Culture
Essais : De l’émerveillement à l’écosophie ; Cannone, Augé, Maffesoli
Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 9 décembre 2017 à 15 h 56 min – Mis à jour le 1 juin 2018 à 11 h 01 min
S’émerveiller, de Belinda Cannone. Stock
Démarche volontaire, entre injonction et désir de vivre, Belinda Cannone rappelle que l’émerveillement – ce sentiment fugitif qui peut surgir de partout et de tout – ne vient ni d’un don personnel ni d’une aptitude, mais tient de la disposition intérieure – que chacun peut entretenir – pour percevoir toute la beauté du monde. Entre confession et méditation, analyse érudite et introspection réfléchissante, son récit offre de multiples expériences intimes et poétiques qui cernent l’expérience d’être dans le réel. Elle brosse par touches, enrichies par une sélection de photographies du fonds de l’ARDI (Association régionale pour la diffusion des images) une éthique de l’ouverture pour accueillir et vivre pleinement ce bonheur. Son livre engagé et inspirant pour un émerveillement qu’elle prône minutieux, « en résistant au vaste esprit de synthèse qui nous permet de penser vite mais nous empêche de voir bien, dans le détail » constitue le plus sûr remède contre toutes les injonctions de bien être qu’elles soient algorithmées, prêchées ou prescrites.
L’avenir des terriens, Fin de la préhistoire de l’humanité comme société planétaire, de Marc Augé. Albin Michel
« Cette idée de société planétaire des terriens n’est qu’une forme qui permet de commander des analyses de la réalité : un idéal.» Dans cet essai aussi court qu’éclairant, l’anthropologue Marc Augé plaide pour la clairvoyance de sa discipline, rappelle que le terrien est un animal symbolique, et lance des passerelles entre civilisations traditionnelles et sociétés contemporaines. Il ne jette pas l’opprobre sur la mondialisation. Au contraire, les changements d’échelles démographiques, technologiques, et culturelles constituent les soubresauts de notre « entrée dans l’histoire de l’humanité comme société planétaire » où la religion ne sera pas le principe structurant dans une planète unifiée. Il s’agit dès lors de mobiliser savoir et formation pour faire en sorte que chacun, quels que soient son âge et son degré de richesse, puisse participer à l’aventure commune de la connaissance.
Penser le monde pour les prochaines générations exige de sortir des simplismes de tout poil et d’une folie techniciste comme seul horizon. « Nous accusions les Anciens d’animer toutes les parties de la nature. La postérité nous accusera peut-être de les tuer toutes » : Michel Maffesoli cite Joseph de Maistre mais c’est aux philosophes Arne Næsset et Felix Guattari qu’il reprend le concept ‘écosophie’ pour mieux fustiger la dissociation mortifère entre l’Esprit et la Vie, et revendiquer une coexistence bienveillante du matériel et du spirituel. « Ce qui est convenu de nommer ‘réalité’ (économique, politique, médiatique) n’est qu’apparence. Seul le Réel mérite attention. Et c’est cela que je nomme ‘sensibilité écosophique’, c’est-à-dire une sensibilité renouant en un mixte fécond, la nature et la culture, le rêve et le sacré. « Le philosophe invite à comprendre ‘la loi de la vie demandant d’une part une perpétuelle adaptation, et d’autre part une réelle humilité de l’esprit pour ce faire. » Grâce à une langue accessible et érudite, il prône non sans une certain exigence intellectuelle de fonder ‘l’être ensemble’ sur une sagesse « écosophique », véritable enracinement au monde. Elle se nourrit d’une dynamique nourricière – chère à l’auteur du ‘Réenchantement du monde’ (2007) – entre l’individu, la communauté et le territoire. Un livre stimulant pour saisir ‘le grand instinct du présent’ qui parfois nous déborde cachant l’essentiel.
Bibliographie
- Belinda Cannone « S’émerveiller », chez Stock 192 pp. 18€
- Marc Augé « L’avenir des terriens, Fin de la préhistoire de l’humanité comme société planétaire », chez Albin Michel, 132 p. 14€
- Michel Maffesoli « Ecosophie », Les Editions du Cerf. 256 pages. 19€
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