21e édition du Parcours des mondes (des Beaux-Arts à Saint-Germain-des-Prés)

jusqu’au 11 septembre, Parcours des Mondes dans les galeries de Saint-Germain-des-Prés, rues des Beaux-Arts, de Seine, Jacob, de l’Échaudé, Bonaparte, Jacques Callot, Mazarine, Guénégaud et Visconti, Paris 6e

Recentré sur les arts dits ‘tribaux et premiers’, d’Afrique, d’Océanie et des Amériques, (les arts asiatiques et anciens faisant l’objet de manifestations dédiées, Salon Opus Ancient Artfair du 13 au 16 octobre 22), la 21e édition de Parcours des Mondes jusqu’au 11 septembre souvent au-delà tient la promesse de faire découvrir – de galeries en galeries du quartier des Beaux et de Saint-Germain-des-Prés – de véritables trésors parfois accessibles. Singulars a retenu 5 expositions marquantes sur la quarantaine du parcours, dont l’explosive Résonance, entre Basquiat et la sculpture Kongo à la Galerie Gradiva

Un voyage annuel qui s’affranchit du temps et des frontières

« C’est le monde qui s’invite à cette 21e édition du Parcours. L’Afrique, évidemment, est l’axe central autour duquel gravitent les arts d’Océanie, de la Polynésie à la Micronésie, en passant par l’art aborigène d’Australie, mais aussi ceux d’Amérique du Nord et de l’Asie où le Japon, l’Inde, l’Himalaya et l’Indonésie rivalisent de beauté. » Yves Bernard Debie, Directeur général par intérim du Parcours des mondes a l’enthousiasme communicatif. Depuis le 6 septembre, les amateurs collectionneurs se pressent pour découvrir les plus beaux objets d’arts premiers de plus quarante galeries. Singulars a retenu cinq expositions thématiques parmi la dizaine proposée.

Baoulé, galerie Lucas Ratton Parcours des mondes 22 Photo OOLgan

Le signe Baoulé, galerie Lucas Ratton (11, rue Bonaparte)

Si éloignées du canon artistique raffiné et délicat des masques et statues Baoulé, ces statues simiesques ne ressemblent à aucun autre objet de la culture Baoulé. Leurs appellations, les pratiques et les croyances associées à ces ‘singes’ étaient diverses, idiosyncratiques, et, surtout, secrètes. Ces figures furent produites en nombre bien plus restreint que les autres types de sculptures créées par les artistes Baoulé.
Représentations fascinantes de forces inconnues et hostiles, ces effrayants porteurs de coupe hébergeant des forces invisibles tant maléfiques que bénéfiques servaient leur communauté par l’intermédiaire de devins. Du fait de leurs pouvoirs ambivalents, ces statues devaient être vénérées régulièrement. Un élément morphologique essentiel de cette statuaire cynocéphale réside dans la coupe placée dans les mains de la figure, destinée à recevoir des sacrifices fréquents. Elle apparait dans les rituels où elles représentant les divinités amuin qui ont un pouvoir supérieur à celui des génies de la brousse. Elles relèvent des forces hors de portée de ce qui est humanisé, reliées aux forces redoutables de la création.

Les casse-têtes d’Océanie, galerie Meyer Parcours des Mondes 22 Photo OOlgan

Les casse-têtes d’Océanie, galerie Meyer (17, rue des Beaux-Arts jusqu’au 29 octobre 22)

En forme de tête d’oiseau ou de tortue marine, en acajou ou en ivoire, près d’une centaine d’armes et de massues sont rassemblées et remarquablement mis en scène, regroupés par régions d’Océanie. L’équipe de la galerie apporte des informations précieuses, sur des sculptures, pour que l’amateur en perçoive leur beauté au-delà de l’imaginaire de guerre et de sauvagerie auquel elles sont trop souvent associés, en attendant la publication d’un imposant catalogue faisant le point sur le sujet et les usages des « œuvres » dans la plupart sont de la plus grande perfection de style et de manufacture.

Les casse-têtes d’Océanie, galerie Meyer Parcours des Mondes 22 Photo OOlgan

A la différence près que toutes les pièces sont à vendre, leur qualité quasi muséale est à mettre en miroir avec celles de l’exposition du Quai Branly jusqu’au 25 septembre  « Pouvoir & Prestige, Art des massues du Pacifique » dont le commissaire Steven Hooper écrit : « Les massues sont présentées non seulement comme des armes, mais aussi comme des sculptures remarquables qui ont joué de multiples rôles dans les sociétés des îles du Pacifique du 18e au 20e siècle. Elles étaient des symboles de statut et d’autorité, des incarnations de la puissance divine, des objets d’échange et des instruments cérémoniels. Beaucoup n’ont jamais été utilisées comme armes. Elles ont été fabriquées dans une extraordinaire variété de formes qui témoigne de l’exceptionnelle capacité d’innovation des sculpteurs océaniens. »

Royaume Kuba du Congo, galerie belge Jo De Buck (chez Galerie Nicolas Deman) Parcours des Mondes 22 Photo OOlgan

Le royaume Kuba du Congo, galerie belge Jo De Buck (Galerie Nicolas Deman, 12, rue Jacques Callot) voir catalogue 

Invité par la Galerie Deman, le spécialiste belge Jo De Buck offre un panorama essentiel et fascinant de l’art du peuple Kuba, de la République démocratique du Congo à travers d’une trentaine de remarquables spécimens de la sculpture et des arts décoratifs particulièrement représentatives. Les figures royales (ndop) sont considérés comme les sculptures les plus achevées de toute l’Afrique sub-saharienne. Les autres objets liés aux rituels d’initiation sont associés à une société dont la principale préoccupation demeure la formation des plus jeunes à ses valeurs et au culte des morts.
La caractère émouvant de ses pièces d’une puissante imagination vient qu’elles portent les aspirations permanentes des Kuba, perceptibles à travers la prolifération d’une production artistique directement liée au désir de d’ascension sociale et au prestige qui l’accompagne dans les sphères politique et économique.

Nkisi nkonde (culture kongo/vili) – Jean-Michel Basquiat Sans titre, 1984-1986 & 1983 Résonance Galerie Gradiva Photo OOlgan

Résonance : Jean-Michel Basquiat et l’univers Kongo, galerie Gradiva, 9 Quai Voltaire jusqu’au 19 novembre

« Que se passera-t-il lorsque des oeuvres d’art d’une telle puissance que des dessins de Jean-Michel Basquiat et des nkisi, anonymes créations du monde kongo, seront confrontés lors d’une même exposition ? Assisterons-nous à des transferts d’énergie esthétique et à des phénomènes de résonance ? Verrons-nous s’affirmer des positions d’équilibre ou des points de bascule vers d’insondables gouffres ? » s’interroge Bernard Dulon, co-commissaire d’exposition. C’est sans conteste la confrontation la plus stimulante de ce Parcours des mondes qui portent bien ici son titre, d’un niveau muséal (aucune œuvre n’est d’ailleurs à vendre), somptueusement installée sur les deux étages de la Galerie Gradiva.
Peu importe dès lors que les informations soient quasi inaccessibles (uniquement par QR Code), la force de l’univers des graffitis de Jean-Michel Basquiat (1960-1988) face à face avec puissantes figures de pouvoir nkisi nkonde de la sphère culturelle kongo, statuaire quasi surréaliste par ses associations de formes et de matériaux Kongo, fait jaillir une dimension quasi tellurique. Ici ‘la part d’ombre’ se répond pour notre plus grande fascination. « Communiquer avec les ancêtres ou redessiner le monde ne participe que d’une seule
obsession qui est de vaincre la mort. Point de déni, mais un combat de chaque instant pour les sorciers, les mages et les artistes !  » précise le commissaire. En lire plus sur Singulars

Arts d’Australie, sélectionnée par Stéphane Jacob-Langevin Parcours des Mondes 22 Photo OOlgan

Arts d’Australie, Galerie Stéphane Jacob

Le grand spécialiste de l’art Austral Stéphane Jacob présente plus de 70 œuvres issues des arts aborigènes et des insulaires du détroit de Torres. Colorées et chatoyantes, les peintures aux motifs géométriques, pointillistes et couleurs vives peuvent s’observer dans tous les sens, à plat, au sol, sur un mur, au plafond. «L’art aborigène est un art du voyage, qui nous porte par son énergie, nous entraîne de façon hypnotique et extrêmement sereine à la fois», affirme Stéphane Jacob qui ne cesse de jeter des passerelles avec ses artistes entre art tribal et art contemporain. Avec leurs motifs si hypnotiques.

Kossi Aguessy, Kingdom of men – Paris & New York, 2016, Galerie Vallois Parcours des Mondes 22 Photo OOlgan

Kossi Aguessy, artiste et designer togolais (1977-2017), Galerie Vallois (35, rue de Seine) jusqu’au 1er octobre

Kossi Aguessy, Micronesia, 2014, Galerie Vallois Parcours des Mondes 22 Photo OOlgan

Celui que l’on appelait ‘le magicien du design’ (cette exposition fait la passerelle avec la Paris Design Week (jusqu’au 17 septembre) se revendiquait « artiste polymorphe » : « Je ne suis ni un designer ni un créateur, mais un messager, un pont, une petite partie du grand puzzle de l’évolution qui a commencé bien avant moi et continuera longtemps après moi  » (…) « au lieu de l’opposition désordre versus ordre, big bang versus silence, je préfère le mot équilibre, la recherche de cet équilibre est effectivement partie de mon écriture. » déclarait-il en 2015 pour décrire ses sculpture empreinte de l’imaginaire africain contemporain hérité des colonisations.
« Ses œuvres de design, également fortement inspirées par la nature, se nourrissaient de la tradition et des nouvelles technologies vers lesquelles sa grande curiosité l’amenait toujours mais sans que ce soit une vaine course au progrès. Il était bien trop soucieux de l’impact de l’homme sur la planète »
. écrit Haude Bernabé.
Entretien avec Kossi AguessyVidéo Dailymotion

Masque Sowei. Bundu. Galerie Abla & Alain Lecomte Photo Pascal Vangysel

Les masques Sowei, galerie Abla & Alain Lecomte (4, rue des Beaux-Arts)

Destinés aux rites de passage à l’âge adulte des jeunes filles Mandé de Sierra Leone, ces masques sont exceptionnels parce que, outre leur beauté, ils sont portés par des femmes. « À notre connaissance, il s’agit de la seule société secrète dirigée par des femmes sur tout le continent africain. »

#Olivier Olgan

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