Culture

Le carnet de lecture de Fabien Armengaud, claveciniste et chef de la Maitrise du CMBV

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 10 mars
 2021

Bientôt directeur musical et pédagogique de la Maîtrise du Centre de Musique Baroque de Versailles (CMBV), Fabien Armengaud connait bien cette institution, véritable aiguillon de la réhabilitation du répertoire baroque français. Il a été l’assistant de son fondateur, Olivier Schneebeli pendant 20 ans ! Ce défricheur infatigable est convaincu qu’ avec les Pages et les Chantres, beaucoup de musiques méritent d’être encore d’être découvertes, à commencer par celle de Etienne Richard, professeur de musique de Louis XIV qu’il vient d’enregistrer. 

Tombé très tôt dans le baroque

Claveciniste, chef de chœur, chef d’ensemble, Fabien Armengaud est aspiré très tôt dans le mouvement baroque. Grâce à cette enfance à Auch à coté de ce grand-père Roland Couybes, organiste de la cathédrale qui lui fait apprivoiser la facture et le répertoire ancien. Grâce à de multiples rencontres qui jalonnent sa formation de musicien ; Odile Masse, Jan Willem Jansen et Yasuko Bouvard à Toulouse. Au Département de Musique Ancienne du Conservatoire de Toulouse,  Hervé Niquet, chef de chœur et fondateur du Concert Spirituel lui ouvre le monde illimité de la musique baroque française, Laurence Boulay le stimule à la basse continue et à la recherche.

Au coeur de l’antre CMBV depuis 2000

Très vite, en 2000, Olivier Schneebeli fondateur et chef de chœur de la Maîtrise du Centre de musique baroque de Versailles (CMBV) qu’il a fondée en 1990 l’ intègre comme assistant à l’institution. Notre passionné participe et entraine l’aventure collective de l’un des aiguillons les plus dynamiques du baroque français. Il ne la quittera plus, puisqu’il remplacera son mentor en septembre 21. Sa feuille de route est ambitieuse, à l’image de ce curieux : « animer un laboratoire d’expériences, un terrain de jeu, un carrefour entre les différents pôles du CMBV, que ce soit la recherche avec les performance practices, le pôle artistique par la collaboration avec des ensembles prestigieux et bien sûr l’action culturelle car un artiste n’est rien s’il n’est un acteur de la Cité« .

En parallèle à ce travail pédagogique et de découvertes, le musicien s’octroie des escapades toujours pour élargir son répertoire. En 1999, il fonde l’ensemble baroque Le Concert Calotin, puis en 2001, l’ensemble Sébastien de Brossard pour de jolies aventures musicales

Baroque toujours, la dynamique d’un défricheur infatigable

Ne dites pas à Fabien Armengaud que le champs baroque est bien défriché. Il dira toujours qu’il y a encore tant de découvertes à faire : dans ce XVIIe siècle – le véritable siècle baroque pour lui – avec son élégance, sa noblesse de caractère et ose-t-il même dire sa dignité qui transparaît dans tous les arts, et ce XVIIIe siècle, qui lui, va plutôt vers la virtuosité, vers l’agréable et parfois le décoratif.

Cette soif de passeur qu’il a chevillé dans sa pratique de musicien ; de claveciniste à chef de chœur, s’appuie toujours sur un travail approfondi de recherche et d’interprétation. De Louis-Nicolas Clérambault, de Sébastien de Brossard à Etienne Richard, professeur du Roi Soleil, dont il vient de publier un cd, la motivation est intacte pour réhabiliter tout le patrimoine de compositeurs baroques injustement oubliés.

Un travail exemplaire

Le travail sur Etienne Richard, professeur de Louis XIV est caractéristique de cette volonté de réhabilitation : « L’originalité de ses préludes, la poésie de ses allemandes, la stature racée de ses courantes, la mélancolie de ses sarabandes, son énigmatique gigue à quatre temps, font de lui un maître de premier plan qui mérite pleinement sa place au Parnasse du clavecin français. » Mais aussi patiemment de faire revivre toute l’évolution historique. »

Mais elle est doublée d’une volonté d’aller toujours plus loin dans une compréhension historique plus fine. Quite à faire aussi un travail d’imagination : « Qu’ont bien pu se dire Louis et Etienne ? s’interroge le musicien dans le livret du disque qu’il a écrit. Quels échanges entre ce professeur de 36 ans et le monarque de 19 ans ? Je suis persuadé, pour ma part, que les échanges entre les deux hommes, dépassaient largement le seul sujet de la musique. Enregistrer « l’intégrale » des pièces d’Etienne Richard n’aurait pas suffi à remplir un disque entier. C’est la raison pour laquelle il m’a semblé intéressant de convoquer, autour de Richard, ses prédécesseurs, ses contemporains, ses successeurs, en un mot ses « voisins de manuscrit » que sont Marais, de La Barre, Couperin, Rossi, Hardel, d’Anglebert…

Saluons cette ambition gourmande que rien de baroque français ne doit lui être étranger. Grâce à ce passeur, et pédagogue, c’est tout un magnifique patrimoine musical et culturel qui ne cesse de revivre à nos oreilles.

Le carnet de lecture de Fabien Armengaud

JS Bach. Messe en si, Philippe Herreweghe. Sur une île déserte, c’est sûrement la partition et l’enregistrement que j’emporterais. Après plus de trente ans d’écoute, je reste fasciné par chaque mouvement, notamment le Kyrie. On retrouve ici toute la construction analytique d’Herreweghe que j’adore, les solistes, le chœur et l’orchestre sont formidables, what else?

Marin Marais. Pièces en trios, Ensemble Fitzwilliam. Ce livre de trios est pour moi le summum de la musique française en trio et qui plus est cette interprétation est un modèle du genre, sans afféterie, chaque note est pensée, les musiciens sont au service de la musique et on a l’impression d’une réunion d’amis qui jouent ensemble.
Ma grande passion pour la flûte à bec ne date pas d’hier et c’est  l’occasion pour moi de faire ici un clin d’œil à Jean-Pierre Nicolas, immense flûtiste et ami qui vient de nous quitter et dont les disques m’accompagneront éternellement.

Delight in disorder, Pedro Memelsdorff et Andreas Staier. Sans mentir, j’ai rayé ce disque tellement je l’ai écouté et je pense d’ailleurs l’avoir racheté trois fois. La prise de son, le répertoire, l’interprétation de Pedro Memeldorff, tout me transporte. Ecoutez le tout début, c’est juste un coup de maître.

JS Bach. Sonates pour violon et clavecin, Leonhardt, Kuijken. Ce double coffret est toujours dans ma voiture! Et cette version tient pour moi toujours le haut du panier et dans les six sonates. Quelle connivence entre les deux interprètes et quelle majesté ! La sonate en fa mineur, Dieu que c’est beau!  De la belle ouvrage, assurément.

 Schumann. Dichterliebe, Christoph Prégardien – Andreas Staier. Ce cycle me bouleverse et, petite confidence, j’adore chanter ce cycle de mélodies pour moi-même. Prégardien et Staier, quelle osmose dans cette version, un des sommets de la musique de chambre et de la musique tout court.

Juliette. J’aime pas la chanson (Universal 2018). J’ai découvert la chanteuse Juliette, il y a trente ans, à ses débuts à Toulouse au Théâtre Sorano. Elle me bouleverse et pour moi, il n’y a pas un si grand pas entre la musique baroque et son art tant la diction, la mise en scène, la beauté et de ses textes et de ses musiques est saisissante. Ses chansons comme Berceuse pour Carlitos et dans son dernier disque J’aime pas la chanson, Une adresse à Paris me tirent des larmes à chaque écoute.

Le goût des autres, film de Jean-Pierre Bacri /Agnès Jaoui (2000). Moins connu qu’un Air de famille, j’ai dû voir ce film une bonne cinquantaine de fois. Le duo de Bacri-Jaoui y est encore une fois formidable, tant dans l’écriture que dans l’interprétation. Jean-Pierre Bacri y est bouleversant, et sont questionnés ici bon nombre de thèmes: Qui peut être touché par l’art? Quels sont les codes?  Comment les apprendre? Les a priori du milieu … Moi qui me considère encore comme un provincial, évidemment cela me parle.
Et ce dialogue sublime:
« Mais, qu’est-ce qui est le plus dur finalement, c’est la mémoire, c’est d’apprendre des textes ?
-Non, c’est de dépendre du goût des autres »

Boris Cyrulnik, Le murmure des fantômes. Boris Cyrulnik est pour moi le plus grand penseur et psychanalyste du siècle, le premier à élaborer et appliquer aux êtres humains le concept de résilience. Tous ses livres ont été pour moi des révélations et contrairement à bon nombre d’ouvrages de psy, là on en sort plein d’espoir. On connaît désormais l’histoire personnelle de cet homme qu’il a longtemps cachée et toute son œuvre s’éclaire désormais à nos yeux.

Pour suivre Fabien Armengaud et le CMBV

Découvrir les activités du Centre de Musique Baroque de Versailles – CNBV

Denier cd

A la tête de l’Ensemble Sébastien de Brossard

  • Louis-Nicolas Clérambault, Motets à trois voix d’hommes, Paraty, 2016
  • Silentium, Petits motets pour taille, Jean-François Novelli, 2018, EnPhases Records.

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