Culture

Histoires de regards : via les dérives de la critique (Lemaire) et de l'art contemporain (Fredet)

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 15 août 2018 à 18 h 13 min – Mis à jour le 7 septembre 2018 à 16 h 34 min

Pour mieux comprendre où va le monde de l’art, ces deux essais vont élargir votre regard ; via l’histoire de la critique d’art par Gérard-Georges Lemaire et les dérives spéculatives de l’art contemporain grâce à l’enquête de Jean-Gabriel Fredet. 

Histoire de la critique d’artGérard-Georges Lemaire

Cette Histoire de la critique d’art ne vient-elle pas trop tard ? Alors que les collectionneurs remplacent désormais les critiques par des curators, des théoriciens autoproclamés ou pis des conseillers financiers pour mieux investir. Pourtant, le récit de Gérard-Georges Lemaire est passionnant. Il ne se contente pas seulement de combler un vide. Aucun ouvrage sur les rapports pour le moins ambigus des écrivains avec la modernité de l’art n’a été écrit depuis le Storia della critiqua d’arte de Lionello Venturi en 1936 ! Il assume de changer de focal (se décentrer par rapport à Paris), et de réhabiliter les visionnaires notamment allemands : Carl Einstein et Herwath Walden, ou italiens : Mario Sironi et Roberto Longhi… qui ont éveillé, formé, bousculé l’esprit et modeler le goût des amateurs d’art.

Ambitieux, l’écrivain, historien et critique d’art, traducteur et commissaire d’expositions embrasse toutes les véritables pensées critiques au sein de la pensée historique sur l’art occidental, de l’antiquité classique (les Philostrate, Lucien de Samosate, Pline l’ancien,…) à la Seconde guerre mondiale, de façon érudite et claire comme le veut la collection « 50 questions » induisant réponses courtes et hiérarchisées.

C’est bien Denis Diderot qui crée ce genre littéraire en soi : la critique d’art, se distinguant de la « littérature artistique ». Suivi ensuite des contributions déterminantes de Goethe, Stendhal, Gautier, Baudelaire, Zola, Maupassant, sans oublier Apollinaire considéré comme l’inventeur de la critique d’art moderne. Grâce à ses plumes alertes, souvent visionnaires, parfois déterminantes pour sortir la modernité de sa gangue, l’art occidental a longtemps visé la transcendance de la beauté.

Las, la critique d’art n’existe plus. Qui l’incarne aujourd’hui ? Les nouveaux collectionneurs et le marché n’ayant plus besoin de ceux qui sont devenus « arbitres du prêt-à-penser en matière d’art » conclut amer Lemaire. Ce qu’entérine le récit édifiant sur ces « specullectors » à la mégalomanie très rationnelle du journaliste économique Jean-Gabriel Fredet dans son Requins, caniches et autres mystificateurs (Albin Michel). Son enquête apporte aussi les clés pour comprendre pourquoi et comment ce « marché-loterie porté par la bulle des prix, des egos, et des gogos, danse sur un volcan.» L’aventure de la pensée critique a été remplacée par celle d’une foule de publicistes aux ordres.…

Des histoires globales

Histoire de la critique d’artGérard-Georges Lemaire, Éd. Klincksieck, 475 p, 25€

-Requins, caniches et autres mystificateursJean-Gabriel Fredet, Albin Michel, 360 p., 22€

Histoire de la critique d’artGérard-Georges Lemaire, Éd. Klincksieck, 475 p, 25€

-Requins, caniches et autres mystificateursJean-Gabriel Fredet, Albin Michel, 360 p., 22€

Partager

Articles similaires

Le carnet de lecture de Mathieu Herzog, chef & Léo Doumène, directeur de Appassionato.

Voir l'article

Préhistomania, ou l’art du relevé et de sa diffusion (Musée de l’Homme)

Voir l'article

Bernard Réquichot, « Je n’ai jamais commencé à peindre » (Centre Pompidou)

Voir l'article

La revue Carnets d’ailleurs célèbre la rencontre du voyage et du dessin

Voir l'article