Lifestyle
Duvelleroy réinvente le langage de l’éventail
Auteur : Patricia de Figueiredo
Article publié le 12 février 2020 à 16 h 52 min – Mis à jour le 12 février 2020 à 17 h 08 min
La longue histoire de l’éventail
« Si la fonction première de l’éventail est de faire de l’air, il n’en demeure pas moins un objet multiculturel et un marqueur sociétal, il a longtemps été un objet de pouvoir, de castes » précise l’historienne Marie-Clémence Barbé-Conti, auteure du somptueux « Duvelleroy « Trésors de l’éventail – Couture parisien. »
Dans la préface, Christian Lacroix dessine, entre deux souvenirs intimes, les traits très poétiques ce « ‘je ne sais quoi’ venu d’antan qui peut avoir bien d’autres propriétés, d’autres missions, pouvant servir de code clandestin, amoureux, complice, selon son degré d’ouverture, son orientation, tout un protocole de gestuelle byzantine. Sans oublier ce qu’il signifie d’encore plus net et définitif. »
Une véritable métaphore du souffle
« Objet contemporain à chaque époque de l’histoire de l’humanité, l’éventail est un millefeuille culturel, qui révèle tant de profondeur sous une si petite surface. » revendique Marie-Clémence Barbé-Conti. Depuis la nuit des temps, qu’il soit en feuille séchée ou en bronze, en papier ou en autruche, rigide (Chine dès le VIe millénaire avant J.-C), ou plié (au IXe siècle au Japon), cet objet omniprésent sous toutes les latitudes, baptisé « esmouchoir » qui « fait du vent » devient une métaphore du souffle repris dans les rituels religieux, spirituels, politiques et courtisans ; jusqu’aux papes qui ont possédé leur flabellum liturgique, symbole même de la transcendance. « En ouvrant la tombe de Toutânkamon, Howard Carter a trouvé un éventail garni de lapis-lazuli. » s’amuse l’historienne.
L’histoire moderne et occidentale de l’éventail débute avec les Portugais qui l’importent au XVIe siècle du Japon. Reines et rois l’intègrent rapidement au point d’en faire la quintessence de cette « université de l’émerveillement » née sous l’impulsion de Louis XIV et de Colbert. « La passion pour l’éventail se cristallise ainsi autour d’une culture qui « respire » littéralement Versailles. » Au 18e siècle, il est symbole de pouvoir de l’aristocratie, mais avec la révolution de 1789, il tombe en disgrâce, même si la bourgeoisie tente d’en reprendre les codes aristocratiques.
Le secret langage de l’éventail
Christian Lacroix le rappelle : « Il peut être messager, agent secret, laissez-passer, saufconduit, passeport, journal, pense-bête, brûlot, éditorial, livre d’histoire, car il parle et transmet les idées, communique les sentiments, proclame les partis pris, souffle les confidences, propage les publicités, recèle les secrets… » Pour toute une dramaturgie inscrite entre les plis de cet accessoire mythique.
- Dans la main droite face au visage = Suivez-moi
- Dans la main gauche face au visage = Envie de vous connaître
- En effleurant l’oreille gauche = Laissez-moi tranquille
- En l’ouvrant sur le front = Vous avez changé
- Virevoltant dans la main gauche = Nous sommes surveillés
- Placé derrière la tête = Ne m’oubliez pas
- Avec l’auriculaire tendu = Au revoir…
Les trésors d’imagination de la maison Duvelleroy
En 1827, Jean-Pierre Duvelleroy décide de relancer la mode de l’éventail et fonde sa maison. En 1829, la Duchesse de Berry donne un bal et s’affiche avec l’objet qui permet au jeune entrepreneur de l’époque de voir ses commandes affluer. Il fournit la reine Victoria, Eugénie de Montijo, l’impératrice de Russie… mais la haute bourgeoisie s’empare également des codes du luxe de l’éventail pour en faire un instrument d’affichage social. Plumes, dentelles, soies, perles, paillettes… Jean-Pierre Duvelleroy puis son fils Georges vont multiplier brevets et innovations pour démocratiser l’usage de l’éventail en industrialisant sa fabrication, Ils conquièrent ainsi progressivement le surnom de « roi des éventaillistes » et d’« éventailliste des reines » au fil des expositions universelles qui, dès 1851, élargissent le monde et couronnent leurs créations. Elle connait des hauts et des bas pendant la fin du 19e et le début du 20e siècle. En 1940, Jules-Charles Maignan reprend la maison. Il gardera une grande partie du fonds historique avec croquis et éventails qui finira par se retrouver dans la maison de campagne familiale.
L’éventail réinventé au XXIe siècle
Convaincu de la modernité de l’éventail, deux jeunes entrepreneuses, Éloïse Gilles et Raphaëlle Le Baud s’associent à Michel Maignan petit-fils de Jules-Charles Maignan, qui retrouve le fonds de son grand-père, pour reprendre la marque Duvelleroy. Elles font appel à l’éventailliste Frédérick Gay, pour faire renaître l’art de l’éventail métier d’art et de précision, qui créé des modèles uniques dans son atelier parisien, en face de la boutique dans le 7e arrondissement. Il s’inspire des modèles de la Belle époque ou du 19e, en ajoutant sa touche de modernité avec des modèles uniques : Peinture or sur soie, double corole de burex…. Parallèlement Duvelleroy offre également la possibilité d’acquérir un modèle « prêt à porter » fabriqué à la main en Espagne, faite en coton, monture bois de Sycomore à des prix beaucoup plus accessibles.
« L’éventail a de beaux jours devant lui avec l’augmentation des températures, il est un air conditionné naturel » conclut avec malice Éloïse Gilles. Un beau geste responsable concentré dans cet objet « cooler than ever ».
Où trouver l’esprit du vent Develleroy ?
Duvelleroy
17 rue Amélie 75007 Paris. Tel : 01 42 84 07 52
Tarifs
- Éventail « haute couture » 900 à 3000 €
- Éventail « prêt à porter » 45 à 55 €
A lire
Duvelleroy, Trésors de l’éventail – Couture…
Duvelleroy
17 rue Amélie 75007 Paris. Tel : 01 42 84 07 52
Tarifs
- Éventail « haute couture » 900 à 3000 €
- Éventail « prêt à porter » 45 à 55 €
A lire
Duvelleroy, Trésors de l’éventail – Couture parisien, de Marie-Clémence Barbé-Conti. Préface de Christian Lacroix. Éditions In Fine, 248 p. 45€. Disponible en librairie le 02/04/2020
Partager