Voyages

Auvergne, pays de volcans mutiques et de lacs miroirs pour le ciel.

Auteur : Jean de Faultrier
Article publié le 15 juillet 2023

Carnet d’horizons « L’Auvergne est un secret plus qu’une province. Elle vous tourmente toujours d’un tendre songe. » (Alexandre Vialatte) Le « centre de la France » ne commence pas à partir d’un endroit que l’on atteint mais pour Jean de Faultrier à partir d’un moment que l’on ressent. C’est un territoire vaste et contrasté, son unité procède du fait que l’on s’y sent bien partout avec un lien infiniment tellurique. On l’atteint au bout d’une route que toisent des volcans bien doux avec, à leur pied, des lacs où l’éternité aime à se refléter.

D36, dernière ligne droite avant la chaîne des Puys. Photo Jean de Faultrier

Les lacs de l’extrême centre.

La surface de l’un peut sembler placide alors qu’elle dissimule une profondeur vertigineuse, celle de l’autre inspire l’humilité alors qu’un caillou jeté en atteint le fond en une seconde. Retenu par un ourlet de pierre ou enserré dans le creux d’un cratère mutique, un lac d’Auvergne n’est jamais ce qu’il semble : large flaque ou abîme ténébreux, il ne faut pas de fier à l’apparence, il faut avoir la modestie d’écouter sa longue géologie et l’humilité de l’approcher avec respect. A ces deux conditions, il est prêt à offrir de magnifiques légendes et offrir des parfums enivrants.

Les courbes des routes sont assez moelleuses pour que l’on prenne le temps d’hésiter, pour que l’on veuille aussi être seul. Quand les panneaux se font rares, car c’est peut-être une façon pour ceux qui vivent là de conserver leurs lieux pour eux, le temps justement s’impose fécond et désintéressé.

Silence. Là, sur la gauche, au pinacle d’un chemin caillouteux, mais de cette sorte de pierrosité qui confine à l’éloquence du prosaïque, s’ouvre une brèche que marquent deux piliers feuillus élancés. Aimanté par ce que l’insu a de plus charmeur, on avance, on frapperait presque à la porte s’il y en avait une plus visible que l’air que brasse un vent odorant.

Servière Photo Jean de Faultrier

Lac de Servière, un miroir pour le ciel.

La magie de ces lacs procède pour partie d’une perfection circulaire, d’une tension perceptible quand la forêt dispute aux prairies couvertes de gentiane le privilège de marquer l’entrée dans un pays préservé. En faire le tour, oui, c’est absolument nécessaire pour se sentir de cette circonférence cardinale, mais à la condition de ne rompre jamais le dialogue que l’on surprend, ou plutôt qui nous surprend, entre les poissons et les oiseaux. Rien ne peut plus se compter en fraction de temps, se compter en nombre de fois. Repasser sous un sapin élancé, approcher l’eau à peine frissonnante d’un pas modeste et respectueux à la fois, c’est faire l’expérience de l’essentiel en renouvellement, d’une reformulation vitale.

Passer d’un lac à l’autre ne procède pas d’un itinéraire cranté sur un plan, si l’on imagine que d’une rive à l’autre la familiarité géographique pourrait nous blaser, il faut savoir que le regard va devoir changer d’adjectif, d’évaluation, d’hypothèses. Du lac de Servière au Pavin (oui, on peut dire le Pavin tant faire précéder le nom du mot lac serait lui manquer de respect), on pourrait se croire dans un ailleurs du même jardin des dieux, et ce serait vrai, pourtant c’est un univers sous-jacent infiniment différent. Même cercle, peut-être. Même ourlet végétal, sans doute. Mêmeté de l’écrin orographique, possible. Mais quel contraste des sensations, quelle mutation dans le ressenti…

Pavin Photo Jean de Faultrier

Le Pavin, un chaudron d’inquiétude.

Non, ce n’est pas un miroir, c’est une pierre précieuse tombée de l’espace ou remontée des tréfonds du magma, une pure dioptase qui capture les yeux qui s’aventurent sur sa surface. Là encore, on peut en faire le tour, s’assurer d’une boucle de marche à la forme d’une alliance terrestre que l’on a posé les pieds sur un centre. Mais au fond, on aura veillé à tenir d’une main prudente le côté solide du chemin, à garder distante l’attirance liquide qui doit, la nuit venue, dévorer bien des âmes perdues.

Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie.
Blaise Pascal, natif de Clermont-Ferrand

Cette pensée qu’il nous a léguée est devenue nôtre, le Pavin est là pour l’entretenir.

« Par mon âme et mon sang… »

Une besace d’émotions en bandoulière, on aspire à solliciter le ciel, à quémander l’air que seules nos peurs ont raréfié. La voix de Jean-Louis Murat, mort la veille d’une réédition de sa chanson mélancolique « Col de la Croix Morand », donne vie à un franchissement des apparences : « Par mon âme et mon sang/Col de la Croix Morand/Je te garderai ». A l’ombre d’un buron en sursis, le regard s’offre une perdition salutaire tant ce qu’il contemple dépasse ce qu’il pourrait vouloir retenir. Les volutes volcaniques ont sculpté une lente marche vers la plaine, une larme de la peine des graveurs d’horizon reste prisonnière d’une entaille dorée, un autre lac ?

Croix Morand Photo Jean de Faultrier

Sous les pieds, le volcan.

Une dernière flânerie ? Proche d’un titan mais épargné par ce dernier, le lac de Montcineyre conjugue avec son nom mystérieux les cendres de ses origines et le feston boisé de ses limites. Loin de tout et surtout des autres, il suffit de jeter sa montre loin du rebord et attendre, qui sait ? la nuit, le lendemain, l’après…

Guéry Photo Jean de Faultrier

Lac de Montcineyre, des cendres bucoliques.

 

Montcineyre Photo Jean de Faultrier

#Jean de Faultrier, Puy de Dôme, fin août.

Plus de feuillets du Carnet d’horizons

Auvergne, au centre de la France ?
Il y a toujours des discussions sur le point précis qui marque le centre de la France. Quoi qu’il en soit, l’Auvergne n’est pas un point, c’est un lieu tout entier, en dessous du centre mais clairement central.

Pour en savoir plus sur le pays des Volcans et les splendides lacs d’Auvergne : « Le Lac Chauvet ‘lieu chauve et déboisé’ occupe un cratère de maar basaltique (-15.000 ans). Il est en partie comblé par des moraines glaciaires. Il demeure une énigme pour le géologue car les produits d’explosion du cratère n’ont pas été retrouvés. »

Pour s’y rendre : À la croisée de grands axes autoroutiers (A71-A72-A75-A89), vous rejoindrez facilement et rapidement le Massif du Sancy, à 45 minutes de route de Clermont-Ferrand. Le Massif du Sancy est situé à 2h de Limoges, 2h30 de Bourges et de Lyon, 3h d’Orléans, 3h30 de Bordeaux, Montpellier et Poitiers et 4h30 de Paris

L’avantage d’être au milieu de la carte réside dans le fait que les grands chemins y passent nécessairement que l’on aille du Sud vers le Nord ou inversement, de l’Est vers l’Ouest ou inversement. Même des avions s’y arrêtent, et des trains encore un peu… La voiture pas toujours mais celui qui se laisse séduire par un rêve de chemin de traverse ne regrettera pas. Clermont-Ferrand, nombril basaltique et ferroviaire, ou aérien, ou routier, sera l’aiguille d’un compas inspiré dont le crayon frôlera tous les lacs.

A propos :

Jean-Louis Murat « Best of » [PIAS] Le Label, 26 mai 2023.

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