Coups de roulis, d’André Massenet, par Les Frivolités parisiennes (Théâtre de l’Athénée)
Direction musicale : Alexandra Cravero, Mise en scène : Sol Espeche, Chorégraphie : Aurélie Mouilhade, Scénographie : Oria Puppo, Costumes : Sabine Schlemmer.
La croisière s’amuse ! Saluons cette pétillante réhabilitation d’André Massenet alors âgé de 75 ans, comme la résurrection du Menteur l’appelle de Pierre Corneille (Petit Montparnasse). Coups de Roulis, sa dernière opérette est une pépite dont la joyeuse troupe des Frivolités Parisiennes extrait un suc rafraichissant. La mise en scène de Sol Espeche appuyée par des vidéos d’Alexis Lardilleux d’un kitsch assumé est menée tambour battant, bourrée des références hilarantes aux sitcoms. Hélas, les trois dernières représentations sont ce week-end au Théâtre de l’Athénée pour un cocktail marin particulièrement tonique !
Embarquement pour une sitcom musicale débridée
Le livret signé d’Albert Willemetz adapté du roman de Maurice Larrouy est-il un atout pour savourer l’ultime opérette d’André Messager (1853-1929). Il est surtout un joyeux prétexte à nous emmener en bateau, au sens propre du terme. Puisqu’il s’agit à l’occasion d’une inspection du Haut-Commissaire Puy Pradal, accompagné de son assistance et néanmoins fille Béatrice, 20 ans de constater que des cœurs sont à prendre dans la Marine !
De cet embarquement pour Cythère porté par la brise délicieuse du sentiment amoureux sur la mer, la metteuse en scène Sol Espeche y a vu un stimulant parallèle avec les rebondissements improbables d’une sitcom et les marivaudages débridés entre équipage et visiteurs de La Croisière s’amuse ! La dernière opérette de son auteur passe alors dans une pétillante moulinette qui ne laisse pas une minute au spectateur : entre emprunts visuels, répliques décalées ou à double fonds qui rappellent ceux d’ OSS 117 (le 2nd acte se passe au Caire), et ballets chorégraphiés façon Hollywood, tout prête à chanter et à rire.
Je donne à voir trois actes comme trois épisodes d’une série qui serait ‘Coups de Roulis’.
Et c’est par emprunts, par touche que je distille le Soap Opera :
prétexte à s’amuser, à sortir du cadre, il est le berceau qui accueille la créativité des interprètes.
Sol Espeche, Note d’intentions de mise en scène
Fusion des canons de l’opérette et du kitsch des sitcoms
Entre deux vidéos hilarantes kitschissimes d’Alexis Lardilleux (toute la distribution est présentée sur la chaîne Youtube des Frivolités Parisiennes) qui ponctuent les trois actes, sans oublier de fausses pubs façon Les Nuls (dont les irrésistibles Cigares du Port d’Alexandrie ou Cahiers Caire Fontaine !) le partis pris est dépayser le spectateur mais avec des points de repères partagés, et lâcher les amarres.
Dès le générique, la troupe (chœur et musiciens) maitrise une mécanique comique parfaitement huilée. En permanence sur scène, chacun les observe, ils s’exposent, toujours prêts à pendre tous les risques. Et ils les prennent ! dans des duos, trios ou en ballets tirés au cordeau. A la différence des mises en scène d’opéra sérieux qui en oublie le sens de la musique, ici, tout contribue à valoriser la musique d’André Messager, cosmétique qui en efface toutes les rides.
En tangage permanent
Cette ambition de garder tout l’esprit de cette œuvre – « rester en mouvement, en contact avec son époque », selon les jolis mots de Sol Espeche – ne tient que si la troupe scénique et musicale tient le rythme et que son plaisir est communicatif. Malgré – ou grâce – à des costumes de Sabine Schlemmer : tous les marins sont en shorts moulants sur le pont comme en bal costumé ! Ici le ridicule border line ne tue pas ou contraire, il est un aiguillon pour capter l’auditoire – petit et grand – auquel il s’adresse pour mieux les faire sourire.
La musique de Messager y trouve son compte, bien chantée par une troupe de comédiens chanteurs – des deux Pradal père, Jean-Baptiste Dumora et fille Clarisse Dalles aux marins amoureux Christophe Gay et Philippe Brocard – qui ne négligent les beaux airs qui parsèment cette croisière improbable.
A bon port
Après plus de deux heures de tangage parfaitement maitrisés, la baguette énergique et éclairée de la cheffe Alexandra Cravero nous ramène à bon port, joyeux et éblouis par cette réhabilitation bienveillante. Espérons que son succès en appelle d’autres, signe d’encouragement cette spécialité patrimoniale des Frivolités Parisiennes vient d’être couronnée du Prix Antoine Libiot décernée par l’association des critiques de la Presse musicale Internationale.
#Olivier Olgan
A voir : sur la chaine Youtube des Frivolités Parisiennes, toute la distribution de Coups de roulis présentée par d’hilarantes vidéos d’Alexis Lardilleux : (Puy Pradal) Jean-Baptiste Dumora – (Béatrice) Clarisse Dalles – (Kermao) Christophe Gay – (Gerville) Philippe Brocard – (Sola Myrrhis) Irina De Baghy – (Pinson) Guillaume Beaudoin – (Haubourdin) Mathieu Septier – (Muriac) Célian D’Auvigny – (Bellory L’Amiral) Maxime Le Gall – (Subervielle) Matthias Deau
Avec le Chœur des Frivolités Parisiennes : Mylène Bourbeau, Laure Ilef, Lucile Komitès Marion L’Héritier, Claire Naessens, Hortense Venot
https://youtu.be/h1gLmFo__uc