Faut-il aller voir Alien : Romulus, de Fede Alvarez (2024) ?
Avec « Alien : Romulus », Fede Alvarez tente un opportun retour aux sources – esthétiques et narratifs – de la plus culte des sagas de science-fiction horrifique, créée en 1979 par Ridley Scott. Etait-il vraiment nécessaire de remettre en piste le xénomorphe arachnoïde ? s’interroge Calisto Dobson. Malgré d’évidentes qualités, la 7e déclinaison de la franchise est largement en deçà de l’original, désormais intouchable.
Personne ne vous attendra crier
Lorsque en 1979, une campagne d’affichage attise la curiosité du chaland en représentant un genre d’œuf minéral avec pour seul titre Alien le huitième passager, illustré du slogan désormais célébrissime : “Dans l’espace, personne ne vous entend crier”, personne ne s’attend à ce qui va suivre.
Il est évident aujourd’hui de dire que Ridley Scott a réussi ce que peu de cinéastes ont fait. À lui seul, et en deux films, il y aura un avant et un après. Rien n’était comparable à « Alien » en 1979, comme rien ne fut comparable, trois ans plus tard, à Blade Runner.
Un coup de maître ouvre une saga qui semble interminable
Quand le producteur du film David Giler propose une suite, le petit monde des décideurs de la Fox est pour le moins dubitatif. Les voies de Hollywood étant ce qu’elles sont, pavées de projets gigognes, Aliens le retour finira par voir le jour sous la houlette du désormais Midas du cinéma, James Cameron.
Et la surprise est grande, puisque à contrepied de l’original, il s’agit d’une véritable réussite en forme de western intergalactique qui défouraille sévère du flingue à impulsion. (Pour aller plus loin, voir Tech Noir, L’art de James Cameron l’exposition à la Cinémathèque jusqu’au 5 janvier)
Ne s’arrêtant pas là, devant un nouveau succès, les ayants droits proposent à un jeune trentenaire prometteur de tourner son premier long métrage. Sobrement titré Alien 3, David Fincher réalise un nouveau contre-pied en situant l’intrigue au fin fond d’une prison de très haute sécurité intersidérale.
Sombre et nihiliste à souhait, sans égaler cependant les deux précédents, ce troisième épisode réussit à séduire un nombre non négligeable de spectateurs à travers le monde. Mais condamne à mort Ripley (Sigourney Weaver) … ce qui (devait) mettre un point final à la série.
https://youtu.be/kVFzW9Hfl70
Que nenni il aura fallu Alien la résurrection de Jean-Pierre Jeunet pour que semble s’achever la saga. Pourtant doté d’une solide fréquentation dans les salles, ce quatrième opus reste très mal aimé des fans absolus qui lui reproche d’avoir fait de la bête un genre de monstre de foire.
Ridley Scott reprend la main
Tout s’arrête jusqu’à ce que Ridley Scott annonce un préquel sur les origines du xénomorphe. Et même si Prometheus qui sort en 2012 reçoit un accueil mitigé, cinq ans plus tard la suite Alien Covenant au succès méritant mais sans plus, finit par tellement délayer la franchise que la sortie d’un septième épisode pouvait paraître incongrue.
C’est mal connaître l’usine à rêves et à cauchemars qui n’a de cesse de presser jusqu’à la moëlle la moindre parcelle de ses franchises.
Ce long préambule afin d’en arriver à la question comment réactiver une telle histoire sans tomber dans le ridicule. Élémentaire mon cher box office, revenir aux sources tout en incorporant ce nouvel épisode au sein du cycle des différents récits.
Une version hybride
Ne mégotons pas, il s’agit d’une bonne idée, surtout qu’elle se place astucieusement entre Alien et Aliens. Pour rappel, à ce niveau du récit, Ripley erre dans l’espace plongée dans un profond sommeil en compagnie de son chat.
Astucieusement car le trou narratif qu’il est possible d’occuper permet au nouveau venu aux commandes, Fede Alvarez, de se placer pile poil entre les deux premiers épisodes et d’en proposer une version hybride.
Revenir aux fondamentaux : ambiance humide et action survoltée
Alien : Romulus parvient à ranimer la flamme esthétique, l’ambiance bleutée, froide, humide et l’atmosphère anxiogène du Huitième passager tout en préservant l’action survoltée de Aliens.
La caution féministe est toujours bien présente, en lieu et place de Sigourney Weaver en dure à cuire, puis en mère poule putative déchaînée, Cailee Spaeny révèlée par Priscilla de Sofia Coppola et Civil War de Alex Garland remplit le cahier des charges.
D’autres bonnes idées narratives parsèment le film, en l’occurrence un personnage d’androïde plein de surprises ainsi que le rajeunissement des protagonistes appelés à se coltiner la bestiole. Nous pourrions rester perplexes face à la cohérence scénaristique de la réanimation de Ash, le scientifique androïde du premier épisode. N’empêche ne boudons pas notre plaisir, visuellement, effet numérique aidant, certains plans sont splendides et l’intensité est au rendez-vous.
Quelques réserves sont à déplorer, nous avons là une déclinaison de ce qui a déjà été fait et sans rien dévoiler, la fin peut nous sembler « too much » comme on disait au tournant des années 80.
En salles depuis le 17 août. avec Cailee Spaeny, David Jonsson, Archie Renaux, Isabella Merced, Spike Fearn et Aileen Wu. 119 min
PS : ajoutons l’hybridation Alien vs Predator de Paul W. S. Anderson et Alien vs Predator : Requiem des frères Greg et Colin Strause sous forme de séries B convulsives et le projet d’une série à venir chez Disney (oups); ça donne une idée de l’impact pop culturel de la créature de Hans Ruedi Giger.
A écouter : « Alien: Romulus », Very Bave Trip (La science, CQFD, France Culture) avec Simon Riaux, auteur de Alien, la Xénographie (ActuSF, 2000) et Arnaud Cassan, astrophysicien à l’Institut d’Astrophysique de Paris, maître de conférences à la Sorbonne