Culture
Frank Horvat, Paris, le monde, la mode (Musée du Jeu de Paume et La Martinière)
Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 1er septembre 2023
Trois ans après la disparition de Frank Horvat (1928- 2020), le Musée du Jeu de Paume de Paris (après celui de Tours) rend hommage jusqu’au 17 septembre aux 15 premières années de sa carrière (1950-1965) où il construit son style sans artifice, privilégiant l’immersion et la spontanéité. Son idée transgressive de transposer dans la mode son style urbain, bouscule les lignes, pour Olivier Olgan mais impose aussi un regard unique que fait la force de ses excursions aussi bien dans les rues de Pigalle que de Rio ou Calcutta.
Au moment où j’y mis le pied la première fois, Paris était pour moi la capitale du monde. De celui de la mode bien sûr, mais aussi de ceux de la peinture, des lettres, des spectacles et surtout – dans ma perspective – du photojournalisme, car c’était le siège de Magnum.
Frank Horvat, Autobiographie
Il semble que je reste toujours un peu en porte-à-faux par rapport à mon époque, […] toujours à la recherche de cette chimère que serait une photographie de mode intemporelle.
Frank Horvat
A la recherche d’un idéal
Plus intéressé par la beauté des femmes qu’il capturait, que les tenues qu’elle portait, Frank Horvat (1928- 2020), était « enquête, à en croire sa fille qui témoigne dans le catalogue, de la “vraie femme”, comme il l’appelait. Il cherchait à créer une atmosphère de séduction dans ses séances photographiques et utilisait l’appareil pour rendre chaque femme accessible et sa beauté, moins intimidante ». Cette quête sans artifice de l’esprit de ses « modèles », il la déploie vers l’idéal féminin, que se soit dans la mode que dans les cabarets, dans le portrait de figures célèbres (Chanel, Fellini, Sagan) ou à la voilée dans les rues des capitales du monde entier.
Mes photographies de mode ne montraient pas que des robes et des mannequins. Mais aussi des personnes et des objets qui me concernaient – ne fût-ce que par le hasard d’une ombre ou de l’expression d’un passant.
Frank Horvat, Chronique de mes appareils photo, manuscrit non daté
Echapper aux codes
Frank Horvat éprouve cependant, dès cette époque, le désir de s’échapper des codes stéréotypés du photojournalisme et de la photographie de mode. Appuyé par le
directeur-en-chef du magazine de reportage allemand Revue, il entreprend pendant huit mois un vaste essai photographique autour du monde, qui le mènera au Caire, Tel Aviv, Calcutta, Sydney, Bangkok, Hongkong, Tokyo, Los Angeles, New York, Caracas, Rio de Janeiro et Dakar entre 1962 et 1963
Virginie Chardin, commissaire de l’expositionLe réseau mystérieux des coïncidences est le milieu vital de la photographie, son domaine spécifique, sa matière première – comme la couleur est celle de la peinture.
Frank Horvat, Projet d’un cycle d’enseignement supérieur de photographie, manuscrit, 1982Il laisse libre cours à l’expression de ses fascinations et à une inspiration personnelle aux vibrations parfois hallucinées. Jeux de regard, scènes de nuit, fragilité entrevue derrière les masques, mélancolie des corps, troubles physiques et amoureux, dessinent une cartographie intime de ce photographe mû tout au long de sa vie par une recherche introspective et par une inépuisable quête de l’expérience nouvelle.
La solitude des corps, une mélodie mélancolique et une vision quelque peu désenchantée du monde font de cet essai photographique l’un des plus personnels de Frank Horvat.
Virginie Chardin, commissaire de l’exposition
Olivier Olgan
Pour en savoir plus sur Franck Horvat
Jusqu’au 17 septembre 23, Musée du Jeu de Paume, 1, place de la Concorde à Paris.
Le mardi de 11 h à 21 h, du mercredi au dimanche de 11 h à 19 h.
Catalogue : Frank Horvat 50-65, bilingue, très soigné (Musée du Jeu de Paume et La Martinière), près de 235 illustrations, des documents inédits et les textes de Virginie Chardin, la commissaire de l’exposition, l’autrice Susanna Brown, Fiammetta Horvat, la fille du photographe, ainsi qu’un avant-propos de Quentin Bajac, le directeur du Jeu de paume.
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