Culture

Le carnet de Lecture de Caroline Rainette, comédienne, Alice Guy, Mademoiselle Cinéma

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 18 novembre 2024

Si ce n’est pas son premier coup d’éclats comme auteure interprète, « Alice Guy, Mademoiselle Cinéma » (au Funambule-Montmartre jusqu’au 10 décembre 24) brosse le portrait en pied et debout d’une magnifique héroïne, pionnière du cinéma des deux côtés de l’Atlantique, que Caroline Rainette contribue à réhabiliter avec panache. La fondatrice de la Compagnie Étincelle incarne avec la même force et détermination cette première réalisatrice et productrice de l’Histoire du cinéma, convaincue de la puissance de la fiction cinématographique. Elle a confié à Olivier Olgan un carnet de lecture à son image, sur scène comme dans la vie, en étant « naturelle ».

Une sacrée détermination

Comme Alice Guy, l’héroïne qu’elle contribue à magnifiquement réhabiliter par sa pièce « Alice Guy, Mademoiselle Cinéma », Caroline Rainette est une forte tête, fort en thème et une âme d’entrepreneuse ! L’ ancienne élève de Réchana Oum, elle-même ancienne élève de Jean-Laurent Cochet s’est forgée et investie dans les grands textes classiques.
Pour aller plus loin et poursuivre les valeurs de son maître, elle fonde en 2012 la Compagnie Étincelle.

« Les mots sont ce qu’on veut »

La troupe se fait connaitre par de belles productions que Caroline met en scène ou avec on complice Lennie Coindeaux. Pour sa première mise en scène, elle jette son énergie sur un texte difficile, quasiment jamais joué : L’Aigle à deux têtes de Jean Cocteau, dans laquelle elle incarne également le rôle de la Reine.

Les personnages féminins forts s’imposent progressivement : Andromaque, de Racine (où elle incarne le rôle d’Hermione ; 2014-2015), On ne badine pas avec l’amour, de Musset (rôle de Camille ; 2015)

Sans oublier un certain goût du risque, elle met également en scène deux monologues, La Mort de Néron de Félicien Marceau

et une création d’un jeune auteur, L’Innommé de Lennie Coindeaux.

Avec Les Galets de la mer, elle adapte l’œuvre poétique de Louise Ackermann, poétesse méconnue du 19ème siècle, et fonde à cette occasion les Éditions Étincelle, où sont publiés les textes qu’elle défend.

Elle traduit et adapte Légende d’une vie, de Stefan Zweig qu’elle joue et met en scène avec Lennie Coindeaux, nommé aux P’tits Molières dans la catégorie meilleur comédien dans un 1er rôle.

Fin 2017, elle met en scène Le Misanthrope, de Molière, interprétant également le rôle de Célimène.

Enfin, la diplômée en droit et en histoire de l’art aussi publié, aux éditions L’Harmattan, un essai intitulé Le peuple et sa souveraineté dans l’art révolutionnaire (1789-1794).

Une forte tête, et une citoyenne engagée.

Pour s’en convaincre, il faut entendre et la suivre dans son engagement pour plus grande visibilité des femmes dans l’art en général et le cinéma en particulier.

Caroline Rainette, auteur interprète de Alice Guy, Mademoiselle Cinéma Photo ledroit perrin 2024

Elle, qui était persuadée que les femmes avaient un rôle à jouer, qu’elles devaient prendre conscience qu’elles n’étaient pas moins intelligentes, moins capables que les hommes. Or aujourd’hui encore, la place des femmes dans les arts, et notamment dans le cinéma reste un problème. Elles sont trop peu présentes en tant que réalisatrices, moins encore en tant que productrices, et inexistantes en tant que propriétaires de studio.
Durant toute sa carrière Alice Guy aura révélé bon nombre d’acteurs, mais avant tout d’actrices. Elle aura créé le style Gaumont. Elle aura changé la manière de jouer au cinéma, mais aussi au théâtre, en demandant une seule chose à ces acteurs « soyez naturels ! ».
Note d’intention pour « Alice Guy, Mademoiselle Cinéma »

Et du naturel, Caroline en déborde !

Olivier Olgan

Le carnet de Lecture de Caroline Rainette

puisé au fil des siècles, de manière chronologique :

Benvenuto Cellini, La vie de Benvenuto Cellini

Ecrite par lui-même : parce que l’artiste est fabuleux, et l’homme incroyable ! Orfèvre et sculpteur pour les grands de ce monde, Cellini nous raconte la vie d’un artiste de la Renaissance, qui doit se frayer un chemin entre rivalités et cabales de cours. Querelleur, impulsif, violent, poursuivi pour assassinat, emprisonné par le Pape, accusé de vol…, Cellini met un point d’honneur à toujours rester un homme libre !
Un livre de cape et d’épée, au cœur de l’Italie et du sac de Rome, où l’on croise également Michel-Ange ou encore François 1er ! Un délice.

Shakespeare, Hamlet

LA PIECE DE THEATRE. Inutile de la présenter, elle est intemporelle et universelle… Je l’ai vu pour la première fois sur scène quand j’étais adolescente. Et c’est encore à ce jour le spectacle qui m’a le plus marqué. Je ne sais pas qui était le metteur en scène, ni les acteurs, mais j’en suis restée émerveillée !

Scarron, Le roman comique : parce que le livre nous retrace la vie des comédiens du 17ème,  qui doivent faire face à des aventures rocambolesques. Un témoignage des mœurs de l’époque, de la vie d’une troupe de théâtre, et de l’engouement du peuple pour cet art. Le tout dans cette belle langue du 17ème.

Zola, L’œuvre

Sans doute pas le roman le plus connu de l’auteur, et pourtant… Quel livre !! Il m’a fallu plusieurs jours pour pouvoir me plonger dans un autre livre… Zola nous entraine dans le milieu artistique du 19ème, avec tant de justesse, de poésie, d’émotions… A mon sens, les plus belles pages de la littérature… Tout y est… parfait !

Musset, La confession d’un enfant du siècle

Une si belle écriture ! Musset nous entraine dans la désillusion de la société post napoléonienne, une société dans un profond malaise, un vide existentiel. Au fond, une société peut-être finalement proche de la nôtre…

Maupassant, Bel Ami

Un roman toujours d’actualité. Maupassant y décrit, dans un style magnifique, les liens étroits entre le capitalisme, la politique, la presse ainsi que l’influence des femmes qui doivent œuvrer dans l’ombre. L’ambition d’un homme prêt à tout. C’est cynique, mais c’est tellement beau, et… vrai !

Aragon, Aurélien

Les années Folles, l’entre-deux-guerres, la gaité mais aussi le mal du siècle. Un roman ambigu, psychologique, où l’on côtoie également le milieu artistique de l’époque : Picasso, le groupe Dada, Cocteau. Une photographie de la société, et surtout des hommes de l’époque, brisés et désillusionnés, qui tombent peu à peu dans la médiocrité, tandis que l’héroïne, Bérénice, s’avère une femme moderne, indépendante, politisée, rêvant d’absolu, et qui annonce les changements qui arriveront quelques décennies plus tard.

Richard Yates, Revolutionary Road

Une photographie sans concession de la vie américaine des années 50, notre vie moderne. Banlieue, emploi sans intérêt, rêve d’une autre vie. Un roman toujours d’actualité, qui décrypte la mécanique inéluctable de la société capitaliste.

Fabienne Verdier, Passagère du silence

Dix ans d’initiation en Chine : pour finir ce très beau témoignage de l’artiste Fabienne Verdier, partie en Chine, quand elle était étudiante dans les années 80, pour apprendre la calligraphie auprès des grands maîtres. On y découvre une Chine différente, peut-être même disparue aujourd’hui (certains villages commencent à être détruits dans le livre), suspendue dans le temps, où l’acquisition des arts ancestraux demandent humilité, patience et persévérance.

Propos recueillis le 13 octobre 24 par Olivier Olgan

Pour suivre Caroline Rainette

le site de Compagnie Étincelle, fondé par l’auteure comédienne permet de connaitre ses projets – de pièces et de livres – passés, en cours et à venir.

Partager

Articles similaires

Le carnet de Dédicaces de Laure Favre-Kahn, pianiste

Voir l'article

Les Notes du blog ‘5, Rue du’, de Frédéric Martin, photographe existentialiste

Voir l'article

Le Carnet de Lecture d’Aurélien Lehmann, tap dancer

Voir l'article

Le carnet de lecture d’Éric Charvet, aphoriste, L’avenir a déjà été.

Voir l'article