Gastronomie
En majesté sur les tables de fêtes : le chapon
Auteur : Blandine Vié
Article publié le 21 décembre 2018 à 2 h 30 min – Mis à jour le 10 janvier 2019 à 13 h 27 min
Mais qu’est-ce qu’un chapon ?
Le chapon est un jeune coq que l’on a châtré et engraissé aux fins d’en faire une volaille dodue à la chair goûteuse, moelleuse et tendrement persillée. Autant dire un eunuque. Cette opération radicale pratiquée sur le poulet mâle à 2, 4 ou 5 mois le prive de sa crête et de ses testicules, le rend aphone — contrairement aux castrats humains qui gardaient ainsi leur voix d’avant la mue — et surtout le fait grossir très rapidement en changeant radicalement la texture de ses chairs qui s’infiltrent subtilement de gras et gagnent en succulence.
Il est élevé 150 jours (8 mois pour le Chapon de Bresse). D’abord laissé en liberté environ 135 jours (selon les chartes), il est « fini » (engraissé) pendant les dernières semaines (25 jours en moyenne) dans l’obscurité d’une petite cage en bois appelée épinette où on le nourrit avec 75% de céréales et des produits laitiers. Les volailles nourries au maïs sont plus jaunes. Il est sacrifié à l’âge de 6 mois (8 mois pour le Bresse). À la fin du cycle, il pèse au minimum 3 kg et jusqu’à 4,5 kg. Il régale 8 personnes ou plus.
Le chaponnage (la castration) est une tradition qui remonte à l’Antiquité. Ce sont les Grecs qui auraient appris la technique aux Romains. Mais la raison pour laquelle, la méthode s’est propagée est plutôt coc…asse ! En effet, tout comme pour les oies (voir notre précédent article sur le foie gras), il y avait tant de poulets dans les rues de Rome que leur élevage fut interdit. Les coqs étant repérables à leur chant, c’est pour contourner la loi et pouvoir les élever clandestinement qu’on se serait mis à les castrer.
Très en vogue au Moyen-Âge, à la Renaissance et jusque vers 1930, le chaponnage est tombé en désuétude avec les élevages industriels pour ne réapparaître que dans les années 80.
Label et la bête
On produit des chapons dans plusieurs régions en France : les Landes (Saint-Sever), Janzé (Bretagne), le Lauragais (Montagne noire), Loué (Sarthe), Barbezieux (Charente), en Auvergne, et bien sûr en Bresse.
Il vaut mieux choisir ce jeune efféminé avec un signe de qualité patent : impérativement fermier (chez un artisan-volailler), avec Label Rouge et une IGP s’il est acheté en grande surface, ou une AOC (depuis 1957) pour le chapon de Bresse (roulé dans un linge qui lui donne une belle forme). Après son achat, sortez-le de son emballage, enveloppez-le dans un torchon et conservez-le au frais mais n’oubliez pas de le mettre en température ambiante 2 h avant de le cuisiner.
Et le chapon de pintade ?
Ce n’est que depuis quelques décennies qu’on chaponne aussi les pintades, c’est-à-dire une pintade mâle castrée à l’âge de 2 mois, élevée en liberté ou semi-liberté pendant six mois en dehors de la période de finition de croissance et d’engraissement. Tout comme le poulet, la pintade acquiert ainsi une chair plus fondante mais qui présente tout de même la saveur légèrement giboyeuse propre à la pintade. Le chapon de pintade a obtenu un Label Rouge en 1994. Prêt-à-cuire, il pèse entre 2,2 et 2,8 kg et convient pour 4 à 6 convives.
En cuisine, sublimez-le !
La cuisson du chapon est délicate car il peut vite se dessécher, ce qui est évidemment dommageable pour sa chair si moelleuse. Pour la cuisson, Alain Dutournier conseille de le faire rôtir 2 h dans sa propre graisse à 180 °C (45 min sur chaque côté et 30 min sur le dos) en l’arrosant régulièrement et en retirant l’excès de gras à mi-cuisson.
Disons qu’il est judicieux de compter 20 à 30 minutes (selon le goût) par tranche de 500 g de poids et 1 heure environ s’il est découpé et mijoté en cocotte dans une sauce fine.
Une autre technique consiste à le pocher-rôtir. Ainsi, Georges Blanc le fait préalablement pocher 30 min dans un fond de volaille juste frémissant puis le rôtit au beurre, vivement au départ puis à 200 °C au bout de 30 min, en l’arrosant souvent aussi. Mais attention car sa peau croustille alors beaucoup plus vite.
Le secret de la réussite pour donner du moelleux à la chair et du croustillant à la peau consiste de toute façon à l’arroser souvent (toutes les 10 min) et copieusement avec le jus du plat pendant la cuisson !
Ces deux chefs ajoutent la garniture aromatique à mi-cuisson.
Comme de nombreuses volailles de Noël, le chapon peut être farci (d’une farce soignée) ou, plus insolite, mijoté dans une sauce au vin moelleux ou au vin jaune : vin jaune, crème et morilles sont l’apprêt classique des Jurassiens.
Enfin, pour une recette d’anthologie qui restera dans les mémoires, le chapon peut aussi se préparer en vessie, avec des truffes.
En tout cas, quelle que soit la recette choisie, laissez toujours reposer la volaille 15 à 20 min avant de la découper (protégée par une feuille d’aluminium ménager ou/et sur la porte du four éteint mais ouvert). N’omettez pas de présenter cette belle pièce entière à vos convives avant de procéder au découpage si vous le faites en cuisine. Et dégraissez la sauce pour la servir.
La farce
Elle n’est évidemment qu’optionnelle, tout dépend de la recette. Mais il est vrai que les volailles festives appellent la farce. Il y a au moins trois raisons à cela :
1) Il y a un intérêt économique à farcir une volaille car, ainsi lestée, elle permet de régaler plus de convives qu’une volaille non farcie.
2) La farce empêche la chair des volailles (surtout les blancs) de se dessécher à la cuisson car elle apporte de l’humidité par l’intérieur, surtout aux grosses pièces qui demandent une longue cuisson.
3) Enfin, elle apporte un plus évident au niveau de la saveur car c’est souvent une farce ennoblie par un peu de foie gras, des brisures de truffe et un bon trait d’armagnac.
Ses garnitures
Tous les champignons (morilles, girolles, trompettes de la mort et bien évidemment truffes) et les légumes d’hiver : potimarron, potiron, châtaignes, salsifis, panais, crosnes, embeurrée de chou (truffée ou non), endives, cardons, artichauts vont bien à sa chair douce et fruitée. De même que les fruits : figues fraîches ou sèches, coings ou même pommes, poires, nashis, pruneaux, clémentines.
Et pour l’accompagner, ne dédaignez pas une salade de mâche agrémentée de graines de grenade.
T’as de beaux restes, tu sais !
Le chapon étant une grosse pièce, il y a souvent des restes qui ne déméritent certes pas froids.
Mais on peut aussi effilocher la chair du chapon (y compris celle de la carcasse) et :
– Préparer un gratin en rajoutant des échalotes fondues, des pâtes cuites type macaronis, des champignons sautés, de la crème et du fromage râpé.
– Une quiche.
– Mélanger les restes effilochés à une béchamel épaisse et faire des croquettes ou des palets qu’il n’y a plus qu’à paner et à frire.
– Un hachis parmentier en étalant les restes entre deux couches de purée de pommes de terre, de céleri-rave ou de potimarron.
– Un risotto.
Où trouver le chapon et avec quels vins l’associer ?
Acheter
• Chez votre artisan-volailler qui saura vous donner des conseils judicieux.
• En direct chez un producteur : voir les conseils du Guide des Gourmands d’Élisabeth de Meurville
Savourer
Pendant la période des fêtes…
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• Chez votre artisan-volailler qui saura vous donner des conseils judicieux.
• En direct chez un producteur : voir les conseils du Guide des Gourmands d’Élisabeth de Meurville
Savourer
Pendant la période des fêtes de nombreux restaurants pas forcément étoilés proposent du chapon jusqu’au 31 décembre.
Déguster
Le bon choix pour un chapon non farci ou aux champignons en sauce crémée : un blanc raffiné
• Un meursault 1er cru Poruzots 2012 d’Olivier Leflaive, 100% chardonnay. Avec ses arômes de noisette, de fruits blancs, de mirabelle et sa bouche bien structurée à la longue finale élégante, il accompagnera tout en délicatesse un chapon cuisiné à la crème et aux morilles. Prix : 62,90 € à la propriété Olivier Leflaive, Place du Monument, 21190 Puligny-Montrachet, Tél. 03 80 21 37 65 –
• Un meursault 1er cru Blagny 2017 de Joseph Drouhin, 100% chardonnay à la belle richesse aromatique (nez de miel, tilleul, beurre de noisette) et à la bouche ronde et soyeuse, très élégante. Parfait sur un chapon aux girolles ou aux châtaignes, ou encore crémé aux champignons. Prix : 56 € chez les cavistes et boutique en ligne
• Un côtes-de-nuit villages 2015 de Gilles Jourdan, 100% chardonnay
qui par ses arômes délicats et fleuris et sa bouche opulente, vive et élégante, presque tendre, épousera toutes les volailles fines, particulièrement un chapon aux saveurs douces et crémeuses. Prix : 16 € départ cave ou chez les cavistes. Domaine Gilles Jourdan, 114 Grande-Rue, 21700 Corgoloin – Tél. 03 80 62 76 31
• Un côtes de Provence cuvée « Clos de Madame » 2017 du Château Rasque, 100% rolle, au nez floral et fruité, aromatiquement intense, et à la bouche ample, onctueuse et riche, très goûteuse. Parfait sur un chapon de Bresse en cocotte avec des morilles et qui a été déglacée au même vin. Prix : 22 € au Château Rasque, 2897 route de Flayosc, 83460 Taradeau – Tél : 04 94 99 52 20 ou chez les cavistes.
• Un côtes-du-Rhône Orior 2017 d’Ortas de la cave de Rasteau, assemblage de grenache blanc, roussanne, marsanne, viognier et clairette. Nez de fleurs blanches expressif, notes florales également en bouche, soutenues par un léger boisé très discrète. Finale croquante sur des arômes de fruits secs. Épatant sur une volaille à la crème u peu endimanchée. Prix : 8,50 € départ de La cave de Rasteau, Route des Princes d’Orange, 84110 Rasteau – Tél . 04 90 10 90 10.
• Un chignin-bergeron « Au pied des Terres » 2017 de Jean-François Quénard dont le côté fruité s’harmonisera lui aussi avec un chapon crème-champignons. Prix : 16,50 € départ cave.
Domaine Jean-François Quénard, Tours de Chignin, 73800 Chignin – Tél. 04 79 28 08 29.
• Un gewurztraminer Steingold 2011 de la cave des vignerons de Pfaffenheim, pur et complexe, de saveur douce mais non sucrée, qui sera en harmonie avec des recettes de chapon délicates. ou relevées d’épices douces.. Prix : 12,90 €. Cave de Pfaffenheim, 5 rue du Chai, 68250 Pfaffenheim. Tél.03 89 78 08 08
Pour un chapon farci et des inconditionnels du rouge :
• Une côte-rôtie 2016 de la Maison Denuzière, 100% syrah, au nez élégant et complexe qui exhale des notes de fruits rouges et d’épices, avec une légère pointe de torréfaction. La bouche est ample avec une finale épicée, les tanins sont souples et fondus. Beau compagnon pour un chapon traditionnel. Prix : 38 € chez les cavistes et au domaine Maison Denuzière, 73 route Nationale, 69420 Condrieu – Tél. 04 74 59 50 33
• Un saint-joseph Les Royes 2016 du Domaine Courbis, sélection parcellaire de vignes de 50 ans. Le nez est puissant mais élégant, la bouche charnue mais souple. Un vin haute-couture pour accompagner un chapon marié avec une embeurrée de chou, surtout si elle est truffée. Prix: 32 € chez les cavistes et au Domaine Courbis.
• Un sancerre Le Rabault 2016 du Domaine Joseh Mellot, 100% pinot noir. Éclatant de finesse, il s’ouvre sur des notes de cerises, de mûres, de framboises, relevées de touches épicées et de pain grillé. Souple et gourmande, la bouche a elle aussi des parfums fruités ainsi qu’une belle structure, des tanins fins et soyeux. Idéal pour accompagner un chapon fin cuisiné de manière traditionnelle. Prix : 15,50 € chez les cavistes ou Domaine Joseph Mellot
Un joker intemporel toujours gagnant : un champagne
• Grande Sendrée brut 2008 de la Maison Champagne Drappier, blanc de noirs, 55% pinot noir, 45% chardonnay. C’est l’expression de l’élégance (d’ailleurs nom du lieu-dit dont il est issu). Aubépine, miel d’acacia, cire d’abeille, pâte d’amande, pâte de coing, bergamote, viennoiseries tièdes composent son nez tandis que sa bouche est à la fois tonique et caressante. Idéal sur une volaille de Bresse truffée à la crème.
Prix : 70 € à la propriété ou chez les cavistes – Champagne Drappier, Rue des Vignes, 10200 Urville, Tél. 03 25 27 40 15.
• Parallèle extra-brut 1er cru de Colin, blanc de blancs, 15% pinot noir vinifié en rouge et 85% chardonnay. Droit et expressif au nez (fleurs blanches), ample, minéral et tendu en bouche, il est d’une grande délicatesse et d’une grande fraîcheur, avec de tendres notes biscuitées. Sa bulle sera comme une parure de dentelle sur un chapon qui s’est mis sur son 31 (décembre). Régalant pour un prix modeste : 27 €. Champagne Colin, 101 avenue du Général de Gaulle, 51130 Vertus – Tél. 03 26 58 86 32.
• Clos de Château de Bligny, 6 cépages brut nature, véritable mémoire de la tradition champenoise en édition limitée. Une caractéristique sublimée par la renaissance de 3 cépages d’antan. Cépages : chardonnay, pinot noir, pinot meunier, pinot blanc, arbane et petit meslier. Le Clos du Château est l’unique Clos appartenant au seul Château en appellation Champagne. Symphonique et fleuri au nez et en bouche (fruits jaunes tels que la pêche et l’abricot, son opulence tout en nuances sera en harmonie avec un chapon bellement rôti. Prix : 49 € en coffret chez Nicolas. Château de Bligny, 14 rue du Château, 10200 Bligny – Tél. 03 25 27 40 11.
• HBH 1er cru 2008, dosage extra-brut, cuvée spéciale de la Maison Louis Brochet, blanc de noirs 50% pinot noir, 50% chardonnay. Élégant et complexe, vineux avec des arômes de fleurs séchées, de fruits blancs bien mûrs et d’agrumes confits, voluptueux en bouche, fruité et acidulé, c’est un partenaire idéal pour un chapon aux fruits. Prix : 53,90 € sur le site.
• Collection privée Meunier vieilles vignes de la Maison Collet, blanc de noirs 100% meunier vieilles vignes. Gracieux au nez et en bouche avec de belles notes aromatiques, de la tension et de la rondeur, il a le répondant nécessaire pour faire face à une belle volaille de fête, qu’elle soit rôtie ou en sauce.
Prix : 38 €
Sans oublier un vin jaune pour accompagner un chapon cuisiné au vin jaune.
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