou perd ce qui compte vraiment pour lui.
Suivre des personnages aux profils variés
Tout commence avec un frère et une sœur de la Nouvelle Orléans qui doivent assurer la logistique d’une cargaison illicite jusqu’en Italie. Le personnage masculin, Chris, est courageux mais instable, car atteint d’une maladie, laissant sa sœur pour seule responsable de l’opération. Non sans difficultés. Comme le décrit le livre de Saviano, acheminer un produit illégal d’un pays à un autre est complexe, exige une planification rigoureuse et des paramètres extrêmement variables selon la situation qui demandent des compétences à la hauteur des risques.
La trahison entremêlée aux liens du sang
De l’autre côté de l’Atlantique, en Calabre, Don Minu, à la fois le grand-père et parrain de la famille, est le commanditaire de la cargaison en chemin depuis le Mexique. Il doit cependant encadrer les ambitions de son petit-fils Stephano qui vise sa place. L’audace du rejeton le met en porte-à-faux et lui impose un choix cornélien entre sauver sa famille ou sa réputation.
Des soldats mexicains reconvertis en criminels
A Monterrey au Mexique, Manuel Contreras dirige une bande paramilitaire d’élite reconvertie en cartel « Los Vampiros », hélas inspirée des bien réels et cruels « Zetas » qui instaurent la terreur dans les territoires qu’ils contrôlent, à l’aide d’exécutions filmées et diffusées sur Internet. Personnage charismatique, terrifiant par ses actes atroces et paradoxal par ses convictions religieuses, Contreras contribue fortement à renforcer cette galerie de portraits passionnants.
Une intrigue bousculée par un mode narratif original
Autre originalité de cette série – bien réalisée grâce à des moyens conséquents – le recours à des retours en arrière inspirés par des témoins éclairant une rencontre à venir ou un moment clef. Ces flash-backs servent de pivots narratifs pour donner une compréhension globale aux motivations animant les différents personnages avant qu’ils soient jetés dans l’action. Ce procédé a pour effet d’y plonger aussi le spectateur, l’empêchant tout recul et jugement moral sur les décisions des protagonistes. Cette efficacité narrative le maintien dans une tension permanente dopée par un suspense et une violence qui cohabitent à tout instant
Découvrir ceux qui ont fait ZeroZeroZero
En streaming sur Canal+ ou Amazon.
8 épisodes de 52 minutes
- réalisés par Stefano Sollima, Janus Metz et Pablo Trapero
- écrits pour la télévision par Leonardo Fasoli, Mauricio Katz et Stefano Sollima
- D’après l’histoire de Stefano Bises, Leonardo Fasoli, Roberto Saviano et Stefano Sollima
- sur un scénario de Leonardo Fasoli, Max Hurwitz, Mauricio Katz, Maddalena Ravagli, Stefano Sollima
- et des Images : Paolo Carnera, Romain Lacourbas
- Musique : Mogwai
Distribution :
Andrea Riseborough (Emma Lynwood), Dane DeHaan (Chris Lynwood), Giuseppe De Domenico (Stefano La Piana), Adriano Chiaramida (Don Minu La Piana), Gabriel Byrne (Edward Lynwood), Harold Torres (Manuel Contreras).
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