Culture
Claudia Jaguaribe transcende l’anthropocène pour un nouveau mythe symbiotique
Auteur : Marc Pottier, Art Curator basé à Rio de Janeiro
Article publié le 13 octobre 2021 – revue le 26 juin 2026
[Découvrir les artistes d’aujourd’hui] Poursuivant une œuvre engagée aux frontières de la photographie, du design graphique, de la sculpture et de l’édition, l’artiste brésilienne Claudia Jaguaribe développe une narration originale transcendant l’anthropocène pour un nouveau mythe symbiotique. Elle participe aux Rencontres photographiques d’Arles, les 7 et 8 juillet dans le cadre de BRASIL IMPREVISTO commandée par le festival ON/OFF à Initial LABO. Ses livres-œuvres dont Flor no Asfalto sont présentés à la librairie Initial LABO (cour de l’Evêché du 4 juillet au 23 septembre 2023). Les voyageurs curieux peuvent découvrir ses « Conversadeiras », bancs-sculptures créés in situ et inaugurés en 2022 à l’Usina de Arte, fondation d’art proche de Recife au Brésil. Il faudra attendre l’automne européen pour découvrir la fontaine qu’elle imagine pour une place publique à Curitiba dans le sud du Brésil, autant d’ invitations au voyage.
Une Nature à la fois réelle et inventée.
De projets photographiques en performances, Claudia Jaguaribe compte une quinzaine de livres-œuvres à son actif, notamment par la maison d’édition Editora Madalena cofondée par l’artiste en 2013. Elle aime y jouer sur la représentation de la réalité. Souvent elle découpe et réassemble ses photographies en jouant avec les formats. Elle les transforme en sculptures ou en installations multimédia et n’hésite jamais à rapprocher des perceptions improbables.
Aujourd’hui elle expérimente l’Intelligence Artificielle dans ses recherches. Il en résulte des images qui sont des témoignages, ni de ce qui existe, ni de ce que l’on peut voir, mais « un ailleurs » qui revisite l’histoire et les codes traditionnels du paysage : trituré visuellement, le paysage n’est plus représenté comme une nature intacte mais comme une construction aux aspects tantôt pittoresques, idéalisés ou le plus souvent fantastiques. l’artiste brésilienne nous invite ainsi à interroger et discuter les codes de représentation. Les rencontres photographiques d’Arles sont une formidable opportunité de découvrir le regard de cette artiste brésilienne.
Réveiller notre conscience sur l’avenir du monde.
Pour cette lanceuse de nouveaux regards, les jardins expriment le mieux ce qui relie l’Homme à la Nature. Elle les envisage comme un lieu iconique des cycles de la vie (croissance, floraison et déclin) et les voit comme le reflet des sociétés qui les modèlent. Sa composition photographique est entre l’idée de la ruine d’un monde qui semble aller vers une catastrophe naturelle et un futur auquel elle prête toujours une force de résistance et de résilience.
En fonction des projets, elle sait aussi ajouter à ses précieux collages d’autres références historiques où peuvent apparaitre l’héritage portugais, les cultures populaires des différentes régions brésiliennes, les icônes des villes où elle nous fait voyager…
Une photographie narrative qui devient banc-sculpture
La photographie de Claudia Jaguaribe sort souvent de son cadre. C’est encore le cas avec ses ‘Conversadeiras’ (conversations) bancs-sculptures inaugurés l’année dernière à l’Usina de arte fondation d’art, proche de Recife au nord-est du Brésil. Converser, vient du latin conversari, fréquenter, s’associer. L’artiste carioca (de Rio de Janeiro) qui a aussi son atelier à São Paulo propose cette invitation au dialogue. Avec des sculptures-bancs, elle veut provoquer des rencontres. Ses ‘conversadeiras’ permettent plusieurs approches. Répondant à la demande des Pessôa de Queiroz, les collectionneurs à l’origine de l’Usina de Arte, ses propositions comportent quatre ensembles de bancs sculpturaux qui se répartissent dans le parc. Un ensemble composés de plusieurs bancs plats et d’un carré entourant un arbre fut pensé pour organiser sur place les ‘Cha de bebê’, fête mettant à l’honneur la nouvelle mère ou une future mère. Un autre banc comportant une partie verticale, isolé sur un côté d’un des petits lacs artificiels fut pensé comme une invitation à la méditation et enfin deux autres groupes à l’ombre d’arbres à l’extrémité du parc forment un lieu de repos et d’éventuels pique-niques.
Des images qui font échos à l’histoire des lieux
Claudia Jaguaribe resignifie la culture du nord-est, l’héritage de cette ancienne usine de cannes à sucre désormais centre d’art. Elle est allée chercher les images du jardin botanique, mais aussi celles d’éléments de ce patrimoine local aisément reconnaissable et ainsi touchant sans fard la sensibilité de la communauté de Santa Therezinha. Elle pointe du doigt aux étrangers cette histoire qui n’appartient qu’à ces lieux. Apparaissent des tresses en plomb, images d’autres sculptures rappelant que le grand artiste Tunga est né à quelques kilomètres de là à Palmares. Des anges aux trompettes annoncent que sous peu la maison des maitres des lieux sera ouverte à la visite, caléidoscope jeu de trouvailles pour amener les conversations. Cela marche !
Une œuvre pérenne
Ce n’est pas la première fois que Claudia crée pour des environnements extérieurs, mais le travail d’Usina de Arte présente en exclusivité une nouvelle technique qui permet la pérennité des images photographiques dans l’espace public.
Imprimées numériquement sous un four à plus de 3 000 ºC, les carreaux qui recouvrent la structure en béton de fer portent un palimpseste éternisé d’éléments qui, nous venons de le voir, reflètent la flore locale et l’art populaire, le folklore, les périodes historiques, les cartes régionales et autres types de références, tous les ingrédients qui composent l’histoire du Pernambuco et l’équipement culturel de la région.
Jeux de construction
Les carreaux de céramiques permettent de part leur structure carrée un jeu de construction où Claudia peut imaginer ses sculptures.
Son prochain projet verra le jour avant la fin de l’année. A l’invitation de l’entreprise immobilière AG7, il s’agira d’un ensemble autour d’une fontaine pour une place publique à Curitiba au sud du Brésil. dans un nouvel arrondissement au nom prometteur de Ecoville. Un grand projet artistique se développe invitant de nombreux artistes à penser le monde de demain et leur relation avec Dame Nature.
Claudia s’inscrit dans cet ambitieux programme. Ses références célébreront, entre autres, l’originalité des paysages du Parana. Le projet n’est pas encore pleinement défini et nous vous proposons en avant-première une image numérique de la maquette.
Quand la photographie mène à l’architecture et à l’Urbanisme !
Pour suivre Claudia Jaguaribe
- Le site de Claudia Jaguaribe présente entre autres plus de 15 livres reconnus par la singularité de l’intégration photographique et du design graphique.
- La maison d’édition Editora Madalena cofondée par l’artiste en 2013.
Sur les Rencontres photographiques d’Arles dans le cadre de la programmation BRASIL IMPREVISTO commandée par le festival ON/OFF à Initial LABO.
- vendredi 7 juillet, 21 heures, projection de programmation de IANDE
- samedi 8 juillet, Cour de l’Archevêché
- 10h-11h, Table ronde, avec Ioana Mello, Shinji Nagabe, Elsa Leydier,
- 11h-12h, Échanges avec Marcella Marer, curatrice Afirmaçao (à confirmer)
Les livres de Claudia Jaguaribe seront disponibles à la librairie Initial LABO, Cour de l’archevêché.
Sur l’Usina de Arte :
- Voir Singular’s, le portrait de la famille Pessoa de Queiroz, mécéne :
- Sur ses ‘conversadeiras’ voir l’interview (sous-titre ev anglais)
Aux éditions Bessard :
- Beijing overshoot, 2019, 75€
- Flor no Asfalto, 2021
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