Cinéma : Hommage à Ivan Reitman (1946 - 2022)

La disparition d’Ivan Reitman réalisateur et producteur emblématique des golden eighties clôt à 75 ans une carrière éclectique. Surtout célèbre pour avoir initié le sous genre de la comédie fantastique avec Ghostbusters  en 1984. Calisto Dobson rappelle qu’ en dehors de cette juteuse franchise quelques unes de ses comédies méritent d’être revues : de L’Affaire Chelsea Deardon à Président d’un jour.

Un producteur prolixe

Avec ses origines slaves , Ivan Reitman (il est né le 27 octobre 1946 en Tchécoslovaquie),  faisait partie de la grande tradition de cinéastes originaires du vieux continent qui firent carrière à Hollywood, Murnau, Lubitsch ou Lang pour citer quelques anciens jusqu’à Milos Forman, Paul Verhoeven, Wolfgang Petersen ou Roland Emmerich pour les plus contemporains.
Producteur de pratiquement toute sa filmographie, il soutient et finance aussi des dizaines de projets d’autres réalisateurs et pas des moindres ! : David Cronenberg (Frissons, 1974), John Landis (American College, 1977)  ou Roger Spottiswoode (Arrête ou ma mère va tirer !, 1992) ou encore le film culte d’animation Métal Hurlant (Gerard Potterton, 1980)… à Sacha Gervasi (Hitchcock, 2013), … c’est lui.

Le tremplin du cultissime Ghostbusters

Ivan Reitman trouve la félicité au box office en 1984 avec Ghostbusters, la désormais cultissime comédie fantastique de chasseurs de fantômes improvisés et improbables. Marqueur incontournable des années 80 reconnu par  sa chanson titre de l’ex guitariste de Herbie Hancock Ray Parker Jr.

De ce succès phénoménal (près de 300 millions de recettes dans le monde), il tirera un projet sans doute le plus atypique de sa filmographie L’Affaire Chelsea Deardon. En plein cœur de la décennie Starfix, Ivan Reitman réunit un casting de choix avec un Robert Redford qui en a encore pas mal sous le pied, Debra Winger, mythique comédienne des années 80 sans oublier bien sûr Terence Stamp et surtout Daryl Hannah qui deux ans auparavant a traumatisé tous les ados de la Terre avec Splash.

Titré en VO Legal Eagles, à l’aide de Jim Cash et Jack Epps Jr, scénaristes, Ivan Reitman a imaginé un film qui s’avère peut-être son projet le plus personnel. Comédie policière, film d’enquête et de procès, L’Affaire Chelsea Deardon pourrait s’apparenter à une panouille sans originalité et dépourvue de charme. Il n’en est rien, sous son intrigue qui pourrait passer pour simpliste, l’héritière flouée (Daryl Hannah), d’un grand peintre, est accusée de meurtre. Défendue par une avocate retors (Debra Winger) et un assistant du procureur (Robert Redford), il s’agira d’un complot. Situé dans le milieu des galeries d’art moderne (nous sommes dans les années 80), autour d’un peintre des années soixante, ça nous dresse le portrait l’air de mine de rien ce qu’est Hollywood et son industrie. Un ramassis de faussaires s’appropriant le travail des autres pour en faire une plus value. C’est léger, d’une drôlerie pleine de finesse et ça se regarde aujourd’hui avec tendresse.

Il révèle le comique de Schwarzenegger

Deux années plus tard, en 1988, Ivan Reitman enchaîne avec une comédie assez loufoque puisqu’il fait d’Arnold Schwarzenegger et de Danny de Vito des Jumeaux. Il fallait oser faire de Conan et Terminator un frangin attendri par un jumeau “raté” issu d’une expérience scientifique. La greffe est une réussite, drôle en évitant la niaiserie, on finit par se laisser apprivoiser par cette histoire de frères séparés à la naissance, jumeaux et pourtant diamétralement opposés. L’idée de base qui pouvait paraître lourdingue adroitement exploitée permet de révéler les talents comiques de celui que personne n’attendait dans une comédie pure jus. Arnold prouvera à plusieurs reprises par la suite qu’il ne s’agissait pas d’une erreur.

Un Président d’un Jour, hommage à Capra

Il faudra attendre 1993 pour qu’Ivan Reitman retrouve du peps. Avec Président d’un Jour, il croise le fer avec les grandes comédies de l’âge d’or d’Hollywood. En marchant à peine sur les platebandes du dernier film de Peter Sellers Bienvenue Mr. Chance, réalisé par Hal Ashby, (un jardinier devient par une série de malentendus président des États-Unis), Dave en VO raconte l’histoire d’un sosie (Kevin Kline) qui prend la place de l’homme le plus puissant de la planète. Doublé d’une romance, la première dame interprétée par Sigourney Weaver, qui déteste son mari, se rend compte de la supercherie et tombe dans les bras du sosie qui en se prenant au jeu accomplira quelques réformes humanistes avant de discrètement s’éclipser. Là encore, on retrouve le goût de la discrétion du réalisateur pour formuler son propos. Comment tenir un discours on ne peut plus politique en ayant l’air de divertir légèrement. Ce qui, au bout du compte, fait d’ Ivan Reitman un digne héritier des grands de la comédie des années 30 et 40.

 

En 1998, Ivan Reitman retrouve la recette des couples antagonistes qui vont devoir s’apprivoiser pour survivre. 6 Jours 7 Nuits n’a pas une réputation de haut vol, pourtant le duo Harrison Ford (bougon à souhait) et Anne Heche (pimbêche carabinée) fonctionne à merveille. Une citadine en vacances paradisiaques avec son niais de fiancée (David Schwimmer), doit se rendre à Tahiti pour une urgence professionnelle. Seul un aviateur baroudeur et mal léché peut l’y conduire. En s’écrasant malencontreusement sur une île déserte, ils s’affronteront, devront apprendre à se comprendre pour finir comme il se doit, après moult péripéties, dans les bras l’un de l’autre. Dépaysant, évidemment très drôle, cette comédie est une leçon de modestie de la part de Ivan Reitman qui marche à nouveau sur les traces de ses prestigieux prédécesseurs.

2001, le dernier coup d’éclat de Reitman reste Évolution, une autre comédie fantastique, devenue depuis culte dans tous les salons d’amateurs de dinguerie. Un météore s’est écrasé dans le désert, s’en extrait une espèce de fluide bleuâtre qui va se révéler bourré de cellules s’adaptant et évoluant à la vitesse de l’éclair. Avec un David Duchovny  parodiant son rôle dans X-Files, alors la série phare de la télévision, Julianne Moore en scientifique dépassée, nous assistons à la prolifération de créatures toutes plus bizarroïdes les unes que les autres et surtout ne manquant pas d’appétit. Avec au passage une galerie bien sentie de portraits de la société américaine qui dénote de sa folie intrinsèque.

Après ça, il ne restera à Ivan Reitman que trois films à faire.

Malgré une idée de scénario assez drôle, un homme quitte sa petite amie qui dotée de super pouvoirs va lui pourrir la vie, l’échec de Ma Super Ex avec Uma Thurman et Luke Wilson ne l’empêchera pas de tourner une comédie romantique Sex Friends avec Natalie Portman et Ashton Kutcher pour terminer avec Le Pari, un film dans le monde du football américain avec Kevin Costner.

La franchise Reitman

Son héritier au sens propre Jason Reitman a repris le flambeau depuis plus de quinze ans et s’est fait remarquer avec en particulier Thank You For Smoking, une dénonciation de l’emprise de l’industrie du tabac, Juno qui a révélé Elliot Page (ex Ellen Page), sur une maternité non désirée et surtout In The Air  avec George Clooney adepte d’un  licenciement plus humain en face à face, mais obsédé par le gain du nombre de miles qui lui permettra de voler gratuitement à vie.

Ivan Reitman aura eu comme tout un chacun quelques ratés mais laisse derrière lui une carrière d’un honnête cinéaste de comédies toujours prêt à divertir et à pointer du doigt avec le sourire quelques-unes de nos défectuosités. Et d’un producteur assez audacieux pour donner sa chance à nombre de talents.

#CalistoDobson