Cinéma en salles : En fanfare, d’Emmanuel Courcol, avec Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe
Aux deux extrêmes de l’échelle sociale
Les deux frères, Jimmy et Thibaud, séparés à la naissance, inconnus l’un de l’autre, de tempérament opposés, socialement aux deux extrêmes de l’échelle, auraient pu faire tomber les acteurs dans une interprétation très caricaturale de leur personnage, sans parler des facilités paresseuses de langage…
Mais non !
L’intelligence du scénario, des dialogues au couteau et la finesse du jeu de Pierre Lottin et de Benjamin Lavernhe ont évité les dérapages déprimants des comédies un peu franchouillardes, jouant les contraires en mimiques.
Deux frères, deux mondes.
Thibaut – joué par Lavernhe – adopté et éduqué à Meudon dans un milieu bourgeois et secret, cultivé et poli, à l’aise financièrement et socialement, est un brillant et sympathique chef d’orchestre reconnu dans le monde entier. Jimmy – joué par Pierre Lottin – son frère biologique révélé tardivement à l’occasion d’une maladie grave nécessitant une greffe de la moelle osseuse chez Thibaut, a été recueilli et élevé dans une famille de mineurs, modeste et affectueuse, de « Nord » déshérité de la France. Ombrageux, taiseux, pudique et résigné, il travaille en semaine, aux cuisines de l’école et joue du trombone le week-end, dans la fanfare municipale !
La musique comme point commun
La maladie les fera se rencontrer, la musique se découvrir, leur fragilité reconnue…s’aimer ! Dis comme ça, ça pourrait ressembler à un gros mélo jouant du violon sur le velours des bons sentiments… Et bien non ! C’est un film formidable ! Le violon ici, c’est un trombone qui sonne la charge contre la déprime et les bons sentiments qui ont pourtant en toile de fond la mort qui rode, les conflits de classe, la solidarité qui veille, le chômage qui guette…
Je dois dire que ça faisait longtemps que je n’avais pas été autant touché, par un film sur des sujets souterrains un peu rudes, comme l’adoption, le secret des origines, le rôle de l’éducation, le mystère de l’inné, la place primordiale que l’on accorde ou pas , à l’un et à l’autre, joués au millimètre près par deux acteurs qui à l’ouïe et à l’œil se sont admirablement trouvés !
Pierre Lottin, exceptionnel
Son jeu intérieur est la marque des acteurs rares. Impossible de ne pas penser à Patrick Deweare. Cet équilibre parfait, entre une fragilité perceptible, une violence contenue et une puissance comique indéniable, qui déstabilise tant le spectateur, Pierre Lottin l’a trouvé !
Chapeau l’artiste !
Un film généreux et à la grâce communicative
Et la générosité fraternelle, c’est comme le trombone, dans la désharmonie nationale, on en a rudement besoin en ce moment !
Souhaitons le même succès au film d’Emmanuel Courcol qui se met sur la trajectoire d’un autre chef d’œuvre valorisant le monde des fanfares : « Brassed Off » (En Fanfare), de Mark Herman (1997)