Culture

D’après la photo de Pascal Rivière

Publié par Frédéric Martin le 8 mars 2025

Ses pérégrinations visuelles ou littéraires, Frédéric Martin les partage dans ses notes de choses vues du blog 5, Rue du, Il aime aussi poser un récit « d’après la photo » entre analyse et introspection : ici de Pascal Rivière extraite de sa série ‘Stigmates d’une vie rêvée’.
De cette écriture photographique épanouie sur son territoire d’adoption en Seine-et-Marne, Anne-Sophie Barreau confiait « rien ne lui échappe, ni l’omniprésence de la culture américaine, ni l’irréductible liberté des êtres, matière (é)mouvante incorporée au point de devenir la sienne

D’après la photo de Pascal Rivière, extraite de sa série Stigmates d’une vie rêvée

Matin un peu frais, le brouillard peine à se lever.

Le week-end est là, l’ennui aussi. Il a fallu travailler cinq jours entiers, sans grande conviction, mais il faut bien manger. L’hiver s’étire, sur la pelouse à l’herbe rase, jaunie, traînent quelques jouets, le filet du trampoline s’alourdit d’eau. Le temps paraît figé. Bientôt ce sera dimanche soir une odeur de soupe envahira la cuisine. Des rires forcés, dehors le silence s’étend. On est allé faire des courses, sur le parking les SUV s’entassent. Air conditionné, chaleur artificielle, les galeries marchandes clignotent. Noël approche, la foule se presse, les rayons empilent des lots de chocolat. Baisse des prix. Déambulation un peu veine, le caddie plein, il faut rentrer, ranger, essayer de se reposer, oublier les tableaux statistiques, les réunions. La vie.

Banlieue. Un film avant d’aller se coucher.

Des pavillons à l’infini au milieu de terres gorgées d’eau. Les oiseaux oublient de chanter, « Chéri on pourrait aller au parc d’attraction avec les enfants dimanche ? ». Crédit immobilier, les voisins nous parlent barbecue, vacances d’été en commun. On les connaît sans les connaître, de toute façon une fois la porte d’entrée fermée, le carillon deux tons coupé, qui sait ce qu’il se passe dans les intérieurs ?

Périphérie. Train du petit matin et les gosses qu’on voit à peine grandir. Parfois, le sentiment d’être prisonnier d’un épisode de série ou au cœur des pages d’un roman d’Olivier Adam. On continue encore, encore, que faire d’autre ?

La ville n’en finit pas de s’étendre au milieu de rien.

Pourquoi ? Pour quoi ? Les stigmates sont là. La vie nous faisait rêver, mais elle est toujours un peu la même, toujours avec cette saveur légèrement fade.

Plus tard, il y a le printemps et les terres se couvrent de fleurs. Les heures deviennent un peu moins lourdes dans la tiédeur du soir. On espère que quelque chose se produira, on ne sait trop quoi, mais quelque chose qui aura son importance, ramènera un peu de fantaisie dans l’immobilité. Plus tard…

Quelques ados regardent le terrain de basket, fument un joint, il va être l’heure de rentrer. Demain c’est le lycée, les cours sans fin, l’avenir un peu le même. Eux aussi attendent le printemps.

Pour suivre Frédéric Martin

 

Le site de Frédéric Martin où se trouvent ses différents travaux photographiques

Ses blogs de chroniqueur

A voir

Sérotonine, film photographique

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