Culture

Beaux-Livres : Charles Camoin, un fauve en liberté, (Musée de Montmartre – Jardins Renoir)

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 30 aout 2022

Plus que quelques jours pour découvrir jusqu’au 11 septembre l’œuvre de Charles Camoin (1879-1965) dans le creuset de sa création puisque le Musée de Montmartre fut en 1908 l’ atelier parisien de ce compagnon de route de Matisse et Marquet. Dans un cadre hors du temps, le visiteur découvre un « amour exclusif de la couleur » qui justifie à lui seul cet hommage et passionnant catalogue In Fine) à ce Fauve méditerranéen en totale liberté pendant les quarante premières années de sa vie, avant de suspendre le temps de la conquête.

Charles Camoin, Liseuse en robe violette, 1898. Un fauve en liberté, Musée de Montmartre Photo OOlgan

Un lieu imprégné d’artistes

D’abord il y a la magie du lieu, ce musée avec son somptueux jardin, niché sur la pente de Montmartre qui se gagne à travers quelques rues discrètes, loin de la foule touristique. Depuis le début du XXe siècle, les ateliers du 12-14 rue Cortot – aujourd’hui le Musée de Montmartre – vécurent au rythme des passages de nombreux artistes ; de Renoir à la famille Valadon – Utter – Utrillo, en passant par Emile Bernard et Emile-Otton Friesz. Charles Camoin , natif de Marseille, qui s’y installe en 1908 puis y revient épisodiquement jusqu’en 1925 où il s’installe avenue Junot toujours à Montmartre jusqu’à sa mort à 86 ans. C’est dans ce même cadre que cette exposition qui tente de réhabiliter ce « fauve méditerranéen »  un peu trop oublié ou sous-estimé.

Charles Camoin, Le Seine, le Louvre et le pont des Arts vus du Pont-Neuf, 1904-1905. Un fauve en liberté, Musée de Montmartre Photo OOlgan

Cultiver cet émerveillement de la lumière

Celui débarqué dans la capitale en 1897 que son ami Cézanne appelait « le vaillant Marseillais» – et revendiquée comme tel par la Cité phocéen – vécu entre Paris et Saint Tropez où il se fixe dès 1921 la majeure partie de sa vie, et en fit le thème de l’essentiel de son œuvre. « A l’inverse de ces camarades, c’est en remontant en allant vers le nord qu’il rejoint le fauvisme et où il apporte sans doute sa culture méditerranéenne », note Assia Quesnel co-commissaire dans le catalogue qui fait le point sur l’aura et la postérité de Camoin. « Alors que la découverte de la lumière méridionale a constitué un facteur décisif dans l’élaboration du fauvisme, un émerveillement par a différence, chez Camoin, il s’st agit de cultiver toute sa vie durant cet émerveillement. »

Charles Camoin, Marocains dans nne rue, 1913. Un fauve en liberté, Musée de Montmartre Photo OOlgan


Charles Camoin, Autoportrait, 1910 (toile coupée et restaurée) Un fauve en liberté, Musée de Montmartre Photo OOlgan

Un fauve en liberté

S’il coche toutes les cases de cette avant-garde coloriste – atelier de Gustave Moreau, amitiés de Cézanne, Matisse et de Marquet, Salon d’Automne de 1905 et la fameuse «cage aux fauves», salle 7, marchands communs (Khanweiller, Druet, Schames), fascination du Sud, – Camoin revendique « en tant que coloriste d’être en fauve en liberté sans m’être jamais conformé à la théorie du fauvisme qui prétendait peindre avec les tons purs. Le fauvisme s’est vite épuisé comme tout ce qui ne correspondait pas à une manière profonde de sentir. » Et se distingue par sa rigueur constructrice et  ne s’embarrasse d’aucune théorie ou dogme artistique.

Cette exigence entraine un épisode dramatique – bien documenté dans le parcours et le catalogue par Claudine Grammont – « L’affaire des toiles coupées ».
De retour du Maroc, en juin 1914, Camoin décide de détruire en les découpant une soixantaine d’œuvre, dont les débris colorés furent jetés dans une poubelle, mais récupérés par un chiffonnier, qui les vendus aux puces. Restaurées pour certaines – 15 peintures sont encore identifiables dont ‘Autoportrait » de 1910 – par des marchands, elles sont mis en vente… Camoin intente et gagne un procès en 1931. « La médiatisation du procès et l’importance de ses conclusions pour l’établissement du droit de l’artiste ont porte au second plan l’œuvre elle-même, ce qui a motivé son évolution stylistique. » insiste Claudine Grammont.

Charles Camoin, Paysage corse, 1910. Un fauve en liberté, Musée de Montmartre Photo OOlgan

Trop constant, trop prolixe

Charles Camoin, Le Printemps, 1921. Un fauve en liberté, Musée de Montmartre Photo OOlgan

Qualité ou défaut ? le public instruira le procès de la suite de carrière de ce quadra qui semble avoir déjà tout peint. Le «fauve» de 1905 reste ensuite (hélas) un peintre constant à ses idéaux, fidèle à la Butte qu’ à ces harmonies colorée et soucieux d’un confort matériel enfin gagné. Le parcours fait heureusement la part belle aux conquêtes d’avant la Grande guerre où il fut mobilisé et incapable de peindre jusqu’en 1919,

Autant les conquêtes des premières décennies sont marquantes, de ses Nus féminins (où « il opte pour un réalisme choisi et assumé, dans une forme de sobriété assumée » note Assia Quesnel) remarque que l’on peut aussi associer à ses paysages puissants, autant la reprise des années 20 reste qu’une poursuite sans éclair de l’élan coloriste alors que ces compagnons sont déjà si loin, quand on compare ses Intérieurs des années 30 à ceux peints par Matisse…

Ajouter à cette stagnation stylistique entre impressionnisme et fauvisme, une production très abondante qui ne bouscule plus aucune ligne et vous comprenez comment Camoin a pu perdre cette aura de fauve qui le relègue trop en petit maitre.
A Montmartre, elle remonte un peu la pente en reprenant de la vigueur éclatante.

Charles Camoin, La femme à la voilette, 1905. Un fauve en liberté, Musée de Montmartre Photo OOlgan

#Olivier Olgan

En savoir plus sur Charles Camoin

Exposition Charles Camoin, un fauve en liberté, (Musée de Montmartre – Jardins Renoir)
Jusqu’au 11 septembre 2022
, Musée de Montmartre-– Jardins Renoir 12 rue Cortot, 18e
Du mer. au lun. 10 h – 19 h, fermé le mar.

Catalogue In Fine Éditions, 175 p., 25 €
Sous la direction de Assia Quesnel, historienne de l’art et responsable des Archives Camoin, Saskia Ooms, responsable de la conservation du Musée de Montmartre, et Claudine Grammont, directrice du Musée Matisse, Nice.

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