Cinéma en salles : Dune : Deuxième Partie de Denis Villeneuve (2024)
avec Timothée Chalamet, Zendaya, Rebecca Ferguson, Javier Bardem, Josh Brolin, Austin Butler, Florence Pugh, Stellan Skarsgård, Léa Seydoux, Dave Bautista, Anya Taylor-Joy, Charlotte Rampling, Christopher Walken et Souheila Yacoub.
Après le somptueux 1er épisode du cultissime roman de Frank Herbert, Dune, Calisto Dobson appelait Denis Villeneuve à tourner rapidement le second ! C’est chose faite. Le résultat confirme que ce qui était considéré comme inadaptable, devient devant nos yeux ébahis un space opera qui restera comme une référence du genre. Vivement le 3e ! qui s’annonce déjà aussi important que les deux premiers opus de la saga.
Dépasser le mythe de l’inadaptation
Lorsque Denis Villeneuve annonce qu’il se lance dans le projet pharaonique d’une nouvelle adaptation de Dune, l’œuvre visionnaire de Frank Herbert, la communauté des admirateurs du livre et celle des cinéphiles ne cachent pas leur incrédulité.
En effet le film de David Lynch en 1984 avait laissé une critique et un public largement déçu. Même si quelques décennies plus tard nous pouvons réévaluer l’honorabilité de cette production de Laurentiis. Qui d’ailleurs avait réussi à convaincre David Lynch de se lancer dans cette gageure en lui promettant de mettre la main à la poche pour son projet Blue Velvet, avec la réussite que l’on sait.
D’autant plus qu’Alejandro Jodorowsky (El Topo, La Montagne Sacrée, Santa Sangre), entouré d’un magma de pointures artistiques allant d’Orson Welles à Moebius en passant par Salvador Dali s’y était cassé les dents une décennie auparavant. Après avoir déployé d’incommensurables efforts pour tenter de réunir un budget nécessairement colossal, il accoucha d’un story-board phénoménal en forme d’œuvre d’art à part entière qui finira par générer un fameux documentaire intitulé Jodorowsky’s Dune. Présenté à La Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2013, il entérinera sinon l’immense difficulté, si ce n’est l’impossible transcription cinématographique de l’histoire imaginée par Herbert.
C’est dire si Denis Villeneuve était attendu de pied ferme au bas des écrans pour voir de nos propres yeux ce qu’il avait réussi à tirer des péripéties de Paul Atréides sur la planète Arrakis.
Lorsque après avoir traversé la pandémie de Covid-19, Dune : Première Partie se présente devant les spectateurs du monde entier, le succès est au rendez-vous. L’attente a été longue et la curiosité pousse un assez large public dans les salles. Ceci malgré le caractère plutôt minéral du film dans une image sombre aux relents bleutés à souhait soulignant une froideur qui fit émettre quelques réserves à ceux qui en attendaient un succédané de Star Wars.
La parti pris shakespearien du réalisateur canadien a fait du premier épisode, un space opera digne des grandes tragédies classiques.
Changement de ton avec Dune II
Avec Dune : Deuxième Partie, Villeneuve passe des bleus et des gris de la planète Caladan aux rouges et orangés de la planète des sables. L’action se déploie en suivant et soulignant les propos de l’esprit prémonitoire du texte. Au travers des forces qui régissent la puissance d’un fondamentalisme religieux, (nous ne pouvons pas ne pas penser à l’Islam), et l’avènement d’un féminisme omniscient aux agissements dictés par la conscience d’une nécessité à orienter les destinées, se pose la question de l’avènement d’une croyance et de son corollaire le pouvoir.
Comme le dit si bien la Révérende mère Mohiam personnage interprété par Charlotte Rampling : Il n’y a pas d’espoir, il n’y a qu’une planification déterminée à l’avance. Sans omettre, un discours écologique de fond particulièrement pertinent.
En introduction la voix off à la sonorité horrifique déjà présente dans le premier épisode nous rappelle que “qui contrôle l’épice, contrôle l’univers”. Nous pouvons imaginer qu’un membre éminent de la Guilde, inquiet de l’avenir de la production de la si précieuse substance, résume en cinq mots les enjeux de pouvoir qui vont nous être contés.
Si nous devions analyser ce que raconte la saga de Dune (six volumes), c’est bien le pouvoir qu’il interroge, les dangers qu’il représente, la façon et au nom de quelles valeurs de l’exercer.
Un très grand spectacle visuel
L’une des forces du film de Denis Villeneuve est de parvenir à s’effacer devant la puissance narrative de ce roman fondateur de la science-fiction contemporaine. Tout en proposant un très grand spectacle visuel, les plans sont somptueux et les cadrages d’une grande précision évocatrice, certaines séquences pourraient figurer chez Tarkovski ou encore même Bergman.
La mise en scène passe d’une intensité épique (lorsque par exemple Paul Atréides chevauche le ver) à des moments de recueillement qui nous transporte dans un moyen âge imaginaire. Encore une fois la force du roman est magistralement transposée.
Entre une technologie futuriste despotique et une culture antique ancestrale, deux mondes s’affrontent qui révèlent le caractère si brillamment visionnaire de l’œuvre.
Le casting est encore au rendez-vous.
Timothée Chalamet interprète avec de subtiles nuances et intelligence le personnage de Paul Atréides. Le charisme de Zendaya donne le sentiment que le rôle de Chani a été écrit pour elle. Quant au reste de la distribution, Austin Butler en tête qui incarne l’inquiétant et fascinant Feyd-Rautha Harkonnen, joue brillamment sa partition, entre autres.
L’émergence d’une franchise
Villeneuve lui-même l’a annoncé, une troisième partie est sur les rails, ce qui ne fait aucun doute au vu, non seulement de la chute du film, mais aussi et surtout au vu de son succès au box-office. Que nous pouvons d’ores et déjà considérer comme bien plus important que l’épisode précédent.
Une série TV serait également à l’œuvre, ce qui prouve, si besoin était, le potentiel de ce qui semble désormais s’apparenter à une nouvelle franchise.