Lifestyle
L’éco-designer Céline Wright sculpte l’air avec la magie du washi japonais
Auteur : Régine Glass
Article publié le 2 octobre 2020
Rien n’arrête Céline Wright depuis qu’elle a capté le magnifique potentiel du washi, cette pâte à papier japonaise issue de l’écorce du murier. Du luminaire cocon en forme de nuage à la création d’objets culinaires ou monumentaux, celle qui se définit comme une éco-designer avant l’heure revendique que le papier n’a pas de limites créatives pour sculpter l’air.
Travailler sur le vide
Vous les avez probablement déjà remarqués, ses luminaires cocon en forme et au nom de nuage flottent majestueusement dans l’air. Ils sont devenus des best-seller de la décoration contemporaine d’intérieure. Depuis cette reconnaissance, leur conceptrice Céline Wright évolue aussi vers la scénographie d’espaces.
Bien avant que tous s’en réclament, sa démarche artistique se veut un engagement écoresponsable, de tous les jours. Elle revendique un travail à la main, le seul qui ne pollue pas l’environnement, avec une quête constante d’incidence minimale voire minimaliste sur l’environnement pour éclairer ce monde de façon durable.
« Donner une forme qui lui donne une âme«
Depuis 25 ans, celle qui se définit comme une ‘éco-designer’ reste toujours guidée par une poésie de la lumière qui révèle la fonction essentielle des choses, convaincu que l’esthétique de l’air doit pouvoir relier l’humanité à la nature : « Je travaille sur le vide, et je lui donne une forme qui devient une âme, et j’aime travailler l’espace juste avec ce matériau le washi. C’est aussi très japonais de faire vivre le vide. ».
Tombée dans une bassine de washi quand elle était petite….
« Le Washi me permet des possibilités infinies dans mon métier. Symboliquement il représente toujours le lien qui m’attache au Japon. Se rappelle, celle qui a passé son enfance au Japon entre 8 et 13 ans. Je suis tellement imprégnée de cette façon d’aller à l’essentiel qu’ont les japonais à l’unisson du temps et de la nature en y mettant de la poésie au service de formes épurées. C’est une rare fibre naturellement blanche sans besoin de la colorer sauf volonté particulière. Laissant passer parfaitement la lumière, le washi donne cette illusion de la fragilité. »
Issu de l’écorce très légère mais très résistante du mûrier, la fibre du washi se travaille sur différentes épaisseurs, au point d’en faire des dentelles ultra fines mais peut aussi permettre de faire des parapluies. Les fournisseurs japonais de washi semi artisanaux de Céline Wright respectent bien le temps de maturation des bains d’écorce de mûriers et prennent le temps de faire reposer la pâte à papier.
Eco designer : de la conception au travail à domicile
Chaque luminaire est unique, moulé et structuré à la main, il nécessite plus de 1600 bandelettes de papier pour la plus grande forme de nuage, le Cirrus, les bandelettes sont collées individuellement dans le moule. La coque exige plus de 4 couches de papier, et cela varie selon la dimension et les modèles. La réalisation du cocon prend plus de 7 heures de travail. Plus on monte en taille ou en finition plus le savoir-faire se complexifie. Sur le site internet celinewright.com, plus de 69 conceptions de produits sont affichées. Dans son atelier de Montreuil, plus de 7 personnes travaillent actuellement quotidiennement, auxquelles s’ajoutent ceux qui travaillent à domicile.
Pour diminuer la pollution liée aux transports. Céline a adapté le concept anglais du Cottage industry, et crée un réseau de personnes qui travaillent à domicile et qui livrent leur travail une fois par semaine. Cette idée sied bien à ce métier minutieux et artisanal qui permet aux personnes de travailler selon leurs possibilités de chez eux sans perte de temps en transports urbains. Il permet aussi désengorger son studio de fabrication qui accueille des projets plus gigantesques. Cette dynamique a permis de fabriquer de façon artisanale à plus grande échelle et avec économie.
Du nuage aux oiseaux, être 100% papier
La création ne s’arrête pas, elle se nourrie d’expériences et d’inspirations pour cette magicienne de la forme. Si le nuage a été le départ stylistique de mon aventure, les oiseaux ou les voiles sont aujourd’hui des formes d’inspiration toujours en relation avec la nature et le voyage. Ces formes nouvelles sont parfois des adaptations simplifiées de sculptures lumineuses monumentales réalisées sur mesure pour des clients professionnels. « En ce moment je suis à fond dans les Oiseaux. J’enlève de plus en plus de structure pour n’utiliser que les pliures du washi: l’objectif c’est d’être 100% papier à terme. Mes structures sont de plus en plus légères et de plus en plus travaillées avec des bandelettes plus fines, le travail lui en devient plus technique plus long et plus écologique. »
Des mises en scène événementielle…
Après l’objet, la nouvelle orientation artistique de Céline Wright, c’est la scénographie d’espaces qui l’entraîne à créer des solutions nouvelles pour répondre à des besoins ponctuels.
Quelques repères créatifs :
2014 – Mise en scène pour l’exposition Samouraï au Château des Ducs de Bretagne qui célébrait les 1000 ans d’histoire japonaise : « Dès l’entrée de l’exposition, un soleil rouge en papier washi, d’un diamètre de 2,20 m, teinté dans la masse éclaire la silhouette massive d’un Samouraï. Dans les vitrines centrales une armée de Samouraï flottent sur une mer de vagues en papier washi, sur plus de 10 m de long et 6m de large éclairée par le dessous pour une illusion d ‘apesanteur. ».
2016 – Du ciel étoilé et coloré de Thierry Marx pour son restaurant L’Etoile du Nord, à celui en 2017 pour l’ouverture du restaurant d’Alain Ducasse, en passant par les luminaires Diva pour Marie Déroudhile et Cirrus pour habiller la nouvelle adresse d’Alain Ducasse sur la baie de Hong Kong, chaque création est spécifique. : « Les Cirrus donnent l’impression que les baleines devenues légères ont quitté la baie pour communiquer avec l’espace. »
2018 – pour les 300 ans du Château Beychevelle et l’inauguration de leur nouveau chai high tech : « Pour donner corps à cet événement, j’ai imaginé un dragon de 3 m sur 3 m qui semble lui aussi flotter dans l’espace. Il symbolise l’histoire du château, puisque c’était l’élément figuratif de la proue du bateau qui ramenait la propriétaire de Louisiane vers sa nouvelle demeure Girondine. Il semble protéger, gracile et aérien, la bonification de ce grand cru bourgeois. Dans le même esprit, Les Voiles, un lustre de 3 m sur 2 m exprime la sémantique de l’endroit. En effet, Beychevelle viendrait de « Baisse Voile », lorsqu’on obligeait les bateaux qui passaient devant la propriété, à baisser leur voiles en signe d’allégeance. »
2019 – Le Musée des Archives Nationales niche pour la Paris Design Week, une nuée d’oiseaux qui virevoltent sous les plafonds au décor peints 18ème siècle.
2020 – pour un luxueux Hôtel-Restaurant aux Bahamas, Baha Mar Hotel, la créatrice imagine des coquillages aux formes de pétales de coques : « Ce travail nervuré de plus de 4 m de long m’a permis de coller les bandelettes de washi à l’extérieur sans structure métallique, tout en libérant autant de légèreté et de poésie.
2020 – Pour deux jeunes traiteurs Balbosté qui proposent des créations culinaires franco-japonaises originales toutes en délicatesse, Céline conçoit des coupelles en washi réalisées avec une colle de riz, qui se prête à l’alimentaire. « Nous sommes très fières de La Prairie : un plateau noir qui reçoit des tiges en bambou au bout desquelles sont plantés des cristaux à cueillir et déguster comme des pâtes e fruits. Nous avons de nombreux projets ensemble très enthousiasmants !