David Colon, La guerre de l'information, Les États à la conquête de nos esprits (Tallandier)

Ukraine vs Russie, Israël vs Hamas, … il n’y a pas un jour où « cette guerre à laquelle nous n’étions pas préparés, qui s’est déroulée pour l’essentiel sans que nous en soyons conscients, et qui constitue pour nos démocraties une menace mortelle» ne cesse d’envahir nos écrans, brouiller les débats et renforcer les antagonismes cognitifs ». Après deux livres références sur la propagande David Coulon se fait lanceur d’alerte dans « La guerre de l’information, Les États à la conquête de nos esprits » (Tallandier, 480 p. 23.90€.)  Son livre synthétique, à la fois historique et réflexif, rappelle que cette guerre sans début ni fin, brouille toutes les distinction entre l’état de guerre et l’état de paix, entre le front et l’arrière, et vérités et manipulations pour mieux déstabiliser les démocraties, cibles à abattre pour tout totalitarisme. Une alerte, un recul historique et des propositions pour préserver notre modèle de libertés d’un tsunami de désinformation !

« La guerre de l’information est une guerre des perceptions aussi bien que du sens et de l’influence »

Retourner la démocratie contre elle-même

Singular’s avait déjà chroniqué deux de ses précédents ouvrages sur la propagande, et ses principaux manipulateurs. Avec ce dernier volet de sa trilogie, « La guerre de l’information, Les États à la conquête de nos esprits » Tallandier essais, David Coulon dessille de toute naïveté ou de syndrome de l’autruche,  « à l’équilibre de la guerre froide a succédé le déséquilibre de la guerre de l’information ».

La « captation de notre attention » par ceux qu’il appelle «les guerriers de l’information » n’est pas seulement un enjeu économique, c’est un enjeu politique – subvertir ou déstabiliser l’opinion publique – voir civilisationnelle en alimentant une « stratégie du chaos » en Occident en général, et en Europe, en particulier en donnant « une caisse de résonance à toutes les forces centrifuges » pour « retourner la démocratie contre elle-même « ..

L’historien  se fait lanceur d’alerte

Au fil d’une édifiante histoire où l’Amérique a la responsabilité d’avoir ouvert la boite de Pandore pour engager la Guerre du Golfe, dont de nouvelles pages s’écrivent quotidiennement sous nos yeux, certes désormais un peu plus avertis, l’historien lanceur d’alerte en appelle à « un état d’urgence informationnel ».
Face à une guerre asymétrique, entre sociétés ouvertes qui encouragent le pluralisme et des régimes autoritaires hermétiques, David Coulon suggère plusieurs initiatives, tant publiques comme la création un réseau social européen de service public (en réponses aux enjeux posés par Twitter, TikTok et l’IA générative, …) et avec le renforcement de la transparence en imposant, comme le font les Etats-Unis depuis 1938, que les agents représentant les intérêts de puissances étrangères déclarent publiquement leur activité. Coté entreprises privées,  les éditeurs d’un journalisme de qualité devrait bénéficier de soutien, comme une certification de médias lancé par RSF, ou de renforcement – par des aides ciblées – pour davantage de « fact checking », … Premières mesures pour contribuer à piéger les manipulateurs et les désinformations issues de l’ingérence étrangère.

C’est en défendant notre modèle de libertés que nous pourrons le mieux faire face aux défis de la guerre de l’information. Des médias libres, indépendants et de qualité sont notre meilleur système immunitaire face au virus de la désinformation.

A chacun aussi avec vigilance d’œuvrer pour faire barrage à l’essor du populisme et la polarisation politique.

#Olivier Olgan