10 conseils de lecture de Singular’s et de My Fair Book (avril 2025)
Alors que la part des Français se déclarant spontanément lecteurs diminue, les 10 conseils de lecture de la rédaction de Singular’s et de My Fair Book visent la majorité (56%) des Français se disent (encore) lecteurs réguliers, (-5% vs 2024 étude CNL) en jouant la diversité des auteurs classiques (Borges, Woolf à La Pléiade) ou méconnus, et des genres, romans, nouvelles et poésies.
Laissez-vous tenter par ces noms à découvrir : Wendy Delorme (Le chant de la rivière), Olivier Maillart (Fermez vos gueules les mouettes !), Gilles Ascaso (Redevenir l’absent et autres inquiétudes), Alain Caradeuc (Mort d’une Cariatide), Stéphane Rusinek (La Patiente de 17 heures), Nikos Maurice (Hollywood, les années rouges), Pascal Lardellier (Le Temps des terrasses) et Doug Johnstone (Voyous). Bonnes lectures
Jorge Luis Borges, Poésies (Tome II des Œuvres complètes, La Pléiade Gallimard)
L’Argentin Jorge Luis Borges (1899 – 1986) est connu pour ses fictions qui ont fait de lui un des écrivains les plus marquants du XXème siècle. A l’ombre de cette littérature narrative inclassable qui créa un nouveau genre, le « fantastique philosophique », son œuvre poétique (La Pléiade ou en Folio Gallimard) tout aussi abondante n’est pas moins insolite.
Preuve que cette considération n’a rien d’abstrait : Jorge Luis Borges a tiré de la lecture et des livres une œuvre prodigieuse littéralement, productrice de prodiges dans la pensée et les songes des lecteurs.
Jean-Philippe Domecq s’y est replongé et nous donne quelques raisons de faire de même. De quoi planer au long cours… !
Mrs Dalloway et autres récits, de Virginia Woolf (La Pléiade Gallimard)
La romancière anglaise Virginia Woolf a imprimé son destin et son œuvre sur la littérature du XXème siècle, à l’instar de Joyce et Proust. La renommée qu’elle connut tôt n’a pas empêché son suicide.
La sélection de trois de ses œuvres majeures, Mrs Dalloway, Orlando, et Une pièce à soi, dans La Pléiade Gallimard, donne l’occasion à Jean-Philippe Domecq de s’y replonger, guidé par une préface et un appareil critique qui confirment que la réflexion savante peut être passionnante au service de la création.
Notons, pour notre propos littéraire ici, que la lecture de ses et de ce genre d’ouvrages ne nous éloigne pas plus de la littérature que ne le fait celle des Maximes de La Rochefoucauld, par exemple ; l’économie c’est de l’éthique appliquée, de la philosophie lucide sur les passions humaines.
Le chant de la rivière, de Wendy Delorme (éditons Cambourakis)
Une rivière, désormais canalisée et enfouie, évoque des souvenirs, ses mémoires, repense notamment à l’histoire de Clara et Méni, amies depuis leur plus jeune âge et qui grandissant découvrent l’amour qu’elles ont l’une pour l’autre. Las, c’est le début du vingtième siècle, les amours entre femmes sont très mal vues, et puis Clara est promise depuis toujours à Nico le frère ainé de Méni.
Alternant deux voix, celle de La Femme et celle de La Rivière, Le chant de la rivière de Wendy Delorme paru aux éditions Cambourakis, nous entraine dans un récit tendre, délicat et lumineux. Les histoires du passé et du présent se mêlent, se croisent pour former un ensemble aux accents de conte un peu cruel. La tension monte, page après page.
Avec talent, l’autrice déroule les moments d’une beauté inouïe – les passages en relation avec la montagne, les jeux des fillettes, la liberté qui parcourt l’œuvre- et la dureté de cette vie montagnarde, des hommes sûrs de leurs prérogatives et de leurs violences.
Mais, il ne suffit pas de limiter Le chant de la rivière à un beau roman d’amour.
Fermez vos gueules les mouettes !, d’ Olivier Maillart, éditions Héliopoles, collection Serge Safran
Le deuxième roman d’Olivier Maillart nous transporte dans une ville moyenne dans de la Manche, Hirocherbourg, qui fait furieusement penser à Cherbourg. Quatre professeurs de lycée se retrouvent pour l’enterrement d’un de leur confrère et ami. La famille ne voulant pas respecter les dernières volontés du défunt, les quatre enseignants décident de voler l’urne funéraire pour répandre ses cendres au bord de la mer. Mais en 24heures, ils vont faire des rencontres comiques, tragiques.
L’auteur se moque des travers de notre sociétés, des plus superflus aux plus dramatiques : des luttes féministes et LGBT les plus pointues, aux rixes entre bandes rivales de nationalités différentes. Il nous parle aussi de la dictature du portable, des notations les applications
Ce road-movie urbain est une réflexion sur l’amitié, sur la mort, sur la liberté.
Avec des caractères bien définis dans les personnages qui apportent du piquant à l’histoire.
« Pendant ce temps, Ficelle tenait toujours la cafetière d’une main, tandis qu’elle approchait progressivement son autre main de l’urne, qu’elle masquait de son mieux à l’assemblée. Marco était reparti vers ses thérapeutes russes tellement en avance sur nos scientistes imbéciles tous à la botte des labos – il ne s’interrompait que pour tousser à qui mieux mieux, ponctuant ses quintes d’un sonore : « C’est pas ce que vous croyez »
De son écriture, Olivier Maillart, qui a écrit plusieurs essais sur le cinéma et la littérature, essaye « de jouer sur la musicalité, de rythme, d’aller vite, de ménager des ruptures de ton. S’il u a un modèle à cela, je dirai qu’il est très français : il court de Diderot à Sollers, en passant par Morand et Blondin, j’essaye de m’en approcher. »
Un roman drôle, bien écrit qui ne se lâche pas. On suit avec amusement et tendresse le parcours de ses amis.
Patricia de Figueiredo
Redevenir l’absent et autres inquiétudes, de Gilles Ascaso (Vent des lettres)
(Artistes inspirants) Nouvelliste accompli, depuis la publication de son premier recueil, Violences brèves (éditions Lunatique, 2015), ses textes figurent aussi dans diverses revues littéraires notamment Squeeze. Redevenir l’absent et autres inquiétudes (éditions Vent des lettres) en donne aujourd’hui une nouvelle preuve. Gilles Ascaso y ausculte avec une rare acuité nos inquiétudes contemporaines et les déjoue d’une plume souveraine. L’inquiétude de ses personnages, qui est aussi la sienne, la nôtre, Gilles Ascaso ne cesse de la défier d’une écriture soyeuse et sensible, comme ici aussi dans Redevenir l’absent :
« Le soleil n’est pas encore levé lorsqu’il sort sur la terrasse. Il peut, tout au plus, en deviner l’apparition prochaine à ces zones d’ombre qui s’effilochent au levant, lambeaux d’une nuit crissante encore de ses peuples d’insectes. Un air tiède, venu de la mer, porte le clapotis de l’eau prisonnière des creux de rochers, en bas, dans la crique ».
Mort d’une Cariatide, d’Alain Caradeuc. Editions Librisphaera
Un peintre ayant du mal à connaître le succès se retrouve par amour mais malgré lui dans le tourbillon des espions et des services secrets, dans un univers loin du sien et du monde feutré des galeries.
Pour son premier roman, Alain Caradeuc, qui connait bien le monde de la mode et de la culture, met en scène un artiste pris par des forces qui le dépassent et qui le forcera à se révéler à lui-même.
« Gerson hausse les épaules de dépit et souffla bruyamment. Il se sentait tellement décalé dans cette aventure. Tellement loin de ses codes et de ses repères. Mais il commençait à se plaire dans son rôle de porte-valise à sa disposition à elle. »
Un roman d’aventures vif et enjoué, qui nous entraîne en Europe, au Maghreb, bien documenté sur les conflits du Moyen-Orient, les enjeux géostratégiques.
Patricia de Figueiredo
Les deux livres conseillés par Patricia de My Fair Book
La Patiente de 17 heures de Stéphane Rusinek (Thierry Marchaisse )
C’est le dernier jour de consultation avant les vacances d’été. Le psychologue accepte in extremis une nouvelle patiente, « une urgence » a-t-elle précisé. Avant de la recevoir, il pense déjà à son barbecue du soir, à ses filles, à son été ; il a bien l’intention d’expédier la séance. La fameuse patiente s’avance, une jeune femme rousse, élégante, troublante dès la première minute. Dès lors, rien ne va se dérouler comme prévu…
À peine arrivée, la patiente impose le déroulement de la consultation : c’est elle qui parle, il ne pourra l’interrompre ! Déstabilisé, le psy accepte toutefois la règle du jeu qui va à l’encontre de sa méthodologie, ce dernier est spécialiste des thérapies comportementales et cognitives (TCC), un expert en la matière.
On est très vite happé par l’histoire de Juliette, de son enfance à son trio amoureux ; elle nous embarque alors dans un thriller psychologique, tend un piège au psy et au lecteur par la même occasion.
Extrêmement bien ficelé, l’intérêt du récit réside également dans le fait qu’il est ponctué par les pensées intérieures de ce psy, ébranlé certes, mais non sans auto-dérision et humour cynique.
Hollywood, les années rouges, de Nikos Maurice (Éditions du Canoë)
1951, Harvey, brillant dramaturge, quitte New York pour Los Angeles, le théâtre pour le cinéma. Son frère Sam, également scénariste à succès, l’a précédé à Hollywood et Harvey constate rapidement un comportement inhabituel : son aîné est devenu anxieux, voire parano. Parano, pas tant que cela… La fratrie a un passé communiste et nous sommes en plein maccarthysme, en pleine chasse aux sorcières. Tiraillés entre carrière et loyauté, comment vont réagir les deux frères face à cette épreuve, face à la délation ?
On préfère vous prévenir, une fois le livre commencé, il est très difficile de le lâcher ! On est plongé dans une intrigue haletante, servie par des personnages principaux attachants, des figurants hauts en couleur dont certaines têtes d’affiche de l’époque : Dean Martin, Gary Cooper ou encore Kirk Douglas !
Le texte est extrêmement bien documenté « Voilà un jeune auteur qui témoigne d’une connaissance approfondie de l’histoire des États-Unis, du cinéma états-unien, d’Hollywood et du Parti communiste. », nous dit Roger Martin en préface. Cerises sur le gâteau : une histoire d’amour, le sens de la répartie de Harvey… et donc beaucoup d’humour. Sans oublier une certaine résonance avec l’actualité… Foncez !
Les deux livres conseillés par Julie Rovero, de My Fair Book
Le Temps des terrasses, de Pascal Lardellier (ateliers henry dougier)
Point commun de ces 13 nouvelles : elles ont toutes pour décor une terrasse de café ou de restaurant… de la plus simple – celle d’une caravane nationale 7 – à la plus snob – celle du café de Flore !
Dès l’arrivée des premiers rayons de soleil, ce lieu que l’on recherche tous assidument ne permet-il pas d’imaginer une grande variété de récits ? Car il s’agit bien ici de l’histoire de quelques personnages venus “s’y poser“…
On le sait, une nouvelle est réussie, lorsque, en peu de mots, elle réussit à cristalliser des scènes de vie où petits moments de bonheur, plaisir, nostalgie ou tragédies peuvent y prendre place.
C’est bien le cas ici et Pascal Lardellier nous rend attachants et familiers le large éventail de ses personnages : couples plus ou moins amoureux, collègues de travail – de l’ouvrier en bâtiments jusqu’au notaire accompagné de sa secrétaire -, familles mais aussi quelques solitaires…
Installez-vous à votre tour en terrasse, ce livre sous le bras et commandez votre breuvage !
Voyous, de Doug Johnstone (Métailié)
Tyler aurait pu vivre une adolescence paisible : il est intelligent, sensible, courageux et bienveillant. Mais voilà, il grandit au sein d’une cellule familiale toxique dans un quartier malfamé d’Édimbourg. Entouré d’un demi-frère drogué et explosif, d’une grande sœur sous emprise et d’une mère toxico, il élève sa petite sœur tant bien que mal avec beaucoup de tendresse. Pour survivre, il est embarqué par sa fratrie dans des magouilles et cambriolages, jusqu’au soir où tout bascule…
Si on ne devait retenir qu’un mot, ce serait empathie. Ce roman noir nous a touchés terriblement. Bourré d’humanité malgré un environnement et un contexte délétère, on referme ce livre avec tristesse et émotion. Une pure découverte !