Culture
Jean-Christophe Maillot x Sharon Eyal, Les Ballets de Monte Carlo (Théâtre de la Ville)
Jean Christophe Maillot, chorégraphe depuis 1993 des Ballets de Monte Carlo a invité la chorégraphe Sharon Eyal à partager la scène du Théâtre de la ville à Paris, début mars. 29 minutes d’expression pour son invité avec Autodance et 37 minutes pour son ballet, Vers un Pays sage. Une célébration du corps en mouvement par deux écritures singulières et majeures de l’univers de la danse. La saison se prolonge à Monaco, Ghyslaine Moreau de Raymeront recommande le déplacement comme une garantie d’émerveillements.
Jean Christophe Maillot x Sharon Eyal
Accueil triomphant par un public d’expert en art chorégraphique pour cette troupe pas toujours applaudi en d’autres temps sur ce plateau, antre des spectacles de danse. L’une des personnalités les plus respectées aujourd’hui dans la profession, seigneur sur le rocher monégasque a été applaudi à la hauteur de la qualité de cet événement, pour les performances des danseurs et pour cette audacieuse programmation.

Vers un Pays Sage, de Jean-Christophe-Maillot photo Alice Blangero – Autodance, de Sharon Ayet Photo Alice Blanger (Théatre de la Ville Paris)
Sharon Eyal, Autodance

Autodance, de Sharon Ayet ( Theatre de la Ville) Photo Alice Blanger
Chorégraphe israélienne de renom dont l’écriture singulière ne laisse personne indifférent. Son spectacle de 29 minutes au Théâtre de la ville est un parfait reflet de son expression artistique où sont combinés énergie fascinante, gestes très contenus avec une organisation corporelle structurée.
Autodance – d’abord co écrite avec Gai Béhar et créé pour les interprètes de l’Opéra de Göteborg – est repris avec brio par les Ballets de Monte-Carlo. Les corps s’élèvent sur demi-pointes, se cambrent, se penchent de façon vertigineuse vers l’arrière, les mains enlacent les côtes. Chaque danseur ne forme bientôt plus qu’un corps pulsatile, vibrant, animal.
Ce mouvement viscéral, bizarre, reconnaissable entre tous, est la signature de Sharon Eyal.
Toujours à la frontière entre étrangeté et préciosité

Autodance, de Sharon Ayet ( Theatre de la Ville) Photo Alice Blanger
On retrouve ce lien constant avec la mode, indéniablement marqué par ses années de chorégraphe pour les défilés pour Dior entre 2019-21. Les 12 danseurs habillés tout en couleurs chair défilent sur la scène tel des mannequins au pas majestueux et saccadé avec un regard parfois dur et sévère. Ils poussent les performances du corps à l’extrême tous de concert, sous une même pulsation scandée par une entêtante musique techno de Ori Lichtik.
Comme des clones aux mouvements orchestrés comme du papier à musique, les corps ondulent, par saccades souvent telle la déambulation d’une poule. Les danseurs et danseuses font une performance magistrale, un équilibre entre sensualité et malaise anxiogène. Une performance magistrale de l’artiste chorégraphe et des danseurs et danseuses qui souligne la qualité hallucinante des ballets de Monte Carlo sous ce déluge de rythme.
Les chorégraphies de Sharon Eyal souvent abstraites et hypnotiques imprègnent la salle d’une émotion palpable par ses créations kinesthésiques.
Jean Christophe Maillot, Vers un pays sage
Sous l’énergie musicale de John Adams, cette performance au Théâtre de la ville est comme souvent, un déluge de couleurs sous un rythme effréné, mettant en avant l’immense talent des danseuses et danseur du Ballet de Monte Carlo. Hommage à son père, artiste peintre, hommage sur pointes, « Vers un Pays sage » a été créé il y a 30 ans em mémoire de l’appétit de vie tout en excès et à la fougue de ce père, passionnée de la couleur, Jean Maillot.

Un Pays Sage, de Jean-Christophe-Maillot-Theatre-de-la-ville ph Alice Blangero
Il refuse d’être catalogué dans un genre, classique ou même contemporain car la danse est avant tout un dialogue où les traditions du ballet et les idées neuves doivent savoir faire bon ménage. Il aime son métier passionnément dans son entité, les aspects techniques, administratifs et artistiques. A 20 ans, il se casse le genou et comprend qu’il ne sera jamais danseur, ou il s’est, avec du recul, caché derrière cette blessure, pensant au fond de lui-même, ne pas avoir le courage suffisant pour être danseur. Il sera danseur mais il est surtout devenu chorégraphe car il aime éperdument la danse et toutes les danses, d’où son écriture multiple. Faut-il stigmatiser la danse néoclassique par rapport à une certaine danse contemporaine ?
Avec la confiance de s.a.r princesse de Hanovre et son poste à la tête du Ballet de Monaco, il a compris qu’il disposait d’un merveilleux outil de travail, qui lui correspondait et avec lequel il pourrait continuer à marier les mondes de la danse et jouer sans restriction, des formes des plus classiques aux plus révolutionnaires.
Je m’aperçois rétrospectivement que ce qui a guidé tout du long ma vie artistique, c’est le bonheur des rencontres. J’aime par-dessus tout partager avec un groupe d’individus une aventure humaine, en l’occurrence celle de la danse. Cette vie d’échanges constants correspond à ce qui est pour le moi le plus important : rendre son existence utile.
Jean-Christophe Maillot
Les Ballets de Monte Carlo

Un Pays Sage, de Jean-Christophe Maillot, Theatre de la Ville photo Alice Blangero
En 1909 les Ballets Russes par Serge Diaghilev sont créés à Paris. La troupe décide de s’installer en hiver à Monaco entouré des talents tel que Vaslav Nijinski, Georges Balanchine où le compositeur Igor Stravinsky. A la mort en 1929 de Serge Diaghilev la compagnie est dissoute. En 1936 les Ballets Russes de Monte Carlo sont présents à Monaco et font des représentations à l’international mais tire le rideau définitivement en 1963.
Mais la danse, comme une institution, rythme indéniablement avec le rocher.
En 1985, à la demande de Caroline de Monaco les Ballets de Monaco reprennent du galon, elle redonne ses titres de noblesse à la Compagnie et nomme en 1993 Jean-Christophe Maillot à la tête des Ballets de Monte Carlo. Il crée à Monaco plus de 45 ballets qui contribuent à forger la réputation des Ballets de Monte-Carlo dans le monde entier.
Devenant vitrine incomparable, Les Ballets de Monte Carlo restent sous la présidence de S.A.R la Princesse de Hanovre, comme l’Académie de danse Princesse Grâce de Monaco et le Monaco Dance Forum réunis sous la bannière des Ballets de Monte Carlo. Iils produisent des spectacles éclectiques mais aussi des conférences, des expositions, des ateliers pour le rayonnement de l’art chorégraphique.
Auteur de l'article

le site Ballets de Monte Carlo
Saison 2025 :
- 25-27 avril, Monaco, BALANCHINE – RATMANSKY – GOECKE
- 16-18 mai, La Havane à Cuba, CORE MEU
- le 20-21 juin, Monte Carlo, GALA DE L’ACADÉMIE
- 21 juin, Grenade, ROMEO ET JULIETTE
- du 26-29 Juin, Valence, ROMEO ET JULIETTE
- 17-20 Juillet, TIMULAK – KOR’SIA
A lire
Jean-Christophe Maillot, La Danse en festin (Gallimard, 2024) Rythmé par environ 300 photos, cet ouvrage retrace le parcours créatif du directeur des Ballets de Monte-Carlo qui ne conçoit son rôle de chorégraphe qu’en étroit dialogue avec celui de directeur de troupe
Sans les autres, je n’existe pas… ou si peu. À la différence du peintre, de l’écrivain qui, d’un coup de pinceau ou de plume, traduisent leur pensée, le chorégraphe que je suis doit passer par le corps et l’esprit du danseur pour s’exprimer.
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