Art urbain : Une STREET histoire de l’art, Cyrille Gouyette, Editions alternatives
Passionné d’art urbain, l’historien d’art urbain Cyrille Gouyette conseille Pascale et Raphy Cohen pour leur M.U.R (Modulable Urbain et Réactif), après Madame et Logan Hicks, il dévoile ce dimanche 19 décembre à 15h au 38 rue la roquette, le travail « in progress » du street artist Andrea Ravo Mattoni. L’occasion de rencontrer l’auteur de cette STREET histoire de l’art, convaincu des filiations esthétiques du street art dans les Beaux-arts.
Une Street histoire de l’art brossée avec inventivité
Son poste d’observatoire privilégié au Musée du Louvre comme médiateur culturel et artistique auprès du jeune public l’a convaincu depuis longue date qu’il fallait sortir des stéréotypes et rapprocher l’histoire de l’art et le street art. Déjà auteur d’un Sous le street art, le Louvre (Alternatives, 2019), Cyrille Gouyette élargit son ambition, avec une stimulante « synthèse critique » comparative et remarquablement illustrée de ce que puisent les street artistes à la création artistique occidentale.
En se réclamant en ouverture de Pierre Bourdieu (« histoire de la peinture comme réservoir d’idées ») et de Daniel Arasse (« l’artiste est naturellement anachronique »), l’historien nous convainc que « tout artiste urbain se rattache, par son style, son sujet, sa technique, son système de codes ou de symboles, à une histoire de l’art qui débute à la préhistoire. »
A sa façon, éclairante et éclairée, Cyrille Gouyette relie les œuvres classiques aux expressions de street artistes – plus de 200 sont cités, de Bansky à Logan Hicks – qui ont « consciemment ou inconsciemment » intégré un capital artistique universel. L’approche est passionnante, car documentée, analysée et illustrée bien sûr.
Du pariétal d’hier et d’aujourd’hui
Au souffle animalier pariental préhistorique, Cyrille juxtapose le dessin de l’artiste inconnu du cerf dans la grotte de Lascaux -œuvre réalisée au charbon de bois soufflé à travers un os datant de -15 000 avant JC
Avec le travail de Philippe Baudelocque qui reproduit en 2016 pour le Palais de Tokyo à la craie un cerf bramant, étonnante similitude d’une inspiration commune et qu’il nomme « Lascaux Project ».
Des rapprochements subjectifs et ludiques
Ces connections revendiquées comme des « appropriations implicites » sont le fruit de l’inspiration et de la large culture de Cyrille, convaincu des filiations secrètes ou pas de ce art pariental urbain avec l’histoire des images. Sans complexe, il s’amuse même à les classer comme des prolongement de mouvements artistiques établis. Il crée des familles « recomposées » issues de familles traditionnelles…
Le lecteur traverse les époques, et les genres avec un regard d’aujourd’hui. L’analyse des œuvres s’enrichit d’ une érudition tri dimensionnelle qui intègre la stylistique, la technique et les iconographies, magnifiquement soutenue par la mise en page.
Pour les correspondances transcendantales avec la Renaissance, le parallèle entre l’Adam et Eve de 1507 d’Albretch Dürer et ceux de Zeus en 2012 ne manque ni de profondeur, ni piquant ! La pomme d’une marque mythique, à la fois déïque et pècheresse nourrit un charge symbolique qui traversent le temps avec une étonnante modernité. et l’auteur d’ouvrir la perspective : « Le symbole du péché serait-il soluble dans le monde de l’image numérique ? »
On comprend dés lors combien est précieuse cette érudition décomplexée ; sa médiation vise autant toute une génération qui ne s’égaye pas facilement dans les musées que celles qui ne prêtent pas attention à ce qui se dessine – certes parfois sauvagement – dans leur rue ….
Dans la rue au musée et allers-retours
A lire Cyrille Gouyette le lecteur n’a plus aucune réticence à inscrire le street art, aux Beaux-arts, défini dans le temps long du patrimoine.
Autre temps autres mœurs, c’était le ministère des Beaux-Arts qui passait commande aux artistes pour les immeubles de la République, maintenant ce sont les artistes qui s’emparent de l’espace pour donner une dimension artistique aux lieux publics. Cette révolution a changé de moyens, peu d’objectifs : l’art comme enchantement ou défi….
Et l’auteur de s’interroger : « La rue serait-elle le dernier musée ou l’art se crée et s’expose ? »
Quand on connait son implication pour multiplier les M.U.R (Modulable Urbain et Réactif), Cyrille Gouyette nous souffle (un peu) sa réponse.
#RégineGlass