5 Septembre, de Tim Fehlbaum, retour dans la Terreur des JO 72 de Munich

A 5h le 5 septembre 1972, des coups de feu dans le village olympique déchirent la fête des JO de 1972. C’est par l’équipe des sports de la chaine ABC que Tim Fehlbaum nous fait vivre en direct les 22h d’un drame qui ouvre la boîte de pandore du devoir d’information face la manipulation des images. La précision de la reconstitution, le rythme haletant d’ évènements vécus à hauteur d’homme, font de « 5 Septembre » un « thriller historique » et une expérience immersive passionnant. Ce film interroge aussi pour Olivier Olgan notre rapport au réel, les obligations éthiques de l’image en direct ou non, désormais partie-prenante du récit historique d’aujourd’hui.

L’efficacité des trois unités classiques

5 Septembre, de Tim Fehlbaum photo Universal Pictures

Il est 5h ce 5 septembre 1972, les Jeux Olympiques de Munich achèvent une première semaine dans l’euphorie des performances et du rapprochement des peuples. L’équipe des sports de la chaine ABC qui couvre les épreuves s’apprêtent a reprendre l’antenne. Quelques coups de feu situés dans le village olympique annoncent qu’une prise d’otages inimaginable est en cours. Elle décide de couvrir en direct l’évenement luttant contre l’écran noir et le manque d’informations. Avec l’efficacité des trois unités, d’intrigue, de temps et de lieu.

En nous collant à eux, Tim Fehlbaum nous fait partager une fois la sidération passée leur volonté de partager en temps réel un récit en train de se dérouler – avec les risques inhérents à des prises de décisions lourdes sans recul. 

Doute, stupeur et réactions dans le feu de l’action

5 Septembre, de Tim Fehlbaum photo Universal Pictures

La force du récit est de nous faire vivre sans filtre, sans recul, sans didactisme, minute apèrs minute un drame captivant au suspens qui ne laisse aucun témoin indifférent. Une course contre la montre est enclenchée, avec une obligation de résultats ; connaitre les objectifs des terrorismes, réserver des plages de satellites, garder de l’avance sur les services ou chaines concurrents, …
Pour mieux nous y attacher, le réalisateur déploie une grammaire cinématographique parfaitement huilée : personnages toujours en action filmés au plus près, montage ultra rapide, cadres saturés, … Une dynamique d’immersion servie par une distribution d’autant plus crédible qu’il n’a pas de stars, même si elle repose sur un trio d’acteurs convaincants (Peter Sarsgaard, John Magaro et Ben Chaplin). Les personnages ne sont définis que par leur présence, leur fonction et quelques dialogues qui jettent un éclairage direct sur leurs mobiles… Tous sont plongés dans une atmosphère surchauffée aux couleurs monochromes pour la régie  en opposition à la colorisation chaude  des quelques minutes de direct de la chaîne qui sont ici de véritables archives. Ainsi le présentateur à l’antenne de l’autre coté du studio est bien celui des événements de 72…

5 Septembre, de Tim Fehlbaum photo Universal Pictures

Les coulisses et les risques d’une couverture médiatique en direct

Le récit est si tendu que tout debrief sur les erreurs prises est reporté. Certains pourront même regretter que certaines questions d’éthique évoquées ne soient pas approfondies. Le direct absorbe toute l’énergie, même si la finalité d’informer ne justifie pas toutes les prises de risques notamment filmer en direct la tentative policière de libérer les otages au risque que les terroristes le voient également à la télévision ? Annoncer l’issue de l’événement avec une seule source sans attendre un recoupement ?

Un événement médiatique fondateur,  la fin de la naïveté

5 Septembre, de Tim Fehlbaum photo Universal Pictures

Cette première prise d’otages retransmise en direct mondialement a ouvert une boite de pandore jamais refermée depuis mettant à l’épreuve le devoir d’information, la validation des sources, et la neutralité des médias. Qui manipule l’information à travers l’image dans la course du direct et continu, le journaliste ou le terrorisre?
Autant de responsabilités qui prennent de nouvelles dimensions aujourd’hui. Au regard des pratiques actuelles, si des enseignements ont été tirés, c’est plus du coté des terroristes que des grands médias d’information occidentaux.

Remarquable d’économie et de justesse, ce « thriller historique » au chronométrage serré (95 minutes) vous laissera pantois mais édifié. Le point de bascule que ce drame a représenté dans l’histoire médiatique peut aussi se voir comme un film miroir qui nous renvoie à des enjeux et questions médiatiques contemporains.

Olivier Olgan

Cinq films où la télévision est au coeur du dispositif narratif 

Network, de Sydney Lumet (1976)

Bloody Sunday, de Paul Greengrass (2002)

Good Night and Good Luck, de George Clooney (2005)

 United 93 – Vol 93, de Paul Greengrass (2006)  

Polytechnique, de Denis Villeneuve (2009)

Nightcrawler, de Dan Gilroy (2014)