Gastronomie
Le canard laqué à la pékinoise, gastronomie impériale et icône universelle
Auteur : Blandine Vié
Article publié le 7 juin 2019 à 20 h 39 min – Mis à jour le 8 juin 2019 à 12 h 08 min
La cuisine chinoise, cuisine médicinale
Il faut tout d’abord savoir que dans la Chine ancienne, la préparation et le service de la nourriture tenaient une grande place dans le rituel de la Cour. Cette importance est attestée dans une classification des médecins datant de 2000 ans avant notre ère, les médecins les plus importants étant qualifiés de « médecins de nourriture » puis, par ordre décroissant, de médecins, de chirurgiens et de vétérinaires. Un médecin de nourriture était donc attaché à la Cour et faisait office de cuisinier de la famille impériale. Il devait assurer une santé parfaite à tous ses membres grâce à un équilibre des épices, des herbes et des autres ingrédients, toujours considérés pour leurs vertus nutritionnelles et médicinales. Bref, des alicaments avant la lettre.
La Cité Interdite, creuset d’expériences culinaires
Capitale de la Chine depuis le XIIe siècle, Pékin — Beijing en pinyin (chinois romanisé) — est située à l’extrême nord-est de la plaine du Nord de la Chine. C’est au XVe siècle (entre 1406 et 1420) que le troisième empereur de la dynastie Ming, fit élever un palais impérial s’étendant sur 72 hectares au sein même de la Cité Impériale, dite aussi Cité Pourpre (par référence à l’étoile polaire dite violette) mais surtout Cité Interdite puisque, en tant que résidence des empereurs chinois, de leurs familles et de leurs Cours, elle était interdite au peuple. Quant aux domestiques, ils étaient assignés à résidence afin de ne pouvoir divulguer aucune information.
Cependant, les dignitaires des autres provinces de Chine se devaient de rendre régulièrement visite à l’Empereur à Pékin. Et eux aussi voyageaient avec leur cour et surtout leur cuisinier. Le but était même « d’épater » l’empereur par des plats étonnants et goûteux. Quatorze empereurs Ming (de 1368 à 1644) puis 10 empereurs Qing (de 1644 à 1912) s’étant succédé, c’est assez dire que pendant tous ces siècles — et très paradoxalement —, bien qu’à l’abri des regards du vulgum pecus, la cuisine de Pékin, appelée « jing » mais plus connue sans doute sous le nom de cuisine mandarine ou de cuisine impériale subit de très fortes influences venues de tous les coins de la Chine. Mais c’est certainement sous le règne de l’empereur Qianlong, le sixième empereur de la dynastie Qing (qui régna au XVIIIe siècle de 1735 à 1796), période considérée comme l’âge d’or de la civilisation chinoise, qu’étant le plat favori de l’empereur, la canard laqué entra dans la légende. Engouement que partagea plus tard l’impératrice Cixi (qui régna de 1861 à sa mort en 1908) et qui adouba définitivement ce plat comme mets exceptionnel.
Une recette à la préparation sophistiquée
Le canard laqué nécessite une préparation longue qui commence en amont, dès la naissance du canard et se poursuit en cuisine sur plusieurs jours, c’est pour cela qu’il coûte cher.
Le caneton est en effet gavé pendant deux mois aux fins d’être engraissé, puis égorgé quand il atteint environ 3 kg. Il doit être abattu 24 à 48 h à l’avance. Ensuite, par une incision faite au niveau du croupion, il est gonflé d’air sous la peau qui se décolle alors de la chair. Vidé de ses entrailles et ébouillanté, il est encore enduit d’un mélange à base miel puis suspendu dans une pièce aérée pour sécher. Cela lui donne une belle couleur blond caramel qui va encore s’accentuer à la cuisson. Celle-ci se fait traditionnellement au four à bois fermé, si possible avec des essences de bois fruitiers (poirier, pêcher, jujubier) fumant très peu et qui imprègnent lentement le canard. Il rôtit ainsi longuement et sa peau caramélise et devient croustillante et luisante d’autant qu’on le badigeonne régulièrement de sauce (mélange de miel, de sauce soja, de gingembre et d’épices). L’idéal es d’obtenir la couleur d’une datte. Et pour que sa chair reste bien moelleuse, on le vaporise d’eau bouillante de l’intérieur.
Une dégustation rituelle
Traditionnellement proposé en deux services, c’est d’abord sa peau qui est dégustée comme une friandise. Mais elle doit être découpée avec sa graisse sous-cutanée voire un peu de chair. Servie en languettes rectangulaires de 5 cm de large et 7,5 cm de long (à peu près), elle se pose sur des galettes de blé — à base de farine de blé extra-fine, d’eau et d’huile de sésame et non à base de riz car le climat de la Chine septentrionale n’est pas propice à sa culture — cuites à la vapeur et dites crêpes mandarines.
On les agrémente avec des pousses de jeunes légumes comme de la ciboule, des oignons verts, des poireaux nouveaux, ainsi que des petits tronçons de concombre. Pour une présentation soignée, on boucle la ciboule et les verdures en les faisant préalablement tremper dans de l’eau glacée pour leur donner une forme de pinceaux. Pour déguster, il faut rouler la crêpe et la tremper dans une sauce sucrée-salée appelée sauce hoisin, épaisse et épicée, de couleur brun-rouge, composée de fèves de soja, de farine de blé fermentée, d’ail, de piment, de vinaigre et de sucre.
On déguste ensuite la chair partiellement désossée (filets, cuisses, hauts de cuisse) accompagnée de petits légumes et souvent de riz cantonais, ce qui semble être un ajout tardif car nous l’avons vu plus haut, le riz pousse dans le Sud et est donc très usité dans la cuisine cantonaise.
Les reliefs du canard (carcasse, os) servent cependant à préparer un troisième plat qui ne peut être servi au cours du même repas puisqu’il s’agit d’une soupe longuement mijotée avec différents légumes et des épices.
Le canard laqué est un mets de fête qui n’est pas attaché à une fête calendaire proprement dite mais que l’on sert pour honorer ses invités. Il va par conséquent sans dire que c’est un plat que l’on sert à l’ensemble des convives de la tablée, quitte à ce qu’il y en ait plusieurs.
Notre sélection de restaurants à Paris pour leur canard laqué et nos conseils pour l’harmoniser avec le vin
Si beaucoup de restaurants chinois de qualité en proposent à leur carte, voici deux adresses testées et retenues par Singulars avec régal :
• Chez Ly, 8 rue Lord Byron, 75008 Paris
Ouvert tous les…
Si beaucoup de restaurants chinois de qualité en proposent à leur carte, voici deux adresses testées et retenues par Singulars avec régal :
• Chez Ly, 8 rue Lord Byron, 75008 Paris
Ouvert tous les jours de 12 h à 14 h 30 au déjeuner et de 19 h à 23 h au dîner.
Tél. 01 45 63 88 68
• Chez Vong, 10 rue de la Grande Truanderie, 75001 Paris
Ouvert de 12 h à 14 h 15 au déjeuner et de 19 h à 23 h 15 au dîner.
Fermé le dimanche.
Tél. 01 40 26 09 36
Les vins, rouges et blancs, pour un bon accord…
• La peau caramélisée, la sauce hoisin sucrée et la ciboule font écarter d’emblée un vin rouge.
• En revanche, par sa saveur fruitée d’une grande finesse aromatique et sa douceur en bouche qui le distingue des autres rosés, un rosé d’Anjou type cabernet d’Anjou produit dans le Val-de-Loire (essentiellement dans le Maine-et-Loire) fera écho au côté au côté sucré-salé du canard. Tendre et aromatique, n’hésitez pas à le choisir demi-sec, c’est-à-dire élaboré avec des raisins à surmaturité et 10 g minimum de sucre résiduel.
• Un blanc très net et aromatique peut également bien faire l’affaire, par exemple un chenin le Loire, un viognier exubérant ou, pourquoi pas, un condrieu dont certes, le prix est généralement élevé mais celui du canard l’étant aussi, c’est un mariage de raison.
• Enfin, une solution très satisfaisante consiste à accompagner tout bonnement le canard laqué d’un champagne qui se révélera un compagnon plus qu’honorable, en blanc (rond, donc raisonnablement brut) ou rosé.
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