Essai : L’Autre Art contemporain de Benjamin Olivennes (Grasset)

Vrais artistes et fausses valeurs, 168 p., 16 €.

A mi chemin entre un cri de résistance et une contre-histoire de l’art, le virulent petit essai de Benjamin Olivenne vise la restauration de la « vraie beauté par destination » . Il réactualise ce « Sens du Beau » revendiqué déjà il y a trente ans par Luc Ferry, à l’aune des « fausses valeurs » de l’art contemporain. Et n’a pas de mots assez durs sur l’imposture de toute avant-garde artistique. Heureusement, le philosophe est plus convaincant à promouvoir des artistes qui méritent l’attention. Et qui n’ont pas besoin de cette polémique populiste sur le plaisir et la beauté, pour justifier leur singularité.

La beauté « par destination » n’existe pas.

Rien de bien nouveau dans cette tentative d’appeler au retour du « sens du beau », mêlant impéritie de l’art « contemporain », stigmatisation d’un « art officiel »  tout en assumant « de rejoindre ce faisant l’opinion populaire ». Le bon philosophe croit au bon sens populaire en matière esthétique !
Sans grande originalité, mais avec une bien meilleure réception, Benjamin Olivennes ne fait qu’actualiser – avec moins de philosophie et plus de piques contre les dérives esthétiques du ‘capitalisme mondialisé’ – Le Sens du Beau,  le livre de Luc Ferrydatant de 1990 !

Et décennies après décennies, c’est toujours le même amalgame plus ou moins goguenard d’« impostures » qui met de son côté grincheux et curieux paresseux ; avant-gardes dégénérées, bulles financières outrancières, le marché de l’art instrument de puissants, peintres « officiels » surcotés ou trop médiatisés, sans oublier l’impasse de l’abstraction, ….

Alors que la beauté, il n’y a que cela de vrai !

L’ objectif (courageux) est la revendication de pouvoir « revenir en arrière » ; ce qui serait pour l’aimable porte parole populaire, impossible face à tous ses « pouvoirs » ! Et comme ici la liberté de penser ne connait aucune limite, il part à l’assaut des portes ouvertes qu’il souhaite enfoncer : « Il y a toujours un monde, le nôtre, à représenter, et il y a toujours dans l’âme humaine un besoin d’image, de musique, de narration, de poésie et de beauté » … Conclusion, le désert esthétique français, c’est la faute à l’Etat !

Sans oublier l’impasse de l’abstraction. On n’y comprend rien, dirait Arasse ! Si les reproches d’un ‘ostracisme figuratif ‘ d’un Jean Clair étaient justifiés il y a près de 20 ans, peut-on vraiment le dire aujourd’hui ? Rappelons en outre que la peinture figurative est toujours restée puissante, en Allemagne, de Georg Baselitz à Neo Rauch, ou en Angleterre, de Lucian Freud à David Hockney… il n’ y a vraiment qu’en France que les postures se radicalisent, en peinture, comme en littérature et en musique.

Plus pertinente, est la volonté de valoriser ces « grands artistes vivants qui demeurent méconnus » que bien sûr « on nous cache ».  Loin des inutiles polémiques sur qui dit la vraie beauté, tout éclairage, tout velléité de montrer des artistes « défendus » doit être soutenu. La verve de l’auteur, son admiration est sincère et communicative. Des artistes comme Sam Szafran, Vladimir Velickovic. Leonardo Cremonini, Avigdor Arikha, Dado, Gilles Aillaud Jean-Baptiste Sécheret et Érik Desmazières … et tant d’autres n’ont cependant pas besoin de faux procès pour être mis en lumière ! Et n’apprécieraient probablement pas d’être mis dans le même sac. Le travail consiste précisément à en distinguer la singularité !

Au lieu de crier avec les loups populistes, nous conseillons à Benjamin Olivennes et ses adeptes de ‘contre culture’ de se rendre chez Gagosian au Bourget pour constater avec les dernières créations produites par Anselm Kiefer que l’art d’aujourd’hui, loin des critères ou du sens de beau, figuratifs ou pas, existe d’abord comme substance nourrissante, comme vision du monde,  ce que tente d’illustrer chaque semaine Singulars.

Pour aller plus loin

Au lieu de s’en tenir à cette bien modeste ‘contre histoire’ irruptive, nous recommandons de plonger dans la passionnante et ambitieuse trilogie de Béatrice Joyeux Prunel  sur l’histoire mondiale des avant-gardes :
vient de paraitre, Naissance de l’art contemporain. Une histoire mondiale, 1945-1970 (Paris, CNRS Editions,)
après Les Avant-gardes artistiques. Une histoire transnationale : Vol. 1: 1848-1918 (Paris, Gallimard, Folio Histoire, poche, 2016). Vol.2: 1918-1945 (Paris, Gallimard, Folio Histoire, poche, 2017).