Gastronomie
Du Japon à St Malo, pour Bertrand Larcher, c’est du sarrasin breton sinon rien
Auteur : Régine Glass
Article publié le 31 juillet 2020
Le fondateur des Breizh Café qui fait des étoiles avec du sarrasin a décidé de faire cette graine mal aimée l’étendard de la Bretagne. Si Bertrand Larcher débute son aventure gastronomique à Tokyo en y introduisant la crêpe et le cidre, sa créativité sera sans borne de retour dans l’hexagone : centre de formation, chaîne de crêperie, restaurant étoilé, plantations, … Le restaurateur éthique et audacieux possède décidément plus d’une galette dans son sac.
Revenir à ses racines locales
De son enfance à Fougères, dans la ferme auprès de ses parents et grands-parents paysans, Bernard Larcher se souvient de la culture locale du sarrazin, puis de son abandon au profit du maïs et de politiques de remembrements qui sévissaient dans les années 70 et qui ont tant abîmé la nature. « A cette époque, rappelle l’entrepreneur, la Bretagne était auto-suffisante en Sarrasin alors qu’aujourd’hui ? elle en importe à 70% de Chine et des pays de l’Est. »
Si la copieuse bouillie au sarrasin a nourri Bertrand Larcher, elle a aussi fait germer en lui une volonté, chevillée au corps de réintégrer en Bretagne « cette graine économe en eau, sans gluten, mellifère et emblème d’une gastronomie locale et ancestrale ».
Cette ambition a pris d’abord corps au Japon….
L’acculturation bretonne au Japon
C’est en effet en septembre 1996 que Bernard Larcher ouvre sa première crêperie Le Bretagne dans le Kagurazaka à Tokyo. Et démontre qu’il est capable de faire aimer aux japonais la galette de sarrasin et la gastronomie bretonne. Réciproquement, l’amoureux de la Bretagne, sait acculturer les essentiels de la cuisine japonaise dans ses menus : à base de tofu, sésame, poisson frais, et Soba qui n’est autre que le sarrasin version japonaise.
Ces échanges culturels ne sont pas le fruit du hasard, car son épouse est japonaise. Le couple s’est installé au Japon en 1995. L’occasion pour lui, d’apprendre le japonais durant six mois de cours intensifs, mais aussi de réfléchir à la façon de fusionner la cuisine bretonne dans le cérémonial culinaire japonais. Le succès des menus lui permet d’ouvrir une adresse sur Omotesando le « Champs Elysées » de Tokyo…
Aujourd’hui le Breizh Café possède 15 adresses au Japon … et se trouve être le premier importateur de cidre sur l’Archipel.
Souvent, dans l’ombre d’un grand homme, se tient une femme
L’influence de sa femme lui permet de réussir pleinement cette expansion : « engagée à mes côtés pour le développement, elle me soutient dans toutes mes initiatives, elle a le goût d’entreprendre, c’est une grande travailleuse comme moi et on partage le même gout de l’humilité. Ces valeurs expriment la philosophie de ce grand pays qui n’oublie jamais de mettre le respect de la nature au centre, en harmonie avec l’être humain. Cette philosophie me convient bien, car respecter la nature devient un devoir et pour moi un engagement politique du quotidien. D’abord dans mon métier, et plus globalement pour notre planète. »
Le respect de la planète et des hommes
La crise du Covid a été pour l’entrepreneur plus qu’un signal d’alarme très puissant. S’il se félicite d’une véritable prise de conscience auprès des jeunes, de la nécessité d’une nouvelle façon d’aborder la vie, il milite pour une nourriture saine et authentique, sans détruire la nature : « D’ailleurs c’est le concept de mon dernier spot à Saint Colloumb, je propose de venir déguster une ‘galette saucisses’, c’est le plat traditionnel de la région dans un vrai champ avec des arbres autour et non loin d’un ancien pressoir. C’est mon Food truck bretonnant ! On y trouve des produits sains et bio des galettes bien sûr, mais aussi des frites bio réalisées dans de la graisse de bœuf et aussi du cidre bio, des confitures bio et du bon beurre Bordier baraté encore à la main. »
En plus d’être bons et respectueux de l’environnement, les menus tiennent compte du contexte économique actuel et des attentes de consommateurs : « même en vacances et avec 10€ il doit y avoir une alternative authentique à la mal bouffe » revendique l’entrepreneur.
Tout ce qu’il touche se transforme en Sarrazin….
Des projets autour du Sarrazin, le breton en développe énormément tout d’abord, celui de ses Breizh Café ode à la gastronomie créative autour de la galette de sarrasin dont une prochaine adresse rue des Martyrs à Paris dès octobre 2020 (si le covid le permet). Puis la boutique mono produit, la Maison du Sarrasin ouverte depuis quatre ans, dans St Malo intramuros, qui propose une grande variété de produits à base de sarrasin : des coquillettes aux glaces, en passant par des infusions et même du beurre qui prend des accents de noisettes grillées.
La reconnaissance gastronomique avec une étoile au Michelin en 2017
La distinction pour la Table Breizh Café à Cancale confirme les qualités du pari de l’acculturation gastronomique, et balaie le stéréotype d’une graine ‘noire’ de temps maigre. Belle synthèse aussi que l’histoire de cette étoile !
Tout juste deux ans après son ouverture, le chef japonais Raphaël Fumio Kudaka déjà ‘meilleur jeune chef talent Gault Millau’ en 2012 valide qu’une évolution de la cuisine japonaise au contact des produits bretons est possible, même sublimée : homard, saint-pierre, coquilles Saint-Jacques, pommes de terre… venez les découvrir selon l’humeur du Chef.
L’avenir, c’est bien connu ce sont les jeunes. C’est la mission de sa ferme école, dont la formation au métier de crêpier est sanctionnée par un certificat professionnel CQP.
Tombé dans la marmite de Sarrasin quand il était petit
Après en avoir planté sur 8 hectares, recultiver le sarrasin constitue une véritable mission d’intérêt général pour ce breton qui rêve tout haut que des panneaux de signalisation indiquent qu’« ici pousse du sarrasin bio Breton ».
Sans surprise, l’association agricole de « revalorisation du sarrasin breton », Kouer Breizat (Paysan Breton) qu’il a créée le 1er octobre 2019 veut réinventer et projeter dans l’avenir une culture ancestrale : « Certains bretons ignorent trop qu’on en consommait en Bretagne dans les années 60.
Cette association permet aux jeunes agriculteurs de s’installer en leur donnant gratuitement des graines, tout en bénéficiant d’accompagnement, d’assurances et de garanties pour les mauvaises années. Cela fonctionne comme une ONG. »
Déjà 250 personnes sous la responsabilité par Bertrand Larcher, sont parties- prenantes du projet et partagent une certaine vision du métier, acteur engagé dans un éco système nourri de respect et de bienveillance.
Et pourrait-on ajouter, de vraies racines terriennes de partage à honorer et à faire revivre.
Pour en savoir plus sur les Breizh Café
Où les trouvez ? Breizh Café à Paris, Cancale, St Malo…
7 Quai Thomas (1er étage) Cancale 35260 – Réservation : 02 99 89 56 46
L’Ecole de la Créperie (St Malo) – Atelier de la Crêpe – Ecole internationale de crépier
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