Cinéma en salles : Indiana Jones et le Cadran de la Destinée de James Mangold (2023)
Exceptionnellement, parce qu’Indiana Jones incarne le héros pop d’une génération, Singular’s associent deux regards sur Indiana Jones et le Cadran de la Destinée de James Mangold. Calisto Dobson, après avoir réhabilité l’opus précédent, considère que « le bouquet final des aventures du célèbre archéologue, est une émouvante plongée au cœur de ce qui nous lie à l’une des plus grandes icônes que le cinéma ait pu nous offrir ». Pour Patrice Gree, « Les héros ne meurent pas, comme nous ! mais ils vieillissent…comme nous ! ».
Voilà c’est la der des ders
Indiana Jones, « l’archéologue aussi célèbre que le Christ », quitte le grand écran pour aller nourrir sûrement pendant encore des décennies notre imaginaire.
Sa dernière aventure, solidement dirigée par James Mangold (Copland, Walk the Line, Logan, Le Mans 66), le confronte au temps qui passe et aux regrets qui l’accompagnent.
En premier lieu, la passation de pouvoir entre Steven Spielberg et Mangold s’est faite en douceur. Le réalisateur du futur biopic sur Bob Dylan, avec Timothée Chalamet, s’est appuyé sur son indéniable savoir-faire pour ne pas dénaturer l’esprit et la lettre des missions rocambolesques de l’homme au fouet.
Tout en parvenant insuffler au film sa part de magie spielbergienne (le maître a veillé au grain en tant que producteur délégué), il réussit néanmoins à imposer discrètement sa marque.
Par un accent subtil l’atmosphère rendue s’assombrit.
L’introduction de ce dernier épisode, alors que les Nazis en pleine débâcle sont prêts à tous les stratagèmes sans douter de leur victoire finale, est révélatrice. Revoir d’entrée de jeu Harrison Ford sous les traits de celui qu’il fût lors de l’Arche Perdue clame le deuil que nous allons devoir endosser. C’est la dernière fois qu’Indiana Jones nous entraînera dans une de ses aventures dont il semble avoir le secret.
Il faut dire qu’après Han Solo qu’il a bien fallu voir mourir, Indy reste la dernière incarnation du héros en chair et en os dont des dizaines et des dizaines de millions de spectateurs ont acclamé les prouesses.
Son interprète peut être fier, à lui seul, il a surpassé tous les archétypes iconiques de l’aventurier. En un seul homme, il est tour à tour, drôle, vaillant, érudit, indomptable, intrépide et même insupportable pour certains mais surtout irrésistible, en un mot il personnifie l’héroïsme comme personne. Et ce que nous dit tout le long du film Le Cadran de la Destinée, c’est que nous allons le regretter.
Alors que toutes les scènes attendues se succèdent comme si nous les découvrions pour la première fois, nous ne pouvons nous défaire d’un sentiment de mélancolie tout aussi prégnant qu’envoûtant.
Et si l’adjonction d’une héroïne (Phoebe Waller-Bridge) tout aussi dure à cuire que le héros est une indéniable contribution ainsi qu’un évident signe des temps, il est peut-être, faut-il l’espérer, le signe que contre toute attente une héritière serait prête à coiffer le Fédora.
Faire vieillir un héros, c’est le pari risqué du réalisateur.
Elle était jolie cette petite maison de granite, perchée au sommet de la falaise venteuse, face à une mer verte toujours un peu de mauvais poil, que mes parents louaient au cap d’Erquy pendant les grandes vacances d’été. Elle est toujours jolie, mais mes parents sont morts, je n’ai plus 10 ans et en rentrant enjoué de la plage, je ne demanderais plus jamais « qu’est-ce qu’on mange , m’man ? » Elle était jolie…pleine de nous ! Mais, revue vide d’eux…comme elle est triste !
Eh bien, en allant voir « Indiana Jones », c’est une tristesse un peu de cette nature qui a pris le dessus sur la joie programmée des retrouvailles attendues avec Indi ! La tristesse est l’ombre de la joie…
Les héros ne meurent pas, comme nous ! mais ils vieillissent…comme nous !
Faire vieillir un héros, c’est le pari risqué du réalisateur. Indi n’est pas James Bond ! Il n’est pas interchangeable. Indi est Harrison Ford ! Il est unique… Indi mourra avec Harrison Ford ! Pari risqué, mais pari réussit, car ce héros infaillible qui jeune nous tirait joyeusement en enfance, vieux nous ramène au-delà de ses exploits surjoués à notre réalité vieillissante et fatiguée.
Le réalisateur, sans pitié, presse le héros jusqu’à la dernière goutte !
Ce que je retiens du film, ce ne sont pas les cavalcades folles de Indi dans les couloirs du métro New-Yorkais, ni son voyage mouvementé en B52 dans les couloirs du temps, ni les courses dingues en tuk-tuk dans les ruelles encombrées de Tanger, passages obligés du genre qui nous obligent à des tortillements nerveux et comiques sur nos sièges en velours rouge.
Non , ce que je retiens, c’est l’émotion qui se dégage de lui quand à 80 ans passés, torse nu en calbar froissé, cognant à la porte de ses bruyants jeunes voisins, il apparaît déprimé, peau fripée, essoufflé et fragile face aux blondinets bodybuildés survitanimés et ricanants…
La trame de l’histoire est simple comme un ouvrage d’ésotérisme
Un ancien nazi est à la recherche du fameux cadran d’Archimède – dont, comme chacun le sait, la fonction principale est de permettre de rebrousser en loucedé le chemin du temps – afin de modifier le cours de l’histoire et d’offrir, in fine, à Hitler une victoire éclatante et bien méritée. Mais c’est sans compter sur Indiana Jones et les studios Disney.
Au fond, ce qui fait l’intérêt d’Indiana Jones et le Cadran de la destinée, c’est sa part triste.
#Patrice Gree