Face à Arcimboldo (Centre Pompidou-Metz)
Du mercredi au lundi de 10 heures à 18 heures, 19 heures le week-end.
Catalogue sous la direction et des essais de Chiara Parisi et d’Anne Horvath, co-commissaires de l’exposition 464 p. 75€ avec le texte intégral de Roland Barthes, « Arcimboldo, Rhétoriqueur et Magicien » daté de 1978.
Plus que quelques jours pour se plonger dans cet étonnant inventaire « à la Arcimboldo », cabinet de merveilles et de curiosités à ciel ouvert, concocté par le Centre Pompidou de Metz jusqu’au 22 novembre. 130 artistes, 250 œuvres, 4 siècles de création désinhibées reliés par les jeux de l’analogie, l’hybridation, du masque rendent hommage à Giuseppe Arcimboldo (1526-93), facétieux créateur pour un manifeste de l’histoire de l’art fantastique et conceptuel. Erudit et engagé, le catalogue monumental s’impose comme l’un des livres d’art de l’année.
Mettre au monde un monde nouveau dans celui d’avant.
« C’est un réseau complexe aux faux airs d’écosystème, un atlas composite, une chronologie fragmentée. Arcimboldo sème le trouble, il échappe à son temps. Cette navigation ne commence ni à l’époque de l’artiste ni aujourd’hui. » La note d’intention de Chiara Parisi directrice du Centre Pompidou-Metz et co-comissaire de l’exposition et du catalogue donne le ton et les ambitions de ce « Face à Arcimboldo ».
Superposition de plusieurs niveaux lectures
D’abord, cerner la place dans l’histoire du peintre milanais inclassable qui a su hisser ses ‘cryptomorphes’ en art. Son audace décalée avec ses portraits composites nourrit une influence autant sur ces contemporains (Francesco Zucchi, Giambologna, Bracelli) que sur les modernes. Sa renaissance tient à la fascination des Surréalistes qui l’ont d’emblée pris comme l’un des leurs et s’(en sont inspirés de De Chirico à Max Ernst… Et au-delà, Maurizio Cattelan (né en 1960), Annette Messager ou les frères Campana s’en revendiquent aussi en créant une installation pour l’occasion.
Ensuite, établir une généalogie subjective des « analogies créatives », prémices d’un « art conceptuel » dont Arcimboldo devient l’inventeur providentiel ; donner vie à une représentation implique de s’éloigner de toute reproduction ou fonctionnalité servile d’une réalité qui se cache sous bien des masques que seuls les créateurs peuvent arracher, de Ensor à Francis Bacon … Défilant sa propre histoire de l’art, l’exposition réactualise l’hypothèse d’une permanence d’un fantastique esthétique, tissée au fil des siècles entre le maniérisme au XVIe siècle, le symbolisme à la fin du XIXe et le surréalisme au XXe pour conduire aux créations d’aujourd’hui, de Alina Szapocznikow à Rosemarie Trockel.
Enfin réenchanter le monde, au-delà du cabinet de merveilles et de curiosités où Arcimboldo fut longtemps confiné. Dans cet perspective, le rôle créateur du commissaire d’exposition consiste à poursuivre l’utopie « Dans cette épopée apocalyptique comme dans notre exposition, insiste Chiara Parisi. le contemporain fait office d’interface entre l’archive et la dystopie, entre le récit et la spéculation. C’est un réseau complexe aux faux airs d’écosystème, un atlas composite, une chronologie fragmentée. Arcimboldo éclaire des époques révolues et des temps incertains: il nous invite à mettre au monde le monde, à en créer un autre dans le précédent, hybride, pluriel et vivant, un monde nouveau dans celui d’avant. »
Au regardeur de recomposer
Cette invitation à oublier ses repères pour se plonger dans un flot de créativité exacerbée hors temps et hors sol sera réussie si le regardeur accepte de se créer son propre parcours, au milieu de cet inventaire subjectif, parfois artificiellement élargi, et de recomposer son propre cabinet de curiosités au fil d’une déambulation labyrinthique à la vocation assumée, d’être ludique et festive.
Ensuite, le catalogue dont l’ampleur est à la hauteur du projet lui apportera toute la substance nécessaire pour creuser ses intuitions, au-delà des émotions qu’il aura ressenties.
#OlivierOlgan