Cinéma en salles : En fanfare, d’Emmanuel Courcol, avec Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe

Le film est sorti mercredi, mais Patrice Gree n’a pas attendu pour partager son plaisir, touché au cœur et aux oreilles de ce « feel good movie » qui l’a enthousiasmé à tout point de vue ; léger, il évite les dérapages des comédies franchouillardes. Subtile, il balaye tout regard  facile sur les différences sociales des mélos dépressifs. La subtilité d’Emmanuel Courcol pour aborder des sujets souterrains un peu rudes, comme l’adoption, le secret des origines … est jubilatoire grâce à un duo Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe unis par la musique. Un titre prémonitoire pour faire de la générosité fraternelle l’antidote à la désharmonie nationale.

Aux deux extrêmes de l’échelle sociale

Les deux frères, Jimmy et Thibaud, séparés à la naissance, inconnus l’un de l’autre, de tempérament opposés, socialement aux deux extrêmes de l’échelle, auraient pu faire tomber les acteurs dans une interprétation très caricaturale de leur personnage, sans parler des facilités paresseuses de langage…
Mais non !

L’intelligence du scénario, des dialogues au couteau et la finesse du jeu de Pierre Lottin et de Benjamin Lavernhe ont évité les dérapages déprimants des comédies un peu franchouillardes, jouant les contraires en mimiques.

En Fanfare, d’Emmanuel Courcol, avec Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe photo Agat Films, France 2 Cinéma 2023

Deux frères, deux mondes.

Thibaut – joué par Lavernhe – adopté et éduqué à Meudon dans un milieu bourgeois et secret, cultivé et poli, à l’aise financièrement et socialement, est un brillant et sympathique chef d’orchestre reconnu dans le monde entier. Jimmy – joué par Pierre Lottin – son frère biologique révélé tardivement à l’occasion d’une maladie grave nécessitant une greffe de la moelle osseuse chez Thibaut, a été recueilli et élevé dans une famille de mineurs, modeste et affectueuse, de « Nord » déshérité de la France. Ombrageux, taiseux, pudique et résigné, il travaille en semaine, aux cuisines de l’école et joue du trombone le week-end, dans la fanfare municipale !

Emmanuel Courcol nous plonge dans le monde fraternel des fanfares du Nord photo Agat Films, France 2 Cinéma 2023

La musique comme point commun

La maladie les fera se rencontrer, la musique se découvrir, leur fragilité reconnue…s’aimer ! Dis comme ça, ça pourrait ressembler à un gros mélo jouant du violon sur le velours des bons sentiments… Et bien non ! C’est un film formidable ! Le violon ici, c’est un trombone qui sonne la charge contre la déprime et les bons sentiments qui ont pourtant en toile de fond la mort qui rode, les conflits de classe, la solidarité qui veille, le chômage qui guette…

Je dois dire que ça faisait longtemps que je n’avais pas été autant touché, par un film sur des sujets souterrains un peu rudes, comme l’adoption, le secret des origines, le rôle de l’éducation, le mystère de l’inné, la place primordiale que l’on accorde ou pas , à l’un et à l’autre, joués au millimètre près par deux acteurs qui à l’ouïe et à l’œil se sont admirablement trouvés !

En Fanfare, d’Emmanuel Courcol, avec Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe photo Agat Films, France 2 Cinéma 2023

Pierre Lottin, exceptionnel

Son jeu intérieur est la marque des acteurs rares. Impossible de ne pas penser à Patrick Deweare. Cet équilibre parfait, entre une fragilité perceptible, une violence contenue et une puissance comique indéniable, qui déstabilise tant le spectateur, Pierre Lottin l’a trouvé !
Chapeau l’artiste !

En Fanfare, d’Emmanuel Courcol, avec Pierre Lottin exceptionnel photo Agat Films, France 2 Cinéma 2023

Un film généreux et à la grâce communicative

Et la générosité fraternelle, c’est comme le trombone, dans la désharmonie nationale, on en a rudement besoin en ce moment !

Souhaitons le même succès au film d’Emmanuel Courcol qui se met sur la trajectoire d’un autre chef d’œuvre valorisant le monde des fanfares : « Brassed Off » (En Fanfare), de Mark Herman (1997)

Patrice Gree